RÉTROSPECTIVE DE L'ANNÉE, L’ECONOMIE SENEGALAISE SOUS PERFUSION
Après son apparition au Sénégal le 02 mars 2020, le coronavirus ne s’est pas limité à aliter des Sénégalais et envoyer de pauvres citoyens aux cimetières
Après son apparition au Sénégal le 02 mars 2020, le coronavirus ne s’est pas limité à aliter des Sénégalais et envoyer de pauvres citoyens aux cimetières. Il a également porté un sacré coup au Plan Sénégal Emergent (PSE) de Macky Sall. Pire, l’Etat a été obligé de mettre en place un plan de résilience pour sauver les meubles en 2020.
L’homme propose, Dieu dispose. Entre 2014 et 2018, le Sénégal a enregistré une croissance économique parmi les plus fortes d’Afrique, toujours supérieure à 6% par an. Après 6,7% en 2018, la croissance s’est établie à 5,3% en 2019, en raison d’une faible pluviométrie et de la hausse du prix du baril pétrole, selon la Banque mondiale. Ce niveau de performance est le résultat d’une amélioration dans la conduite de la politique économique, via les investissements liés au Plan Sénégal Emergent (PSE) et les réformes structurelles qui l’accompagnent.
Ainsi, en fin 2019, les perspectives à court et moyen terme demeuraient favorables avec un taux de croissance estimé à 6,8% pour 2020. Mais les espoirs du Président Macky Sall et de son équipe se sont fondus comme neige au soleil. La propagation du coronavirus dans les pays développés au mois de février, notamment en France, en Espagne et en Italie, avait déjà commencé à compliquer la vie des milliers de familles sénégalaises qui dépendent de leurs parents établis à l’étranger.
La Banque mondiale a estimé, deux mois plus tard, qu’en raison de la pandémie de Covid-19, les sommes envoyées par les travailleurs migrants dans leur pays d’origine, qui représentent jusqu’à un tiers de l’économie de certains pays pauvres, ont chuté de 20% cette année. Cette baisse est largement liée aux pertes d’emplois, aux fermetures d’entreprises et aux mesures de confinement dans les pays d’émigration. Mais cette situation que commençaient à vivre les émigrés et leurs familles présageait une autre beaucoup plus difficile sur l’ensemble du territoire national.
Après l’apparition de la covid-19 au Sénégal et sa progression rapide dans le pays, le chef de l’Etat a été obligé de décréter l’état d’urgence le 23 mars. La guerre déclarée au «virus chinois», avec la règlementation de la circulation des personnes et des véhicules, ainsi que l’instauration d’un couvre-feu de 20 heures à 06 heures, ont porté un coup dur à l’élan du Plan Sénégal Emergent (PSE), à cause du ralentissement des activités économiques.
A partir de cet instant, il ne s’agissait plus de penser à un taux de croissance élevé mais plutôt à une résilience économique pour sauver les meubles. Autrement dit, l’Etat était préoccupé à préserver les emplois des Sénégalais et aider les plus vulnérables à survivre face à cette situation inédite. A l’instar des autres pays du monde, les secteurs les plus exposés sont l’automobile, les biens de consommation durable, le commerce de détail, le textile et l’habillement, l’hôtellerie, les loisirs et le tourisme, le secteur bancaire, les transports notamment le secteur aérien, la construction immobilière, etc.
