LE DIAGNOSTIC ET LES SOLUTIONS DE LA BANQUE MONDIALE POUR LE SECTEUR DE L'ARACHIDE
L'institution de Bretton Woods invite les producteurs d’huile nationaux à s’orienter vers le raffinage d’huile de palme brute importée
Le Sénégal est le 9e producteur mondial d’arachide et subit de lourdes pertes de revenus dans la production d’huile d’arachide, selon la Banque mondiale. Dans son rapport intitulé “Sénégal : de meilleurs marchés pour tous grâce à la politique de la concurrence’’, rendu public hier, elle souligne que les politiques actuelles employées dans le secteur de l’arachide “nuisent’’ à des millions de consommateurs et à des centaines de milliers d’agriculteurs. La Bm invite les producteurs d’huile nationaux à s’orienter vers le raffinage d’huile de palme brute importée.
Le Sénégal est actuellement, selon la Banque mondiale (Bm), le 9e producteur mondial d’arachide. Il occupe la 15e place au classement de la production mondiale d’huile d’arachide. Alors que le pays était le plus grand exportateur mondial d’huile d’arachide jusqu’au début des années 2000. Il est maintenant largement dépassé par l’Argentine et le Brésil, suite à une baisse continue de parts de marché dans les exportations mondiales d’huile d’arachide, allant jusqu’à 11 % en 2015-2016. Au fait dans un rapport intitulé “Sénégal : de meilleurs marchés pour tous grâce à la politique de la concurrence’’ publié hier, la Bm souligne que le secteur sénégalais de l’huile d’arachide éprouve des “difficultés à être compétitif’’ sur le marché mondial. Ceci avec l’essor de l’huile de palme et de soja, d’une part, et des producteurs d’arachide plus importants et plus efficaces comme la Chine, d’autre part. “S’appuyant sur les données budgétaires des entreprises arachidières sénégalaises, une récente étude de la Banque mondiale a montré que la transformation de l’arachide en huile d’arachide semble être actuellement une activité non rentable et risquée au Sénégal. Cette situation est due à la demande mondiale limitée d’huile d’arachide importée, mais elle est amplifiée par les distorsions notées tout au long de la chaîne de valeur’’, lit-on dans le document.
En outre, de plus en plus, au niveau mondial, la transformation de l’huile d’arachide est effectuée au point de destination, en raison, entre autres facteurs, du coût élevé du transport. Cet état de fait et d’autres distorsions peuvent avoir contribué à un manque d’intrants de qualité et à des rendements faibles. Ce qui, d’après l’institution, augmente les coûts pour les transformateurs, en rendant plus difficile la réalisation d’une exploitation efficace. “Pour compenser la perte de revenus liée à la production d’huile d’arachide, les producteurs d’huile nationaux pourraient se concentrer sur le raffinage d’huile de palme brute importée’’, recommande la Bm.
En réalité, la demande nationale pour l’huile d’arachide a été en moyenne de 12 000 tonnes, entre 2010 et 2016. Cette demande, qui équivaut à 13 143,768 litres, devrait être compensée par une importation d’huile de palme. “Compte tenu d’un prix mondial de l’huile de palme de 0,55 dollar ou 306,76 F Cfa le litre et d’un taux de conversion de 0,95 entre l’huile de palme brute et raffinée, les raffineurs sénégalais devraient acheter 13 835 545,26 litres d’huile de palme brute au prix de 4 244 210 526,32 F Cfa. Au prix actuel de 1 500 à 2 000 F Cfa par litre d’huile de palme raffinée dans les magasins sénégalais, les recettes devraient se situer entre 19 715 652 000 et 26 287 536 000 F Cfa’’, renchérit la même source.
Des bénéfices estimés entre 9 et 14 milliards de francs Cfa
En supposant des coûts de production équivalents à ceux de l’huile d’arachide, qui atteignaient en moyenne 29 % des revenus de la Sonacos, entre 2010 et 2016, l’institution de Breton Woods informe que les bénéfices se situeraient entre “9 753 902 393,68 et 14 419 940 033,68 F Cfa’’. “Après un investissement initial dans leurs capacités de raffinage, les transformateurs d’huile pourraient générer des bénéfices, en raffinant l’huile de palme brute importée, entre 9 et 14 milliards. Au lieu de subir des pertes, comme c’est le cas actuellement’’, note la Bm. En outre, on créerait des emplois à valeur ajoutée pour l’exportation de graines d’arachide, dont les femmes rurales devraient bénéficier disproportionnellement. Enfin, l’institution révèle qu’une baisse des prix à la consommation pourrait permettre à plus de 50 000 personnes de sortir de la pauvreté. D’après le document, les politiques actuelles employées dans le secteur de l’arachide “nuisent’’ à des millions de consommateurs et à des centaines de milliers d’agriculteurs.
