LE SÉNÉGAL, UN GRENIER MAL EXPLOITÉ
Une étude publiée par la Direction de la prévision et des études économiques, montre que, sur un potentiel fiscal de plus de 3.000 milliards de F CFA, les régies financières ne parviennent à recouvrer que 1.845 milliards
La dernière étude sur le potentiel fiscal du Sénégal, publiée par la Direction de la prévision et des études économiques, montre que, sur un potentiel fiscal de plus de 3 000milliards de F CFA, les régies financières ne parviennent à recouvrer que 1 845milliards. Au-delà des limites de la douane et de la Dgid, ce sont les politiques même de l’Etat qui sont épinglées.
Le Sénégal fait certes des efforts en matière de mobilisation des recettes fiscales, mais il lui reste encore beaucoup à faire. La dernière étude de la Direction de la prévention et des études économiques sur le potentiel fiscal du pays, l’illustre à suffisance.
Réalisé au mois d’avril, le document, qui vient d’être publié, renseigne qu’au Sénégal, ‘’les revenus fiscaux représentent environ 60 % du total des recettes budgétaires’’. Alors que l’idéal voudrait que les plus riches paient plus que les plus pauvres, l’étude confirme qu’au Sénégal, c’est bien le contraire. Les ménages qui supportent une bonne partie des impôts indirects payent, en effet, le plus lourd tribut. ‘’La structure de ces ressources (fiscales) est dominée par les impôts indirects qui comptent pour près de 70 % des recettes contre environ 30 % pour les impôts directs’’, lit-on dans le rapport. ‘’Cette répartition, soulignent les spécialistes, montre une certaine dépendance par rapport à la fiscalité intérieure sur les biens et services qui représente plus de 50 %, alors que la part des prélèvements sur les revenus, bénéfices et salaires reste relativement modeste (environs 27 %)’’.
En outre, il faut signaler que le Sénégal est loin, malgré les efforts, d’atteindre une fiscalité optimale. Pendant que certains mettent directement en cause l’efficacité de l’Administration, d’autres fustigent le déficit de ressources humaines. Ce qui est sûr, si l’on en croit l’étude, c’est que sur un potentiel fiscal estimé à 3 079 milliards pour l’année 2017, soit 25,3 % du Pib, les recouvrements n’ont pu atteindre que 1 845 milliards, soit une pression fiscale de 15,2 % du Pib.
En langage plus clair, ‘’l’Etat aurait pu collecter 1 234 milliards de taxes supplémentaires (en 2017), soit une marge de progression de 66,9 % qui représente l’effort fiscal, n’eût été l’inefficience technique’’, note le document. Toutefois, le pays peut se féliciter d’enregistrer l’un des meilleurs taux de la sous-région. L’autre plaie qui gangrène la mobilisation des recettes, est la nature informelle de l’économie. Citant les dernières études de l’Agence nationale de la démographie et des statistiques, l’étude montre que : ‘’Ce secteur emploie plus de 2 millions de personnes, soit 48,8 % de la population active occupée et sa valeur ajoutée est estimée à 41,6 % du Pib (Ensis, 2011).’’ De la sorte, le manque à gagner en matière de fiscalité imputable au secteur informel est considérable, font remarquer les auditeurs.
L’autre anomalie qui n’a pas manqué d’être mise en exergue, ce sont les dépenses fiscales qui ne cessent de grever le budget national au bénéfice parfois des entreprises privées. Les dernières évaluations effectuées en 2014, signale le rapport, faisaient état de 588 milliards de F Cfa, soit 39,7 % des recettes fiscales et 6 % du Pib. Une grosse manne dont il faut toutefois relativiser le caractère mauvais sur l’économie. Un spécialiste explique : ‘’En fait, par dépenses fiscales, il faut non seulement entendre les exonérations au profit de certaines entreprises, mais aussi les renonciations d’impôts par l’Etat dont l’objectif est d’alléger le coût de la vie aux populations. Aussi, même pour les exonérations des entreprises, parfois, c’est pour les pousser à investir et à employer des gens. Toute dépense fiscale n’est donc pas mauvaise. Il faut raisonner au cas par cas et encadrer davantage l’activité de ceux qui en bénéficient.’’
Toutefois, ce qui peut sembler inquiétant, c’est le rythme exponentiel auquel évoluent ces renonciations de recettes. L’étude informe que le montant global des dépenses fiscales, en 2008, s’élevait à 377,5 milliards de F Cfa, ce qui correspondait à une perte de 34,7 % de recettes fiscales, 300 milliards en 2009, soit 27,7 % et 220 milliards en 2010, soit 18,4 % des recettes fiscales. Ainsi, le Sénégal, selon les analystes, était sur une bonne pente. Mais, entre 2010 et 2014, cette tendance baissière des dépenses fiscales est inversée, en passant de 220 à 588 milliards.