LES PÊCHEURS DE CAYAR INDEXENT LES SAISONNIERS
Le feu couve entre les pêcheurs de Cayar et certains saisonniers, accusés de mauvaises pratiques qui sont à la base de la raréfaction de la ressource halieutique

Le feu couve entre les pêcheurs de Cayar et certains saisonniers, accusés de mauvaises pratiques qui sont à la base de la raréfaction de la ressource halieutique. Lors d’un point de presse, les pêcheurs de Cayar ont dénoncé « un désastre qui pousse les jeunes de la localité à affronter la mer, pour aller à l’aventure ». Après avoir interpellé l’Etat, ils soutiennent qu’ils feront face avec tous les moyens dont ils disposent.
Troisième quai de débarquement du poisson au Sénégal, Cayar est l’un des centres de la pêche artisanale du Sénégal. En atteste la grande ambiance qui règne sur le quai pendant la campagne qui s’étend du mois de décembre jusqu’au mois de février. Mais cette atmosphère a tendance à disparaître à cause de la raréfaction des ressources halieutiques. En effet, le poisson se fait de plus en plus rare. La production est passée de 50.000 tonnes en 2012 à environ 29.000 tonnes en 2016. Et cette année, la tendance baissière est encore beaucoup plus soutenue. Lors d’un point de presse tenu sur le quai, les pêcheurs de Cayar ont décrié les mauvaises pratiques de certains saisonniers qui utilisent les mono filaments, pourtant interdits par le code de la pêche.
Selon Mor Mbengue, un évènement malheureux s’est produit sur le quai de Cayar le 12 juin 2005. Il s’agit de la mort d’un jeune pêcheur de Cayar, tué par balle par les forces de l’ordre à la suite de la protestation contre ces mauvaises pratiques de pêche. Le même scénario risque, dit-il, de se reproduire si l’on y prend garde, car des pêcheurs établis à Mboro ont attaqué l’équipe de surveillance, composée de pêcheurs de Cayar qui étaient accompagnées par des gendarmes. On a assisté à des injures, des menaces de mort et une arrestation.
A l’en croire, une zone limite avait été clairement établie. Et ces prêcheurs, avec des méthodes de pêche qui détruit systématiquement la ressource, ne devaient en aucune manière dépasser pour entrer dans la zone de Cayar. «Nous sommes déterminés à préserver les ressources halieutiques et l’Etat est directement interpellé pour prendre ses responsabilités. La conséquence de la raréfaction des ressources halieutiques est dramatique à Cayar. La première conséquence est que tous les jeunes sont allés à l’aventure et certains ont même affronté la mer pour tenter de regagner les rives européennes et beaucoup d’entre eux y ont laissé leur vie. Nous n’accepterons plus que des gens entrent dans nos eaux pour piller les ressources en utilisant des mono filets, interdits par le code de la pêche».
Allé Sy, propriétaire de pirogue embouche la même trompette. «Nous ne voulons pas que nos pêcheurs soient victimes demain de cette illégalité liée à l’utilisation des mono filaments et des fils à poulpe. La jeunesse de Cayar désemparée n’a maintenant d’autre recours que l’émigration clandestine avec son lot de drames familiaux. Car les produits halieutiques ne donnent plus les retombées qui permettent aux pêcheurs de vivre décemment», dit-il avant d’indiquer que cette sortie est une alerte, d’autant que le seul vœu des jeunes de Cayar, c’est de rester dans leur terroir pour travailler à l’essor économique de la localité. «C’est incohérent de parler d’émergence dans une zone où les jeunes affrontent la mer pour aller à l’aventure afin de survivre. Cayar en a marre de voir ces genres de pratique qui font que sa jeunesse est obligée de quitter les terres de ses aïeules pour aller vers des destinations incertaines. Nous voulons rester à Cayar, travailler à Cayar, ce qui ne peut se faire sans la préservation des ressources halieutiques qui constituent notre seule source de revenus», affirme-t-il.
Rappelons qu’en pleine période de campagne de pêche, pas moins de 2.000 pirogues sont recensées à Cayar contre 1200 en basse saison. Le fort taux de débarquement qui s’en suivait était tel qu’il fallait prendre des mesures conservatoires allant dans le sens de l’arrêt momentané de la pêche. Ce, pour permettre aux mareyeurs et femmes transformatrices d’écouler les stocks disponibles. Mais cette année, les feux sont restés au rouge avec des débarquements et une plus-value économique très loin des espérances. Sur les facteurs bloquants, les pêcheurs de Cayar indexent les changements climatiques mais aussi et surtout le manque de rigueur dans la préservation de la ressource, avec des méthodes de pêche illégales utilisées par une minorité composée de saisonniers, au détriment des autochtones.