LES MEUNIERS FERMENT USINES CE MARDI JUSQU’A JEUDI
Les sept meuniers (GMD, NMA, FKS, OLAM, SEDIMA, MDS, BASMALA) ont tout simplement decidé d’arrêter les frais. Et de stopper leurs machines
Les 7 meuniers du Sénégal ne vont pas produire de la farine à partir de ce mardi jusqu’au jeudi. Les industriels de la farine passent donc à la vitesse supérieure. Malgré leurs appels répétitifs pour une vérité des prix sur le sac de 50kg de farine, les autorités continuent à faire la sourde oreille. Alors, n’en pouvant plus et, surtout, se trouvant au bord du gouffre, les meuniers lancent la première étape d’un plan d’actions dont le seul but, selon eux, est de sauver une industrie menacée.
Ce matin, l’Association des meuniers industriels du Sénégal (AMIS) va annoncer la mauvaise nouvelle. Ses membres vont suspendre la production nationale de farine à compter d’aujourd’hui jusqu’après demain jeudi. Une grève ? Un bien gros mot ! C’est que, n’en pouvant plus de produire à perte — des pertes abyssales —, les sept meuniers (GMD, NMA, FKS, OLAM, SEDIMA, MDS, BASMALA) ont tout simplement decidé d’arrêter les frais. Et de stopper leurs machines. Ce qui est en jeu, en effet, c’est tout simplement la survie d’une filière industrielle qui a pourtant réussi jusqu’ici à résister contre toutes les attaques possibles venant d’un marché international du blé et de coûts de fret en hausse continue.
L’AMIS, conduite par son président Claude Demba Diop, n’en peut plus du jeu de yoyo des autorités surtout du ministre du Commerce, Mme Aminata Assome Diatta. Selon Claude Demba Diop, la décision de suspendre la production nationale pendant trois jours est une réponse des meuniers au refus des autorités de donner une suite favorable à la vérité des prix qu’ils ne cessent de réclamer depuis des mois. Or, la vérité des prix est que si en septembre les membres de l’AMIS souhaitaient vendre le sac de 50 kg à 18.500 frs alors que le décret du 14 janvier 2021 imposait un prix de vente à 16 600 F par sac sachant que le prix du blé était de 270 euros par tonne, le prix raisonnable se situe en réalité à 19 193 frs soit environ 323 euros.
Selon nos sources, lors d’une réunion tenue ce samedi entre l’Etat et les meuniers, le Comité des prix logé au ministère de l’Economie et des Finances a approuvé la position des meuniers sur le principe d’un réajustement tarifaire. Mais c’est au niveau du ministre du Commerce, Mme Aminata Assome Diatta, que les choses bloqueraient. « Actuellement, la flambée des prix du blé est ignorée par les autorités. En avril puis en juillet, l’AMIS a alerté le Ministère du Commerce, mais malgré ces alertes, le prix de revient de la farine vendue au Sénégal est bien au-dessus du prix de vente imposé par les autorités gouvernementales. En septembre, nous avions sollicité en urgence une prise de décision rapide pour revoir le prix de la farine. En vain. De sorte que chaque sac livré depuis nos unités de production constitue une infraction flagrante à la loi sénégalaise en plus d’amplifier les pertes de nos entreprises » d’après une de nos sources. Qui ajoute que « le bon sens économique et social aurait voulu que nos appels soient entendus et des solutions déjà trouvées depuis le mois d’avril 2021.
Les industries meunières ne peuvent se laisser mourir, prises dans l’étau qu’elles sont entre des cours mondiaux des céréales en hausse constante et un blocage anormal des prix de vente de produits finis. Cette situation oblige indirectement les meuniers à subventionner le prix du pain. Une situation qui, indubitablement, mènera toute la filière à une crise encore plus grave quand les meuniers auront disparu du jeu économique national. Les emplois, les taxes, le pouvoir d’achat seront absorbés au profit de quelques importateurs » déplore notre interlocuteur.
Réajuster urgemment le prix du sac à 19.193 frs, une filière menacée La décision de fermeture d’usine pendant trois jours, permettant une réduction périodique et collective de production, est une manière pour les meuniers de freiner le niveau des pertes enregistrées quotidiennement, ce jusqu’à ce qu’une réponse assurant leur survie en tant qu’industrie soit clairement apportée. Par ce procédé, les meuniers veulent assurer aux concitoyens et partenaires un accès raisonnable à la farine qui reste un produit de première nécessité et une production vitale pour tous. Cette fermeture de trois jours est une manière pour les meuniers d’éviter le chômage technique qui deviendrait inéluctable dans les prochaines semaines si l’Etat ne raisonne pas en termes de vérité des prix.
Les boulangers sont invités à s’approvisionner auprès de leurs distributeurs habituels dans la limite des stocks disponibles. Les meuniers estiment qu’il est à présent urgent de statuer sur l’ultime levier d’ajustement en révisant le prix du sac de 50 kg de farine de blé. Suivant la structure des prix, la farine se vendra à 19 193 FCFA par sac. Cependant, afin de garantir une stabilité du prix du marché, en complément de la TVA à 0% et des droits de douane sur le blé à 0%, les autorités doivent prendre la décision additionnelle de diminuer les impôts afin de compenser les pertes entre le prix de 19 193 F et celui qui est pratiqué depuis début Octobre. La menace d’une désindustrialisation dans le secteur de la farine est une réalité pour notre pays. 1350 emplois directs et près de 15 000 emplois dérivés sont menacés pour une industrie qui, à travers ses 7 meuniers, a développé une capacité de production de 3500 tonnes par jour pour un besoin national de farine de 1450 tonnes par jour et une production de plus 8 000 000 baguettes par jour. Le chiffre d’affaire global est estimé à 224 milliards de FCFA pour l’économie locale. L’Etat y tire un pactole de recettes fiscales d’environ 35 milliards de frs.
Les meuniers injectent une masse salariale globale de 9 milliards de frs pour des charges sociales patronales de 900 millions de frs. Le volume de partenaires d’affaires se situe à 1500 clients boulangers, 200 distributeurs et 5 industriels. Une filière à sauver indéniablement pour éviter que ces industries disparaissent pour laisser la place à des importateurs sans foi, ni loi et transformer le Sénégal en souks de farine. Il urge d’autant plus pour les autorités de réagir favorablement à la demande des meuniers que, si une pénurie de farine venait à survenir, il n’y aurait plus de pain. Et, donc, plus de possibilité pour le président de la République de trouver du « mbourou » à mettre dans son « soow » avec Idrissa Seck !