Ainsi, le Programme de Résilience Economique et Sociale (PRES), financé par le Fonds de Riposte contre les effets de la Covid-19 dénommé «Force Covid-19» doté à hauteur de 1.000 milliards Fcfa, a été mis en place par le chef de l’Etat, pour atténuer les effets de la pandémie de Covid-19 sur les populations et les entreprises. «Ce programme comporte plusieurs mesures visant à accompagner les entreprises affectées par la crise liée à la pandémie à développer une résilience par rapport à ses effets. Ces mesures peuvent être à caractère fiscal et douanier, et mises en œuvre par la Direction Générale des Impôts et des Domaines (DGID), la Direction Générale des Douanes (DGD) ou la Direction Générale de la Comptabilité Publique et du Trésor (DGCPT) ; Financier, mises en œuvre, notamment par le Ministère de l’Economie du Plan et de la Coopération, le Fonds de garantie d’investissement prioritaire (FONGIP), certains ministères sectoriels ou structures d’appui telles que la Délégation générale à l’Entreprenariat Rapide des Femmes et des Jeunes (DER) par exemple ; Social et sanitaire, mises en œuvre par les ministères en charge de la santé et du travail ; Sécuritaire, mises en œuvre par le Ministère de l’Intérieur», expliquent les autorités sénégalaises.
L’Etat avait également décidé de payer les factures d’eau et d’électricité pour certains ménages, en plus de la distribution de centaines de tonnes de vivres aux populations. Au fil des mois, les mesures restrictives prises par le gouvernement pour diminuer les cas ont donné les résultats escomptés. Mais il y a eu un bémol. La mission du Fonds Monétaire International (FMI) au Sénégal a revu en septembre la prévision de la croissance du PIB de notre pays à -0,7%, pour cette année. C’est dans ce contexte que Macky Sall a présidé le 29 septembre 2020 au Centre international de conférences Abdou Diouf (CICAD), un Conseil présidentiel consacré au plan de relance de l’économie nationale, pour lancer le Plan d’actions prioritaires ajusté et accéléré (PAP2A). Ce changement de cap, explique le locataire du Palais, repose sur le constat selon lequel «la pandémie Covid-19 nous a révélé des vulnérabilités potentielles qui nous exposeraient à des pénuries en cas de rupture de fret ou de rétention de certains produits par les pays exportateurs pour satisfaire leurs propres besoins. Il en est ainsi de l’agriculture et de l’industrie pharmaceutique, entre autres».
En conséquence, poursuit le chef de l’Etat, pour parer à de tels risques, «nous voulons, à travers le PAP2A, et sur la séquence 2019-2023, donner une sur-priorité à la souveraineté alimentaire (agriculture, élevage et pêche), pharmaceutique et sanitaire, et booster en même temps l’industrialisation de l’économie, le numérique, le tourisme, le logement, en favorisant davantage l’équité territoriale et l’inclusion sociale. Estimé pour la période 2019- 2023, à 14 712 milliards FCFA, le coût global du PAP 2A a connu une augmentation de 614 milliards (4%) par rapport au PAP II initial. Globalement, la contribution attendue du privé dans le PAP 2A est estimée à 4 770 milliards Fcfa. Le PAP 2A, selon le gouvernement, couvre l’ensemble des secteurs de l’économie nationale.
Toutefois, une attention particulière est réservée aux secteurs prioritaires et de souveraineté. « En définitive, malgré la sévérité de l’impact de la crise sanitaire sur l’économie, la mise en œuvre du PAP II ajusté et accéléré devrait permettre de repositionner le Sénégal sur la trajectoire d’émergence initialement projetée dans la phase II. En effet, la relance rapide de l’économie à partir de 2021, accompagnée de réformes et d’investissements massifs, notamment dans les secteurs sociaux, l’agriculture, l’aquaculture, l’élevage, le numérique et l’industrie, permettra de réaliser un taux de croissance moyen de 8,7% sur la période 2021-2023 », rassurent Macky Sall et son régime.
En effet, 2020 tire à sa fin. Mais même si l’Etat espère une relance de l’économie à partir de 2021, il y a des raisons d’être pessimiste. Le Sénégal connait actuellement une deuxième vague de coronavirus. Autrement dit, le virus qui a porté un coup dur aux activités économiques sénégalaises, sauf surprise, sera toujours là l’année prochaine. D’ailleurs, le chef de l’Etat a averti récemment les populations en ces termes : « une seconde vague sera insupportable pour notre pays, pour notre économie».