TOUT EST BIEN QUI... DÉBUTE BIEN
Reprise par l'État de la SUNEOR
Un accord a été trouvé entre l'État et Abbas Jaber sans que les contours précis n'en soient encore connus. Si la page Suneor est tournée, comme le fut celle de la Sonacos en 2005, il reste que les interrogations demeurent sur les futurs repreneurs ainsi que l'organisation de ce secteur clef de l'agroalimentaire sénégalais.
ette fois, le divorce est bien consommé entre l'État du Sénégal et l'homme d'affaires Abbas Jaber, administrateur de la SUNEOR. Un gentlemen meeting entre le Premier ministre du Sénégal, Mahammad Dionne, son ministre de l'Economie et des Finances Amadou Bâ et Abbas Jaber s'est terminé hier soir par le retrait de sa licence d'exploitation et l'éviction de l'homme d'affaires franco-libanais, né au Sénégal, devenu en dix ans le symbole de la privatisation ratée de la SONACOS.
Selon le ministre de l'Economie, des Finances et du Plan Amadou Ba, la fin du compagnonnage entre l'État du Sénégal et Abbas Jaber dans SUNEOR est le résultat d'un accord à l'amiable qui a évité aux deux parties de régler leur contentieux devant les tribunaux. Une confession d'autant plus importante que le ministre Amadou Bâ admet l'existence de plusieurs difficultés dans ce dossier complexe où tout n'a pas été dit.
A l'évidence, l'État du Sénégal et Abbas Jaber ont voulu présenter à l'opinion publique et aux potentiels investisseurs l'image d'un pays où les intérêts libéraux sont préservés quelle que soit la situation. Car un bras de fer aurait eu des conséquences fâcheuses pour les deux parties avec Abbas Jaber qui traînerait le gros boulet du mauvais homme d'affaires qui a presque ramassé la SONACOS ainsi que son lourd patrimoine industriel, financier et foncier au vil prix de 5 milliards de F CFA pour ensuite en faire une SUNEOR symbole du pire modèle de gestion moderne, tant cette société est aujourd'hui étranglée par les dettes. De son côté, l'État du Sénégal aurait eu l'embarras d'affronter les réseaux denses d'Abbas Jaber en Afrique et en France dans une procédure judiciaire où beaucoup de plumes allaient tomber.
Tout est donc bien qui commence bien, car on est loin de l'épilogue dans le bras de fer entre l'État du Sénégal et l'ami de Karim Wade toujours bien arc-bouté sur les énormes privilèges qui lui ont été accordés par le régime d'Abdoulaye Wade au point d'en faire une armure suffisante pour bien négocier son abandon de la SUNEOR.
C'est dans ce sens qu'il faut comprendre la mise en place d'un groupe de travail de l'État constitué de la Primature, du Ministère de l'Economie, des Finances et du Plan, du Ministère de l'Industrie et des Mines et du Ministère de l'Agriculture et de l'Equipement Rural avec l'équipe de SUNEOR mandatée par Abbas Jaber pour s'accorder sur les modalités de reprise de SUNEOR par l'État.
D'ailleurs, M. Jaber qui a eu le temps de préparer ses arrières en entrant dans le capital des Grands Moulins de Strasbourg (GMS), l'un des plus importants exportateurs européens de farine, a annoncé son intention de rester au Sénégal pour développer d'autres filiales, notamment les céréales qui sont la nouvelle tendance dans notre pays.
Au finish, la facture risque d'être assez lourde pour l'État qui devra vraisemblablement négocier le paiement des dettes dues aux créanciers de SUNEOR d'une part et d'autre part, faire en sorte que les emplois des travailleurs de l'entreprise soient conservés. Même si le ministre de l'Economie, des Finances et du Plan révèle que SUNEOR va être cédé à un repreneur, l'option de faire de la filière arachide sénégalaise une filière totalement intégrée, compétitive, pourvoyeuse d'emplois et de devises ne sera qu'une illusion si l'État reste moins regardant sur la gestion de ce fleuron de l'industrie agroalimentaire du Sénégal.
De l'avis de spécialistes du secteur, le profil du futur repreneur sera décisif. Aussi bien l'État que les acteurs privés reconnaissent aujourd'hui que la rigueur n'a pas été de mise dans le montage de la reprise de SONACOS. Le régime libéral d'alors avait manœuvré dans le sens de laisser à Jaber la "vache au lait", malgré son manque d'expérience dans le domaine agricole. Les pressions étaient réelles, reconnaît-on aujourd'hui.
Toute la question est donc de savoir si l'État va laisser les coudées franches aux techniciens de la Commission pour tracer le meilleur schéma possible. L'on avance déjà des noms d'entreprises européennes et asiatiques qui seraient intéressées. Preuve sans doute que malgré les problèmes, l'agroalimentaire reste encore une activité d'avenir au Sénégal.