L'INQUIÉTUDE DES PATRONS
Assises de l'entreprise
Baïdy Agne et ses camarades veulent un allègement de la charge fiscale. Que ce soit leur contribution au niveau municipal, départemental ou au niveau des recettes budgétaires et douanières, le Conseil national du patronat (CNP) dénonce certaines taxes superflues et souhaite une large concertation dans la définition des politiques pour éviter "certains abus des pouvoirs publics".
Le secteur privé n'est plus disposé à être la vache à lait des finances publiques. Les lourdes pressions fiscales que subissent les entreprises de la part des mairies ont été déplorées par Baïdy Agne. Une donne induite par l'application de l'Acte III de la décentralisation. "Sommes-nous allés trop vite dans le transfert de compétences ?" s'est demandé le président du CNP en soulignant que le manque de ressources financières des collectivités locales a ouvert la voie à des tracasseries administratives.
"Les contentieux se multiplient. Les percepteurs municipaux émettent des Avis à tiers détenteurs (Atd). Avec la Sonatel, c'est facile d'en émettre et d'en faire une victime de ses bénéfices. Mais c'est plus difficile avec la Senelec car, en réponse, elle coupe son courant. L'entreprise est livrée à 557 délibérations municipales et on nous demande de fermer les yeux sur les décrets et textes réglementaires. Non ! Nous ne pouvons garder le silence", a-t-il regretté.
"Nos élus locaux augmentent les taxes et certaines à plus de 500% sans respecter la loi fixant les minimas et maximas autorisés. Ils créent de nouvelles taxes : taxe sur les téléviseurs installés dans les chambres d'hôtel au motif d'occupation du domaine public, taxe sur les distributeurs automatiques de billets et sur les dépliants des banques destinés à leur clientèle. Ils instaurent des droits de stationnement sur les véhicules de livraison d'une commune à l'autre", continue Baïdy Agne dans sa tribune contre les charges fiscales, en préconisant toutefois l'harmonisation des fiscalités locales et départementales et en exprimant sa disponibilité à la concertation.
Pour l'État sénégalais, ces tiraillements entre le secteur privé et certaines collectivités locales vont être aplanis avec le cadre de concertation tripartite État-collectivité-secteur privé. De ce fait, le chef du gouvernement, Mahammad Dionne, a demandé à son ministre de la Gouvernance locale de réviser sa copie.
"En effet, ce n'est pas normal qu'on puisse mettre une fiscalité sur les guichets automatiques bancaires. Ce n'est pas normal qu'on exige une taxe sur les télés de chambre d'hôtel au nom de la fiscalité locale. Nous avons donné les instructions au ministre Abdoulaye Diouf Sarr et la concertation est en cours", déclare le Premier ministre.
1721 milliards attendus du privé
Malgré de bonnes statistiques d'une croissance soutenue, 5,4% cette année et 6% en 2016, les problèmes de fond subsistent. Dans la même veine que pour les collectivités, le secteur privé s'est fait des cheveux blancs sur les attentes de l'État dans leur contribution au budget.
"Mes chers collègues chefs d'entreprise, sachez ce que l'État attend de nous : pas moins de 1721 milliards de F CFA au titre des recettes fiscales et douanières, soit le financement de près de 57% du budget 2016. Notre État l'augmente de 5,96%, ensuite, il fixe des objectifs de hausse des recettes et de recouvrement d'impôts directs de 9,41% ainsi que d'impôts indirects de 6,59%", s'est alarmé le président du CNP. Aussi a-t-il souligné l'urgence pour la Direction générale de impôts et domaines (Dgid) de procéder à "une réforme pour moins d'interprétations et moins de contentieux fiscaux" ; "d'améliorer les procédures d'arbitrage hiérarchique car portant préjudice à l'entreprise en termes de délais et de coûts".
Mais le Premier ministre a mis en avant les signes de bonne volonté du président de la République à ménager le secteur comme sa renonciation de recettes de 40 milliards en 2012. "Je voudrais réaffirmer que la doctrine de l'État est que "l'impôt ne doit décourager ni la consommation, ni la création de richesses", s'est défendu Mahammad Dionne. "La fiscalité n'est pas qu'un levier financier pour l'État, elle constitue aussi un instrument de politique économique pour libérer plus d'énergies et de ressources en faveur de l'entreprise", at-il conclu.
Le premier SIPEN et la 4G
Le premier salon international des professionnels de l'économie numérique (Sipen) a été couplé aux assises de l'entreprise. Pour le patronat sénégalais, l'offre performante des téléservices est sous-utilisée. "Pourquoi y a-t-il encore autant de dysfonctionnements, de difficultés techniques ou de retards dans la mise en service des télé-procédures fiscales, douanières, sociales ? s'interroge le président du CNP, Baïdy Agne, dont le groupement professionnel de sa structure, Optic, est à l'initiative de ce salon sur l'économie numérique.
Une préoccupation d'autant plus légitime que le numérique conditionne dès à présent la capacité d'une nation, ses institutions, et ses entreprises à être compétitives. Mais c'est surtout l'introduction prochaine de la technologie 4G qui intéresse le patronat. "L'attribution de la Licence 4G doit privilégier l'aménagement et l'investissement numériques haut débit sur l'ensemble du territoire national", propose Baïdy Agne.
Le Premier ministre a quant à lui réitéré les projets du gouvernement dans ce domaine contenus dans le PSE. "Notre ambition est de doter notre pays d'infrastructures numériques de dernière génération et de faire de Dakar un hub de services numériques pour la sous-région. D'ores et déjà, plusieurs projets pilotes ont été engagés par différentes administrations dans les domaines de l'e-éducation, l'e-santé, l'e-taxes, etc.'', a dit M. Dionne.