LES ACTEURS PARLENT DE « TRÈS MAUVAISE CAMPAGNE »
Le commerce des noix d’acajou est l’une des principales activités économiques de la Casamance - Beaucoup d’opérateurs disent avoir fait une très mauvaise campagne
Le commerce des noix d’acajou est l’une des principales activités économiques de la Casamance. Mais, la campagne de cette année qui tire à sa fin a été très perturbée par une mesure prise par le gouvernement et qui interdit désormais l’exportation de ces noix par le port de Banjul, en Gambie. Beaucoup d’opérateurs disent avoir fait une très mauvaise campagne tandis que d’autres, particulièrement les compagnies indiennes qui sont les principales exportatrices de ce produit, ont même arrêté très tôt la campagne pour, disent-elles, amoindrir les pertes.
Boubacar Tass Bâ travaille avec une entreprise indienne. Mais leur campagne s’est arrêtée très tôt cette année. Il en explique les raisons. « On a arrêté parce que le marché international n’était pas favorable. Sur le marché international, la tonne de la noix coûtait aux environs de 1100f Cfa au début de la campagne et ici le kg coûtait environ 800 à 870francs, donc si on ajoutait tous nos frais avant d’exporter, on n’allait pas s’en sortir. C’est ce qui nous a poussés à stopper les achats. L’autre raison est liée à l’exportation elle-même parce qu’on nous a interdit la voie terrestre donc il fallait exporter par la voie maritime, ce qui coûtait trop cher pour nos compagnies. Rendez-vous compte : un million 250 000 francs voire un million 280 000 francs pour un container de 17 tonnes, c’était trop cher pour les compagnies. Donc si on fait le calcul, si c’est par voie terrestre, vous pouvez charger un camion de 30 tonnes et payer 450 000 francs seulement. Et 30 tonnes, c’est 2 containers pratiquement, voire plus, donc là, ce n’était plus favorable pour nous’’. Boubacar Tass Bâ révèle que certains opérateurs vendent aujourd’hui leurs noix à parte à cause de l’interdiction faite par le gouvernement de faire transiter les noix par la Gambie. ‘’ D’habitude, la campagne était déjà finie à pareil moment, mais aujourd’hui les gens sont encore là à sécher les noix et à vendre à perte parce que la voie de la Gambie est fermée. Il y a d’autres acheteurs qui sont en Gambie qui prenaient les noix mais aujourd’hui de nombreuses compagnies ont fermé, n’ont pas fait campagne parce que l’exportation ne les arrangeait pas et le prix sur place était trop cher’’ poursuit Boubacar Tass Ba. Même son de cloche chez Mpack Diallo, un ‘’trader’’, comprenez un intermédiaire, qui confie que c’est parce que les traders comme lui n’ont pas d’autres créneaux qu’ils continuent à s’activer dans la filière anacarde. Selon Aliou Coly, qui travail le pour l’un des plus grands exportateur sindiens de la région, contrairement à ce que l’Etat avait promis, l’exportation ne se fait pas à partir du port de Ziguinchor qui, en réalité, n’est qu’un port de transit, soutient-il. Ce qui fait monter les frais, pleurniche t-il. ‘’Le souhait de l’Etat, c’était de pouvoir exporter à partir du port de Ziguinchor mais, dans la situation actuelle, ce n’est pas possible. Dans les faits, tout le monde s’est rendu compte que l’exportation à partir du port de Ziguinchor est quasi-impossible. Nous, nous avons transporté nos noix jusqu’à Dakar et c’est à partir de là-bas qu’on a exporté. C’est ce que nous avons fait et c’est coûteux’’ confie notre interlocuteur.
La contrainte du coût du fret
L’autre contrainte évoquée par Aliou Coly porte sur le coût du fret entre Ziguinchor et Dakar qui, si l’on se fie à lui, serait plus élevé que celui qu’on paie entre Dakar et les pays de destination finale des noix. ‘’ Ziguinchor-Dakar coûte deux fois plus cher que Dakar-Tuticorin en Inde, Dakar-Tuticorin, c’est 1000$ la tonne, autrement dit, avec le cours actuel, c’est 565 000f Cfa. Ce alors que nous payons plus d’un million de francs CFA pour aller à Dakar. Vous voyez un peu ce que c’est!’’ s’exclame t-il. Pascal Ehemba, le président de la chambre de commerce de Ziguinchor, l’institution chargée de gérer le port de la capitale régionale, explique que la décision étatique obligeant les opérateurs à faire passer leurs noix par le port de Ziguinchor entre dans le cadre des mesures prises pour la relance des activités économiques en Casamance. Il reconnait toutefois qu’il y a beaucoup de choses à améliorer encore pour rendre ce port plus opérationnel et que son institution y travaille déjà. ‘’Après un temps de soucis politiques au niveau de cette région, nous voulons y reconstituer l’économie. Les activités du port font partie justement des actions que l’Etat a voulu mener pour accompagner l’économie et l’emploi au niveau de Ziguinchor. C’est sûr et certain qu’il y a des choses à améliorer comme, par exemple, le manque d’équipements au niveau du port parce qu’il faut des équipements de manutention, ce qui manque beaucoup au niveau du port. Donc, on n’arrête pas de demander et puis de tisser des contacts avec la coopération décentralisée pour équiper le port en matériels de manutention’’. En ce qui concerne le coût du fret sur l’axe Ziguinchor-Dakar, jugé très élevé par certains opérateurs, Pascal Ehemba n’est pas d’accord avec ces derniers. ‘’Je crois qu’il faudrait qu’ils vous disent tout parce que quand on fait la comparaison entre le transport qui se faisait avant par Banjul(Gambie), ils ont baissé les coûts du transport maritime (entre Ziguinchor et Dakar) de manière à ce qu’on puisse aller justement vers l’exportation de l’anacarde à partir des voies maritimes’’.
A en croire, Pascal Ehemba, du point de vue économique, cette présente campagne et avec la nouvelle donne, a déjà généré beaucoup de retombées. ‘’ Aujourd’hui, avec tout ce qu’on a vu, il y a eu des retombées positives pour la Casamance et pour le Sénégal naturellement. Parce que, comme je dis souvent, l’argent n’a pas de frontière. L’argent, qu’il retombe dans le port de Ziguinchor, dans le port de Dakar ou bien dans les caisses de l’Etat, à travers la douane, ça fait partie de lamasse économique qui rentre dans les caisses de l’Etat et qui va servir à nos populations. Or, tout cela tombait ailleurs dans les caisses d’un pays étranger, ce qui n’est pas du tout normal ’’estime le président de la chambre de commerce de Ziguinchor. A noter que de grosses quantités de noix, sont tout de même encore en souffrance dans de nombreux villages de la Casamance où, actuellement, le prix du kilogramme est en dessous de 500francs Cfa, c’est-à-dire moins d’un euro, preuve que la campagne de cette année continue à hanter le sommeil des acteurs de la filière.