LE POIDS DES IDÉES…
Forum citoyen de Libreville
En contrepoint du New York Africa Forum, plutôt business et haut de gamme, les autorités gabonaises ont donné leur onction au Forum Citoyen, organisé par le quotidien Libération en vue de favoriser la liberté d'expression et le pluralisme des idées sur les questions essentielles du présent et du devenir du continent africain.
Le ton a été donné dès le débat inaugural sur "Elus et citoyens : qui décide ? Les dé s de la démocratisation". Les sujets portaient sur la gouvernance et la maturité démocratiques, le rôle de la société civile dans la lutte contre la corruption, avec comme arbitre, un public enthousiaste, engagé et quelques fois partisan. Comme débatteurs, il y avait, d'un côté, le très percutant Alain-Claude Billie Bi Nzé, ministre de la Communication, porte parole du gouvernement et Jean-Valentin Leyama, Directeur de cabinet adjoint du Président de la République gabonaise. En face, des activistes comme Marc Ona Essangui et Georges Mpaga, de la société civile, traités "d'opposants encagoulés". On aurait cru entendre un certain Me Wade… Et M. Bi Nzé de qualifier le Gabon, "de drôle de dictature quand un ministre de la République débat contradictoirement, et en public, avec des opposants…".
Place à un autre panel sur les relations "France, Europe, Afrique : 55 ans après les Indépendances, un nouveau partenariat ?" avec un invité de taille, l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin. Il s'est vite enflammé pour soutenir que "nous ne sommes pas prisonniers du choix entre un afro-pessimisme désespérant ou un afro-optimisme parfois béat ; il existe aussi une troisième voie, celle d'un afro-réalisme tourné vers l'avenir, seul rempart tangible au repli identitaire et à la propagation de l'insécurité internationale".
Pour Etienne Giros, le président du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN), le continent a énormément changé. A la France de s'adapter à une concurrence de plus en plus rude et de réinventer son partenariat avec l'Afrique. Si les parts de marché françaises reculent considérablement sur le continent, que pensent les Africains de cette relation passionnelle pour certains, dépassionnée pour d'autres. Renouvellement, essoufflement, mort subite ?
Le franc CFA en question?
En tout cas, Koko Nabupko, ancien ministre togolais, est le porte-étendard des tenants d'une révision des accords sur le franc CFA, en rapport avec les enjeux actuels des économies africaines de la zone franc. "Nos réserves détenues dans le compte du Trésor français s'élèvent à 13 000 milliards FCFA. Rien ne nous empêche d'en rapatrier une bonne partie pour l'investissement". Le professeur d'économie s'appuyait sur une déclaration de François Hollande lors du sommet de la Francophonie (OIF) à Dakar. Ce dernier avait alors soutenu que les chefs d'Etat africains pouvaient utiliser les réserves excédentaires pour financer le développement de leurs pays.
Pendant ce temps, il urge de faire face aux problématiques qui se posent à la jeunesse du continent : éducation, santé, chômage… Des questions existentielles qui leur font peur alors que, pour eux, "avoir 20 ans en Afrique, c'est la chance d'apprendre, l'espoir d‘une vie meilleure, le risque d'entreprendre, le bonheur de la famille…". Mais entre le discours et la réalité, il y a trop souvent, un fossé immense. Ce qui fait dire à Didier Aouetey (Africsearch) que "plusieurs jeunes du continent ne se retrouvent pas dans le contrat social…". Quant à Amadou Diaw (ISM), son constat est que "sur la longue durée, le programme gabonais de bourses a permis d'obtenir aujourd'hui, une jeunesse mieux formée, plus motivée et engagée sur les enjeux de développement économique et social".
Sur la transformation numérique du continent, Stéphan-Eloïse Gras, consultante, estime qu'il faut la "penser autrement". "Autrement dit, l'Afrique n'est-elle pas le laboratoire du monde de demain ? A l'instar des monnaies numériques (M-Pesa), des outils médicaux d'accès au diagnostic et aux soins (CardioPad), des applications de contrôle des prix agricoles (M-Farm), des cartographies ouvertes et collaboratives pour le ramassage des déchets (ArClean), des réseaux sociaux vernaculaires (Mxit) du développement de l'édition numérique, etc."?
En n, le Forum Citoyen s'est clôturé avec la table ronde sur "Journalistes en Afrique, le dé de l'indépendance", avec, comme depuis le début, un débat vigoureux sur la liberté d'expression, le pluralisme médiatique, la confusion notable entre "communication" et "information", la corruption des journalistes, l'indépendance nancière et même politique envers les pouvoirs publics ou les puissances d'argent qui tiennent les cordons de la bourse des organes de presse.