L’ÉMERGENCE, C’EST AUSSI UN ÉTAT D’ESPRIT
Depuis quelques années, le marché africain est envahi par de grands groupes étrangers. Dans cet entretien, le spécialiste en management et enseignant à HEC, Nicoals Etoyi livre les stratégies à adopter par les Africains pour faire face à leur concurrence
Depuis quelques années, le marché africain est envahi par de grands groupes étrangers. Dans cet entretien, le spécialiste en management et enseignant à HEC, Nicoals Etoyi livre les stratégies à adopter par les Africains pour faire face à leur concurrence.
L’As : Quelles sont les stratégies à mettre en place par les chefs d’entreprises africains pour gagner la guerre commerciale ?
Nicoals Etoyi : D’abord il faut rappeler que le constat qui a été fait est que depuis une dizaine d’années, voire même plus, les entreprises créées ou les labels mis en place n’ont pas réussi à s’étendre au-delà des frontières de Dakar. Beaucoup subissent en fait l’occupation dite américaine, asiatique européenne. Et cela se voit sur les produits que nous consommons, à savoir l’habillement, la culture, le cinéma et l’alimentation. Pourtant, l’Afrique elle-même dispose de richesses culturelles et alimentaires qui peuvent être mises en avant afin de permettre aux entreprises d’être compétitives. Mais, il nous manque beaucoup de choses.
Qui est-ce qui nous manque exactement ?
Il nous manque la compréhension du jeu économique, c’est-à- dire les règles que nous ne maîtrisons pas. Par conséquent, il est bien de pouvoir attirer l’attention des chefs d’entreprises, des managers et même des gouvernants à mieux mettre en place des plans stratégiques, c’est-à- dire comment gagner la guerre commerciale et économique face à ses occupants.
Comment doivent-ils mener cette bataille ?
Ils doivent la mener avec une maîtrise des enjeux, tout en créant leur propre environnement. Les entreprises étrangères qui sont venues s’installer en Afrique ont compris sociologiquement le comportement des consommateurs africains, ce qui leur a permis de créer leur propre marché. Chez nous, si les entrepreneurs locaux entrent dans ce jeu ou cet environnement, ils vont perdre, parce qu’ils ne seront pas compétitifs faute de n’avoir pas créé ce marché. Il est donc important de revoir leurs plans stratégiques pour proposer leurs propres marchés afin de faire face à une réelle compétitivité.
Qu’est-ce qu’ils doivent faire de manière concrète ?
Ils doivent mettre en place des supports de management organisés, créer de vrais outils avec de meilleures pratiques de gestion, aller vers des plans marketing bien structurés pour maîtriser le comportement des consommateurs. Ils seront obligés aussi pour gagner la guerre commerciale de créer un marché afin d’être compétitif et pourquoi pas aller gagner des marchés européens, ce qui est bien possible.
Est-ce que les chefs d’entre- prises africaines ont les moyens de leur ambition ?
Ce ne sont pas les moyens financiers qui priment. Je prends l’exemple d’Auchan qui, avant de venir au Sénégal, a étudié le marché, regardé l’environnement, étudié la politique sociologique de chaque consommateur et ensuite a mis en place la stratégie. Celle-ci peut être une coopération, une entente ou une synergie d’action. C’est ainsi qu’ils ont pu créer un marché. Les gens qui sont contre Auchan devraient, par contre voir quelle stratégie mener pour faire face à cette occupation du marché.
En plus, Auchan peut aller où il veut, tout en respectant les règles. Je me demande est-ce que nous nous les respectons. Le problème est que nos chefs d’entreprises se plaignent du fait que ceci ou cela ne fonctionne pas à cause d’un manquement. On ne peut pas tout le temps se plaindre, il faut se lever et mener la bataille qui est intelligente, un combat de développement et de stratégie.
J’invite les chefs d’entreprises à changer de méthode en arrêtant de prendre Auchan comme ennemi afin de pouvoir le battre. Je suis convaincu qu’au Sénégal il y a de grandes entreprises qui peuvent aller conquérir le marché belge ou français et même faire face à Auchan. Il suffit juste de créer une synergie d’actions entre les entrepreneurs et les entreprises. J’ai dit dans un de mes livres que les chefs d’entreprises sont ensemble en Afrique, mais ils ne sont pas du même côté. Il faut qu’ils soient unis pour faire face à cette forte occupation.
L’Etat n’a-t-il pas laissé faire ?
Le monde se développe. Je pense que le président de la République, Macky Sall a son Plan Sénégal Emergent, mais l’émergence ce n’est pas seulement créer des immeubles des routes, c’est aussi un état d’esprit. Par contre, nos gouvernants ne sont pas la cause de ce qui se passe actuellement, ils sont restés dans le strict respect des lois. Je pense que nos entreprises doivent réfléchir tout en respectant ces lois et en créant des stratégies.