LES PILIERS DE LA RÉFORME
Lansana Gagny Sakho, Directeur général de l’Ofor pour la la continuité du service et la qualité de l’eau
Au terme d’une visite dans les régions de Matam et de Tambacounda à la rencontre des populations et des associations d’usagers de forages, le directeur général de l’Office des forages ruraux Lansana Gagny Sakho apporte des éclairages sur la gestion du patrimoine hydraulique du monde rural. Il revient désormais à l’Ofor, conformément à la loi 2014-13 du 28 février 2014, de gérer les ouvrages hydrauliques de l’Etat implantés dans les périmètres non affermés.
Le secteur de l’hydraulique rurale va bientôt entrer dans une phase de réforme. Quels sont les enjeux de cette réforme ?
L’objectif de la réforme, c’est d’arriver à casser cette césure qui existe entre l’hydraulique urbaine et l’hydraulique rurale. Nous voulons un accès équitable à l’eau aussi bien pour les Sénégalais des villes que pour ceux qui sont dans le monde rural.
Nous voulons simplement que l’on ne parle plus d’hydraulique rurale et urbaine mais d’hydraulique tout simplement avec une qualité de l’eau et un fonctionnement optimisé des infrastructures.
Cette réforme est une première en Afrique noire. Elle est en phase avec la volonté du chef de l’Etat son Excellence, le Président Macky Sall de casser la césure sociale qui existe entre les centres urbains et les zones rurales.
Quels sont les piliers de la réforme ?
Il y a trois piliers de la réforme. Le premier, c’est de permettre aux populations du monde rural d’avoir accès à l’eau potable. Le deuxième, c’est d’assurer une continuité du service. Le troisième c’est de régler les problèmes de qualité de l’eau. A cela, il faudra ajouter le fait que l’Ofor est maître d’ouvrage pour les collectivités locales.
Au-delà de nos missions, nous devons aussi assister l’ensemble des collectivités locales dans leur politique de développement de l’accès à l’eau potable.
Est-ce que nous allons vers une tarification unifiée dans le monde rural ?
Je pense qu’il faudrait rappeler les fondements de la tarification dans le monde rural. En réalité, c’est seul le ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement qui a le pouvoir de fixer le prix de l’eau. Aujourd’hui, nous avons 1.500 forages. Nous avons autant de grilles tarifaires. Je ne dis pas que nous allons vers une unification mais nous nous acheminons vers une détermination du prix par périmètre affermé.
Cela va prendre du temps. Cela dépend du temps que nous allons prendre pour mettre en place une délégation du service public. Je peux dire que nous allons vers une logique d’harmonisation du prix de l’eau dans le monde rural. Dans des villes, nous avons un prix unifié. Le prix de l’eau à Dakar est le même qu’à Thiès. Nous allons dans cette logique.
Il y a des inquiétudes des Asufor par rapport aux grands centres urbains. Ces associations ne savent pas si ces centres seront sous le contrôle de la Sde ou de l’Ofor. Est-ce que vous pouvez apporter des éclairages sur cette question ?
Je comprends parfaitement le questionnement des populations. La question de la probable incorporation des « centres juteux » dans le patrimoine de la Sones n’est plus à l’ordre du jour. Cette question est réglée par la loi numéro 2014–13 du 28 février 2014 portant création de l’Ofor.
Je tiens à rassurer les Asufor de Kanel, d’Ourossogui, de Goudiry, de Bokidiawé et de Thilogne que nous avons rencontrées durant cette tournée, qu’elles vont rester dans le périmètre de l’Ofor. Je dois quand même avouer ma surprise qu’un cabinet continue à sillonner certains centres sous le prétexte d’une incorporation dans le périmètre de la Sones.
Comment l’Ofor compte-t-il veiller au respect des normes de qualité ?
La qualité de l’eau dans le monde rural est une question centrale. Nous devons passer d’une logique des années 60 jusqu’aux années 2000, qui consistait à fournir uniquement de l’eau aux populations des zones rurales sans trop se soucier de sa qualité à une gestion de l’accès à l’eau potable. C’est pourquoi qu’il faut aller très vite dans la délégation de service public.
L’accès à l’eau potable a un coût. Cet aspect requiert une capacité technique et financière. Les Asufor n’ont pas ces capacités. C’est pour cela que nous voulons franchir ce pas. Nous voulons mettre dans ce secteur des privés qui seront capables de régler ces problèmes.
Nous avons des problèmes de potabilité dans le bassin arachidier, dans le sud, dans la région de Kédougou, dans toute la Vallée du Fleuve Sénégal. Il nous faut des professionnels pour apporter des solutions permettant d’améliorer la qualité de l’eau dans le monde rural. Il ne faut pas se faire d’illusion, il existe une et une seule solution : la mise en place des délégations de service public.
Quelle est la place que les collectivités locales peuvent jouer dans cette réforme ?
La place des collectivités locales est centrale. En fait, dans les missions de l’Ofor, nous sommes maîtres d’ouvrage des collectivités locales, c’est-à-dire l’Ofor doit accompagner les collectivités locales. La deuxième chose, les collectivités locales n’ont jamais eu de redevance dans la vente de l’eau.
Même si nous sommes à l’ère de la décentralisation, le partenaire privilégié avec qui nous devons parler, ce sont les collectivités locales. Et, c’est dans ce cadre que l’Ofor s’apprête à organiser une grande réunion avec l’ensemble des maires du Sénégal pour expliquer les enjeux de la réforme.
Cette reforme est avant tout celle des collectivités locales. Ce sont les maires qui montent toujours au front quand les populations font face à des problèmes d’accès à l’eau. Dans la phase transitoire de gestion des ouvrages nous allons impliquer davantage les maires dans le processus.
Il y a une crainte de perte d’emplois pour les acteurs à la base. Quel est l’avenir des Asufor ?
Je pense qu’il nous régler deux choses rapidement. Je dois préciser que nous ne sommes pas dans une logique de remettre en cause le pouvoir des Asufor. Nous sommes dans une logique de coopération. Si l’on se réfère aux contrats d’affermage, les contrats public et privé, vous avez deux parties, l’Etat et le secteur privé.
Mais il y avait toujours une partie qui manquait. Et cette partie qui doit jouer le rôle de régulateur. Les Asufor vont jouer ce rôle de régulateur. Elles vont représenter les populations. Elles défendront et sauvegarderont les intérêts des populations. Nous aurons un contrat tripartite, Ofor, secteur privé et représentants des populations.
Certains villages sont devenus des centres urbains. Comment l’Ofor va-t-il prendre en compte l’extension du réseau ?
L’extension du réseau, je dirai même l’accès à l’eau se pose partout. Nous devons bannir les bornes fontaines. Nous devons soulager nos mamans, nos tantes et nos sœurs qui parcourent des kilomètres tous les jours pour aller chercher de l’eau. La vision de l’Ofor, c’est un foyer un point d’eau potable. Notre objectif, c’est de doter chaque foyer d’un robinet.
Cela demande de gros investissements. Nous allons essayer de travailler pour trouver des ressources financières pour cela. Ce n’est pas un travail qui sera fait dans un ou deux ans. Nous avons une direction claire pour atteindre cet objectif que l’on retrouve dans notre vision qui se résume par : un foyer un point d’eau potable.