SAID ET ALLIA «CASSENT» LA BANQUE
Le père et la fille Tarraf, qui font l’objet de plusieurs poursuites par la justice, n’hésitent pourtant pas à mener grand train, malgré les nombreuses casseroles qu’ils traînent.
Le père et la fille Tarraf, qui font l’objet de plusieurs poursuites par la justice, n’hésitent pourtant pas à mener grand train, malgré les nombreuses casseroles qu’ils traînent. Ils ont, semble-til, grandement bénéficié des failles du système bancaire, au point de ressusciter un mort pour garantir leur prêt de 20 milliards.
L’affaire Tarraf, dont Le Quotidien avait fait mention, notamment dans son édition du mercredi 19 juin dernier, n’en finit pas de faire de vagues. Le système bancaire en est également secoué. Le Quotidien a appris que, conséquence de leurs déboires avec la justice, la Banque islamique du Sénégal (Bis) a retiré à Mademoiselle Allia Tarraf sa qualité de membre du Conseil d’administration. Cet épisode n’est que l’un de ceux qui secouent le tandem père et fille Tarraf. On sait que parmi les inculpations pour lesquelles ils sont poursuivis, le chef de blanchiment d’argent est l’un de ceux mis en avant. Les enquêteurs s’intéressent particulièrement aux sommes d’argent qui ont permis à Saïd et Allia d’acquérir leurs parts d’actions au sein de la Bis pour la fille, ainsi que pour la Dar Al Maal AlIslami (Dmi). La Dmi est basée à Djeddah, en Arabie Saoudite, et est membre du tour de table de la Bis. Dans une publication au journal Le Soleil, Saïd Tarraf déclarait en décembre 2014 avoir perdu des certificats nominatifs de la Dmi trust.
Milliards de transferts pour une salariée
Quand on sait que, employée dans les sociétés de la famille, Allia Tarraf n’a que son salaire, on se pose la question de savoir d’où lui vient la capacité financière, à partir de ses ressources propres, pour posséder des actions dans une banque de l’envergure de la Bis, tout en menant un train de vie qui lui permette de disposer de nombreuses propriétés au Sénégal, en France, aux Etats-Unis ainsi que dans d’autres pays d’Orient. Cette nébuleuse jette encore une lumière inquiétante pour la justice sénégalaise sur les énormes transferts d’argent que Allia Tarraf a opérés dans des comptes ouverts à la banque Crédit international. Cela, soit directement, soit par personnes interposées.
Saisie conservatoire
Des documents détenus par la justice ainsi que les parties civiles ont pu tracer d’importants virements d’argent opérés notamment par Allia Tarraf, ou par des personnes à son service, pour le compte des entreprises du groupe Tarraf, comme Sen biscuits ou Cosepral. Les montants ainsi transférés ont été estimés à environ 12 milliards de francs Cfa, placés dans les livres d’entreprises qui, officiellement, se trouveraient en cessation de paiement. Par des tours de passe-passe, lesdits comptes étaient vidés et les montants transférés en des lieux que seuls Saïd et sa fille connaissent. Car en matière d’écritures comptables, le juge d’instruction a trouvé assez d’éléments pour inculper le père et la fille de faux et usage de faux, en plus d’autres délits comme le blanchiment d’argent, l’abus de blanc-seing, et autres association des malfaiteurs.
D’ailleurs à ce niveau, la partie civile n’a toujours pas compris pourquoi, avec le nombre de chefs d’inculpation qu’ils traînent, Allia et Saïd Tarraf ne se soient toujours pas retrouvés en détention préventive. Mieux, ils ont même la possibilité de voyager et en passant par le salon d’honneur de l’aéroport de Diass, sans que leurs déplacements à l’étranger ne soient contrôlés et règlementés. La preuve, comme relevé par Le Quotidien cité plus haut, Saïd Tarraf a pu effectuer un voyage au Liban, alors qu’il avait déclaré au juge se rendre en France pour raisons médicales. Pour les parties civiles, les comptes des entreprises Tarraf au Crédit international servaient quelque part de caisse de blanchiment d’argent. Pour exemple, le logiciel de comptabilité de la société Sen biscuits indiquait que Allia Tarraf a versé dans ce compte, à partir de son compte personnel à Ecobank, 1 milliard de Cfa, rien qu’en 2016. Par ailleurs, ce compte semble être un fourretout, avec des entités physiques et morales qui y versent des dizaines de millions. Le 25 octobre 2016, quelques jours après la vente d’un terrain de la Sci Al Salam appartenant aux frères Tarraf sans que ces derniers n’aient été consultés ni mis au courant de la vente, 300 millions ont été transférés sur ce fameux compte Sen biscuits. Il n’y a pourtant aucun lien entre la société immobilière Al Salam et la société industrielle Sen biscuits, bien que tous les deux appartiennent au groupe Tarraf. Pour permettre aux familles de préserver leurs intérêts, Me Boucounta Diallo, l’avocat des parties civiles, avait introduit auprès du Parquet une demande de saisie conservatoire des biens de Saïd et Allia Tarraf. Le procureur aurait, semble-t-il, hésité à l’agréer et dans ce cas, les parties civiles espèrent que le juge aura un regard plus favorable pour leurs demandes.
20 milliards de la Sgbs avec la caution d’un mort
En plus de toutes ces institutions financières, Saïd Tarraf a été pris la main dans le sac pour une opération de 20 milliards de francs Cfa passée avec la Société générale de banques au Sénégal (Sgbs). Avec de fausses signatures, il a hypothéqué le patrimoine foncier de ses frères Adel et Fouad Tarraf pour garantir une dette contractée auprès de la Sgbs. Quand le groupe Tarraf et la Sgbs ont cherché un accord pour éponger la fameuse dette de 20 milliards, Saïd a «ressuscité» son frère Fouad Tarraf, décédé en janvier 2012, pour lui faire constituer des avocats pour valider l’accord. C’est ainsi qu’en octobre 2017, les deux parties, le groupe Tarraf et la Sgbs ont signé un accord de conciliation au bas duquel on voit des avocats signer «pour le compte de Fouad Tarraf et Adel Tarraf».
Or, selon leurs défenseurs, non seulement Fouad ne pouvait pas se constituer, étant décédé près de 6 ans auparavant. Quant à Adel Tarraf, il n’était même pas informé de la manœuvre de spoliation qui le frappait en ce moment et n’avait constitué aucun avocat. Ce qui choque pourtant le plus les parties civiles, c’est de voir que la Sgbs avait laissé passer la chose, alors que sa direction avait en sa possession le certificat de décès de Fouad. Malgré cela, elle a laissé le compte de ce dernier continuer à fonctionner et à faire des mouvements de débits et de crédits. On se demande avec quelle signature et au bénéfice de qui, puisque ses héritiers ont déclaré n’être au courant de rien.