LE PM SONKO ACCUSE L’ANCIEN REGIME D’AVOIR MENTI SUR L’ENDETTEMENT, LE DEFICIT BUDGETAIRE ET LE TAUX DE CROISSANCE DU SENEGAL
A en croire le Premier ministre Ousmane Sonko, les anciens ministres des Finances et du Budget, notamment Amadou Ba, Abdoulaye Daouda Diallo, Moustapha Ba doivent des explications aux Sénégalais
Hier, à la Primature, le Premier ministre, Ousmane Sonko, a tenu un point de presse. Pour l’occasion, il avait à ses côtés les ministres de l’Economie, Abdourahmane Sarr, de la Justice, Ousmane Diagne, et le secrétaire du Gouvernement, Ahmadou Amine Lô. Au cours de cette rencontre, il a dressé l’état des lieux de la nation, peignant un tableau particulièrement sombre des finances publiques et dévoilant des chiffres mensongers avancés par l’ancien régime pour tromper la religion des institutions internationales, notamment le FMI et la Banque Mondiale pour les pousser à accorder des prêts à notre pays. Le régime du président Macky Sall aurait menti aux institutions de Bretton Woods et aux autres partenaires sur la réalité de l’endettement de notre pays, sur son déficit budgétaire ainsi que sur ses vrais taux de croissance de ces dernières années. Surtout, le même ancien régime avait sollicité du FMI-BM un montant de 605 milliards destinés à l’exercice 2024 et donc une très grande partie a été utilisée en 2023 « sans traçabilité du reste » selon le PM. C’est ce qui explique la très grave crise de liquidités à laquelle sont confrontées les nouvelles autorités du pays depuis leur accession au pouvoir début avril dernier. Surtout qu’elles n’ont pas voulu, sur la base de « mis reporting », c’est-à-dire de chiffres mensongers, solliciter un décaissement de 230 milliards auxquels notre pays avait droit dès juillet dernier dans le cadre de l’accord conclu avec le FMI, préférant attendre d’avoir l’état des lieux complet avant de retourner à Washington et passer devant le conseil d’administration du Fonds. A en croire le Premier ministre Ousmane Sonko, les anciens ministres des Finances et du Budget, notamment Amadou Ba, Abdoulaye Daouda Diallo, Moustapha Ba doivent des explications aux Sénégalais. Il en est de même de l’ancien président de la République Macky Sall qui, selon lui, a tout validé. Des anciens ministres des Finances et du Budget accusés d’avoir menti aux Sénégalais !
Extraits…
Ousmane Sonko : « Faire d’abord l’état des lieux financiers avant de redresser le Sénégal »
« Les Sénégalais attendaient ce moment. Le 2 avril 2024, le président SEM Diomaye Faye a prêté serment avec l’engagement de transformer notre pays en souveraineté. Cet engagement exige la transparence vis-à-vis du peuple et nous avons reçu instruction de sa part de dresser l’état des lieux avant d’engager l’immense chantier de redressement du pays. C’est pourquoi des audits ont été menés sur la gestion des deniers publics, allant de la finance publique, du foncier, et des sociétés. Les constats de ces audits font ressortir de la gabegie dans les dépenses. Cette situation a occasionné des dérapages dans la gestion des finances publiques, favorisés par une mauvaise gouvernance qui s’est manifestée par la corruption et les détournements de fonds par des privés dans tous les domaines. Deux thématiques seront abordées au cours de ce point de presse, car nous ne pouvons pas dresser right now (Ndlr, ici et maintenant) tout l’état des lieux au risque d’oublier les aspects les plus importants.
On va traiter deux éléments qui me semblent essentiels au regard de leur impact négatif sur la situation du pays. Il s’agit d’abord la situation de référence des finances publiques et des actions vigoureuses en termes de réformes pour prendre en charge les dérapages enregistrés et jeter les bases d’une transformation systémique.
Le second point a trait à la reddition des comptes qui est la conséquence des actes de mauvaise gouvernance financière. Nous n’aborderons que la reddition des comptes se rapportant aux actes graves qui ont été posés relativement au premier point de la situation financière. Dans les jours à venir, les différents ministres et directeurs généraux reviendront devant la presse pour développer d’autres aspects liés à cette reddition des comptes ». Voilà ce qu’a déclaré en guise d’introduction le Premier ministre Ousmane Sonko au cours du face à face avec la presse d’hier.
Abdourahmane Sarr, ministre de l’Economie : « Falsification des chiffres sur l’endettement du Sénégal »
« On avait désigné une équipe sous la supervision de l’Inspection Générale des Finances afin d’élaborer un rapport sur la situation des finances publiques au 31mars 2024. Le rapport a été établi en application de la loi 2022 du 27 décembre 2012, qui a transposé dans notre ordonnancement juridique la directive de l’UEMOA portant code de transparence dans la gestion des finances publiques. Cette loi stipule que : dans les trois mois suivant le début d’un mandat présidentiel, la situation globale des finances publiques, en particulier la situation du budget de l’Etat et de son endettement, doit faire l’objet d’un rapport préparé par le gouvernement. Ce rapport audité par la Cour des comptes est publié dans les trois mois suivants.
Le président de la République a tenu à respecter cette loi, d’abord vis-à-vis de la population mais aussi de nos partenaires sur le marché financier. Cet exercice de transparence et de reddition des comptes est une nécessité permettant de tirer des conséquences objectives pour le référentiel public en cours de finalisation.
Le rapport sur les finances publiques a révélé que la dette publique du Sénégal etle déficit budgétaire ont été plus élevés que ceux publiés par les autorités sortantes et communiqués à nos partenaires durant la période 2019-2023. Le déficit budgétaire a été annoncé à une moyenne de 5,5 % du PIB sur la période 2019-2023. Mais, en réalité, il a été en moyenne de 10,4% soit le double. La dette publique a été annoncée en moyenne à 65,9 % du PIB durant la période 2019-2023 mais, en réalité, elle a été de 76,3% du PIB en raison des déficits publics plus élevés publiés.
