L’HORREUR DANS L’OR
La recherche de l’or rime avec plusieurs pratiques - Parfois, la façon dont elles sont menées, est à l’origine de plusieurs impacts négatifs sur les populations riveraines des sites d’orpaillage traditionnel et leur environnement
La recherche de l’or rime avec plusieurs pratiques. Parfois, la façon dont elles sont menées, est à l’origine de plusieurs impacts négatifs sur les populations riveraines des sites d’orpaillage traditionnel et leur environnement. La présence des victimes de la traite des personnes, l’abandon scolaire, le développement de maladies liées à l’usage du mercure et du cyanure sont entre autres conséquences notées dans les zones d’orpaillage à Kédougou.
La recherche de l’or est devenue l’une des activités les plus pratiquées dans la région de Kédougou. Elle est le gagne-pain de plusieurs ressortissants étrangers venus des pays de la sous-région, mais aussi de Sénégalais attirés par le métal précieux. Cette affluence est à l’origine de la traite des personnes, la prostitution forcée de jeunes filles, le travail des enfants et la dégradation de l’environnement. Selon le coordonnateur de projet «Traite des personnes et trafic illicite de migrants» au Bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre de l’Office des Nations unies de lutte contre la drogue et le crime (Onudc), Issa Saka, la vulnérabilité des filles et des enfants, reste une réalité dans les zones d’orpaillage traditionnel car les mesures nécessaires n’ont pas été prises pour réguler le secteur. «Même s’il y’a la présence des forces de défense et de sécurité, cela n’a pas forcément eu un impact dans la mesure où c’est un phénomène caché. Les gens qui font cette traite le font de façon très subtile. Ce qui fait que si les gens ne sont pas dans la posture proactive, ils ont du mal à faire une intervention ciblée » regrette-t-il. Issa Saka trouve par ailleurs, que cette situation persistera si des mesures ne sont pas prises pour sensibiliser les populations, mais également pour identifier les victimes et les auteurs de la traite.
«Les gens voient des filles qui se prostituent à Kédougou mais ne savent pas que la majorité est victime d’exploitation. Il faudrait que les forces de défense puissent agir dans l’identification de ces victimes. Il ne faut pas se limiter au contrôle sanitaire consistant à vérifier si les filles ont le carnet de santé, mais il faudrait un peu plus pousser l’investigation pour voir dans quelles conditions, elles se prostituent », plaide-t-il.
Cette plaidoirie est motivée par le fait que soutient Issa Saka, «certaines filles ont été obligées de se lancer dans la pratique». L’exploitation de l’or dans la région de Kédougou a accentué la venue des travailleuses de sexe car, selon Issa Saka, les exploitants traditionnels associent le travail à la souillure.
Pour l’exploitant, dit-il, «la pureté ne rime pas avec la découverte du métal précieux». Ce faisant, la demande en travailleuses de sexe est très importante.
C’est pourquoi, dans les 87 sites d’orpaillage recensés, pas moins d’un millier de filles de joie a été dénombré.
Certaines sont contraintes d’exercer le métier parfois. D’autres y voient un appât de gain lucratif. Cette inquiétude sur le développement de la prostitution dans cette partie du pays est partagée par le responsable programme industrie extractive et développement durable de l’Ong Enda Lead Afrique Francophone, Omar Cissé. Il confie que la prostitution a connu une avancée assez considérable dans la zone. Pis, ajoute-t-il, la crainte de voir les filles originaires de la région de Kédougou influencées par les travailleuses de sexes venues des pays de la sous-région s’est accentuée chez la population autochtone.
DES ENFANTS A LA RECHERCHE DE L’OR, BOUDENT LES CLASSES
Les enfants sont très présents dans les activités d’exploitation de l’or. Une présence qui n’est pas sans conséquences dans leur scolarisation. Pour le responsable programme «Industrie extractive et développement durable» de l’Ong Enda Lead Afrique Francophone, Oumar Cissé, dans certaines communes de la région, pratiquement plus de 50% des classes sont vides à cause de la recherche de l’or. Les enfants sont mobilisés par leurs parents pour les travaux d’extraction. Les garçons sont chargés de tirer les cordes des sceaux de sables à partir de trous de plusieurs mètres de profondeur, dit-il. Les filles, quant à elles, sont chargées du lavage du métal. Cette quête effrénée de l’or est à l’origine d’une forte baisse de la scolarisation dans le département de Saraya où affirme-t-il, les enfants sont fortement présents dans les sites d’orpaillage. Une des conséquences négatives de la recherche du métal précieux est la forte présence d’enfants venus du Burkina Faso déplore-t-il. Ils sont victimes de la traite des personnes soutient, Momar Cissé. Cependant eu égard à cette forte baisse de la scolarisation des enfants, certaines communes comme celui de Tomboronkoto ont pris des mesures de sauvegarde signale, Momar Cissé.