Et “ne profitent qu’à une poignée de milliers d’employés’’ dans le secteur de l’huilerie. En même temps, elles sont “inefficaces’’ pour atteindre les objectifs stratégiques du gouvernement tels qu’ils sont énoncés dans le Plan Sénégal émergent (Pse). “Une combinaison prudente de réformes politiques pourrait non seulement générer des profits pour les agriculteurs et les exportateurs, mais aussi créer des milliers d’emplois et sortir des dizaines de milliers de Sénégalais de la pauvreté’’, souligne la Bm. Elle affirme que les prix offerts aux paysans par les exportateurs refléteraient la valeur sur les marchés internationaux. Ce qui est plus élevé que le prix actuellement offert aux agriculteurs par les transformateurs locaux. La chaîne de valeur suivrait les tendances internationales et se tournerait vers les exportations de noix entières.
Ainsi, les huileries locales pourraient se recentrer sur le raffinage des huiles brutes importées. Ce qui permettrait de faire baisser les prix à la consommation des produits d’huile végétale importés. À plus long terme, les transformateurs locaux seraient encouragés à innover avec de nouveaux produits ou de nouveaux processus. La chaîne de valeur réformée créerait des avantages pour la chaîne de valeur de l’arachide sénégalaise de plus de 150 milliards de francs Cfa, en participant à l’exportation de graines.
Le potentiel des exportations d’arachides entières non exploité entièrement
La Bm estime qu’en raison du manque de compétitivité dont souffre le secteur, les huileries d’arachide sénégalaises ont continuellement fonctionné en deçà de leur capacité, au cours des dernières années. Les plus grandes huileries peinent à atteindre même 50 % de leur capacité. Cela, malgré le fait qu’au cours de la campagne 2016-2017, une taxe à l’exportation a été mise en place. Permettant aux huiliers de mieux concurrencer les exportateurs qui ont pu payer des prix plus élevés pour les arachides entières. “Bien que ces politiques poursuivent des objectifs légitimes, elles peuvent avoir des effets négatifs. Étant donné que le gouvernement subventionne et protège l’industrie de l’huile d’arachide, les producteurs d’oléagineux sont confrontés à un risque de prix moins élevé. D’autre part, les taxes à l’exportation réduisent les prix locaux, ce qui, bien que facilitant la consommation et la transformation de l’huile d’arachide au niveau local, affecte également la productivité’’, signale le rapport. En effet, la baisse de productivité entraîne une baisse des exportations au niveau des prix mondiaux. Ce qui crée un coût d’opportunité “élevé’’, non seulement pour les exportateurs, mais aussi pour l’industrie locale, affectant en définitive les consommateurs. “Le potentiel des exportations sénégalaises d’arachides entières (et surtout d’arachides entières de haute qualité, telles que celles destinées aux confiseries et aux snacks) n’a pas encore été pleinement exploité. Actuellement, le prix plancher de l’arachide pour la saison est fixé par le Comité national interprofessionnel de l’arachide (Cnia).
La suppression progressive du prix plancher réduirait le prix et aurait un impact sur le revenu des agriculteurs’’, dit la Bm. Toutefois, la même source renseigne que la suppression du prix plancher encouragerait également la concurrence entre les producteurs et les exportations. Ce qui augmenterait la production pour répondre à la demande mondiale. “Pour traiter les problèmes découlant de l’exposition des agriculteurs à la volatilité des prix mondiaux, cette politique devrait s’accompagner de mécanismes permettant de s’attaquer aux vulnérabilités potentielles. En outre, des taxes à l’exportation élevées peuvent avoir un impact négatif sur le marché intérieur des arachides’’, fait savoir l’institution.
En fait, une taxe à l’exportation exerce une pression sur le prix local, ce qui augmente la consommation locale, mais réduit la productivité. Puisque la production diminue, les exportations diminuent. Cela constitue un coût d’opportunité pour les agriculteurs. Toutefois, d’après la Bm, si l’État investit les recettes dans les services publics pour accroître la productivité (c’est-à-dire la génétique ou la biotechnologie, les conditions agronomiques et les infrastructures), la politique des taxes à l’exportation peut contribuer à “accélérer’’ la croissance inclusive et la protection sociale. “Les taxes à l’exportation ad valorem maintenues à des niveaux bas (c’est-à-dire 5 %) permettent de s’adapter aux différents niveaux de production et en fonction de la variabilité des prix mondiaux, ce qui rend plus stables les prix locaux. En tout état de cause, l’augmentation des prix intérieurs résultant de la libéralisation du marché (et d’une taxe à l’exportation modérée) conduit à des gains de recettes supérieurs à l’augmentation des coûts pour les consommateurs, même pour les ménages les plus pauvres’’, explique le document.
Enfin, les exportations d’arachides transformées (snacks) présentent une marge bénéficiaire estimée à 39,3 % pour le Sénégal. Ce marché exige toutefois, selon le rapport de la Bm, des investissements dans les coûts d’approvisionnement, les arachides. Ce qui peut aussi augmenter les correctifs de coûts, en raison des investissements dans les mécanismes de détection et de contrôle des aflatoxines.