La dette de l’Etat se situe en réalité à 15.664 milliards FCFA, 83,7 % du PIB alors qu’elle était annoncée à 13.772 milliards. Il y a donc un supplément de dette contractée et non publiée de près de 1892 milliards FCFA, soit 10% de Pib de plus.
Cette dette supplémentaire est principalement due à des tirages sur des projets de financement extérieur et des prêts contractés auprès des banques locales de façon non transparente. Sur la période 2019-2020, les tirages sur les ressources extérieures non inclus, dont les déficits ont été en moyenne de 593 milliards FCFA annuellement et les prêts bancaires non inclus dans les déficits en moyenne 179 milliards annuelle.
Si on parle de tirage sur ressources extérieures, les prêts bancaires dépensés de façon non transparente doivent se retrouver dans les dépenses et le financement.
L’audit a révélé le sur-financement du Trésor public d’environ 605milliards de FCFA en fin 2023, avec le FMI et qui devait être utilisé pour l’année 2024 pour payer des dépenses non budgétisées et les dettes connues de l’Etat. La non disponibilité de ce sur-financement 2024 a nécessité des emprunts non initialement programmés notamment l’émission Eurobonds de 750 millions de dollars en juin 2024 dernier. Il y avait un sur-financement de 605 milliards qui devait être disponible en 2024 pour un certain nombre d’obligations. Ces 605 milliards FCFA ont été utilisés en bonne partie et nous ne les avons pas trouvés dans les caisses. En conséquence et en attendant l’audit des finances publiques, le gouvernement avait décidé ne pas porter le dossier au conseil d’administration du FMI en juin dernier. L’examen du dossier du Sénégal sur la base de chiffres erronés a conduit à la transmission de fausses informations, pour tirer sur les ressources de la FMI.
Les graves conséquences de la transmission de données erronées pour bénéficier de tirage — notamment le remboursement des ressources mobilisées de façon indue —, ont poussé notre gouvernement à choisir la voie de la transparence. Ainsi, le FMI a été informé de l’audit des finances publiques et le gouvernement a demandé le report de son dossier devant le conseil d’administration de l’institution.
Ousmane Sonko : « Certaines personnes ont voulu faire croire aux Sénégalais qu’on a dépensé les 605 milliards FCFA du FMI »
« Il était important pour nous de dresser cette situation de référence bien avant de vous présenter notre nouveau référentiel de politiques publiques le 7 octobre. Vous ne pouvez pas faire des projections sur les 25 prochaines années si vous n’avez pas fait l’état des lieux de la situation dans laquelle vous avez trouvé le pays. Nous avons mené une longue lutte politique, et nous avions promis aux Sénégalais que nous les amènerions au sommet du gratte-ciel et je confirme ici que nous le ferons. Mais, nous étions loin d’imaginer que la situation était si catastrophique. On pensait à la limite trouver le pays au premier étage alors qu’en réalité il était au 4ème sous-sol ! Il nous faudra faire des rattrapages qui exigeront des sacrifices. Mais en langage simple, les autorités que nous avons remplacé ont menti au pays, à nos partenaires en falsifiant les chiffres publics, en livrant des données erronées. Le déficit des finances publiques a été le double de ce qui a été annoncé durant la période allant de 2019 à 2023. Ils ont tripatouillé les chiffres pour donner une image économique, financière et budgétaire qui n’avait rien à voir avec la réalité. Les partenaires ont accepté de donner un montant de plus de 600 milliards, qui devaient être dépensé à partir de janvier 2024 mais que le régime sortant a dépensé en 2023.
Certains ont voulu faire croire aux sénégalais qu’on a utilisé plus de 600milliards, ce qui est totalement faux. Ça été utilisé et de manière injustifié pour plus de 300 milliards par l’ancien régime. Au moment où je vous parle, nous ne trouvons nulle trace de l’utilisation de ces fonds. Si d’autres régimes étaient là, ils auraient fermé les yeux sur cette falsification. Quand on a découvert cette situation, on a fait des réunions, le Président Bassirou Diomaye a dit qu’il ne démarrera pas ce mandat dans le mensonge.
Quand le Sénégal devait être présenté au FMI au mois de juillet, il a pris la décision de retenir le dossier du pays. On a dépêché le ministre des Finances pour dire qu’on préfère ne pas avoir de décaissement plutôt que de le faire sur une base erronée, au risque de subir des conséquences. Certains manipulateurs ont dit au peuple Sénégalais que le FMI a reporté le rendez-vous avec le gouvernement du Sénégal parce qu’on aurait opéré des levées de fonds, ce qui est totalement faux. C’est à notre initiative et le FMI pourra démentir si on ne dit pas la vérité. J’invite ces gens-là à la retenue, il y va de l’image du pays.
Ousmane Diagne, ministre de la justice : « Les autorités judiciaires et compétentes ont été saisies (…) les personnes susceptibles d’avoir commis des faits contraires à la loi en subiront toutes les conséquences »
« Ces faits sont d’une gravité telle que les autorités judiciaires et compétentes ont été saisies. Nous sommes dans un Etat de droit, il ne m’appartient pas de juger à priori les faits, il appartiendra aux autorités judiciaires et policières de déterminer les faits. Ce sera fait avec le maximum de rigueur et de transparence selon les règles de la présomption d’innocence. Ce qui est certain, les responsabilités seront situées et les personnes susceptibles d’avoir eu à commettre des faits contraires à la loi, en subiront toutes les conséquences de façon vigoureuse ».