«Dans le site d’orpaillage de Bantaco, ils ont réussi à organiser les sites d’orpaillage au point qu’on n’autorise pas un enfant à fréquenter ces zone. Ce qu’il fait qu’il y’a moins d’enfants dans ce site», dit-il.
DES CONSEQUENCES NEGATIVES SUR L’ENVIRONNEMENT
L’usage de produits tels que le mercure et le cyanure dans l’exploitation de l’or a des impacts négatifs sur l’environnement et la santé des orpailleurs. Le cyanure dissout dans l’eau est mortel, mais, il est rapidement détruit par les ultra-violets (Uv) lorsqu’il reçoit les rayons du soleil. Le mercure, lui, est un métal qui ne se détruit pas. Il est assimilé par l’organisme humain et s’accumule jusqu’à laisser apparaître des troubles graves de santé. Cette utilisation de ces deux produits n’est pas conforme avec le respect des normes environnementales, dira Momar Cissé. Elle est aussi à l’origine de nombreux problèmes sanitaires chez les orpailleurs. La pollution des cours d’eau est devenue une réalité à cause de l’usage du mercure et du cyanure, ajoute-t-il. «Le pire dans la situation, c’est qu’au Sénégal, il n’y a aucun laboratoire qui peut analyser les effets de ces produits chimiques».
Pour le conseiller technique environnement du Premier ministre, et ancien directeur de l’environnement, Ndiaye Cheikh Sylla, «le mercure, quand il n’est pas très bien pris en charge, peut causer une contamination à long terme». Et ajoute-t-il, «dans une région à haute utilisation de ce produit, le fait d’utiliser le poisson tiré de l’eau ou le déchet est rejeté peut conduire à terme à beaucoup de morts». Le cyanure et le mercure sont deux produits préjudiciables extrêmement toxiques utilisés par les orpailleurs, fait-il remarquer. «Ils font partis des 10 à 15 produits chimiques les plus toxiques du monde», dit-il. Parmi ces deux produits le mercure est beaucoup plus nocif car le cyanure est plus facile à traiter parce qu’une forte oxydation suffit en général pour affaiblir les doses.
Le mercure, quant à lui, nécessite un traitement car, il contient un métal lourd. Le litre de ce produit est évalué à 13,6 kg. Ndiaye Cheikh Sylla signale que le mercure et le cyanure sont utilisés aussi bien par les grosses mines et les petits exploitants, mais l’impact de l’utilisation de ces produits est beaucoup plus ressenti chez les exploitants traditionnels.
A signaler que l’expérimentation d’une exploitation de l’or sans mercure est initiée dans le site de Bantako dans la commune de Tomboronkoto.
L’autre nuisance liée à l’exploitation de l’or est la déforestation, signale Mamou Cissé. «Il y’a certains exploitants étrangers qui jugent que l’or se trouve sous les racines des arbres. Par conséquent, le déracinement s’impose. Ce qui fait qu’après leur passage dans une zone bien déterminée, on peut espérer qu’il n’y aura plus espoir de trouver une espèce végétale dans les zones déjà exploitées », dit-il
RESPONSABILITE SOCIETALE D’ENTREPRISE
La contribution des entreprises minières au développement local menée dans le cadre du programme responsabilité sociétale d’entreprise a été orientée dans le développement social de base, informe le responsable programme Industrie extractive et développement durable de l’Ong Enda Lead Afrique Francophone, Oumar Cissé. Des salles de classe, des postes de santé des forages manuels ont été construits par des entreprises exploitant l’or, renseigne Momar Cissé. L’appui à l’agriculture est aussi noté avec l’instauration d’un système goutte à goutte pour le compte des femmes qui s’activent dans des périmètres maraichers. L’instauration d’infrastructures dans les zones d’orpaillage est rendue possible par la venue d’équipes municipales dirigées par des enseignants qui ont voulu rompre avec l’ancienne pratique qui consistait à ce que le président du conseil rural vienne à l’entreprise pour des sollicitations personnelles, soutient Momar Cissé.
Ce volet de la responsabilité sociétale d’entreprise fait partie donc des avantages tirés de cette exploitation de ressources naturelles.