DES APPELS AU SECOURS D’UNE BOURGADE DESTRUCTUREE PAR LE CONFLIT
Sédhiou : Malang et Bourama Konta, deux frères aveugles au CP à Bissary Dioub
C’est en effet l’histoire de jeunes garçons nés de même père et de même mère qui ont en partage une cécité innée. Tous deux sont en classe de cours préparatoire à Bissary Dioub, situé à cinq minutes de marche de leur village d’origine, Kambounda, dans la commune rurale de Diacounda (Département Bounkiling). Leur père, Youssouph Konta n’arrive toujours pas à expliquer cette volonté de Dieu à laquelle il se résigne, la mort dans l’âme. Hyacinthe Roger N’décky, leur maître, tente de leur dispenser au mieux les enseignements en attendant un éventuel parrainage dans les écoles spécialisées. Nous les avons hasardeusement découverts à l’occasion des journées culturelles du gouvernement scolaire de Bissary.
Malang et Bourama Konta sont deux frères de père et de mère âgés respectivement de 11 et de 9 ans, habitant le village de Kambounda, dans la commune de Diacounda. Outre la fraternité complète dont ils ont en partage, ces deux frères ont la malchance d’être en situation de handicap visuel depuis leur naissance. «Les enfants sont nés avec ce handicap visuel. Ce n’est pas du tout une histoire héréditaire, car aucun de nous, ni de nos parents n’est né dans de pareilles conditions. A Bignona où nous étions pour les soins, on nous a fait observer que ce n’est pas la médecine moderne qui va traiter ces pathologies visuelles. Ce sont mes plus grands enfants, les deux autres ne souffrent de rien du tout », a déclaré Youssouph Konta, le père de Malang et Bourama Konta.
Malang et Bourama Konta fréquentent l’école élémentaire de Bissary Dioub où ils sont en classe de cours préparatoire (CP). Visiblement très engagés et articulant la langue française, Malang souhaite devenir enseignant pour repêcher ceux qui seront dans les mêmes situations que lui, au nom, dit-il, de la justice sociale : « ce n’est pas facile pour nous d’apprendre à l’école, mais on se débrouille. On répète ce que notre maître nous demande de répéter et voilà qu’à présent nous parlons au moins le français avec nos camarades d’école. Moi je souhaite devenir un maître pour enseigner les enfants comme ceux qui sont dans la même situation que moi, car c’est pas normal de les laisser à la maison ».
Le maître qui tient cette classe de CP à Bissary déclare mettre en pratique les méthodes de communication orale pour dispenser les enseignements à ces deux frères parmi leurs camarades bien portant : «au début, leur papa ne voulait pas que ces enfants aillent à l’école pour ne pas être la risée de leurs camarades en raison de leur situation de handicap, cependant, nous enseignants, sommes arrivés à le convaincre à les laisser venir. Moi qui tiens leur classe, je fais usage des méthodes de communication orale pour qu’il fixe les notions. Ce sont mes décanteurs dans la classe, quand je fais un exercice de communication orale, ils retiennent tout et me sortent les phrases souhaitées », a indiqué Hyacinthe Roger N’décky.
APPEL DES PARENTS POUR UNE PRISE EN CHARGE DE SPECIALITE
Si ces élèves non-voyants se débrouillent tant bien que mal, il va de soi qu’il faut une prise en charge particulière dans des écoles spécialisées en vue de leur assurer un suivi adéquat. Et c’est ce qui justifie l’appel de leur père à trouver des parrains, à défaut du soutien de l’Etat.
A Bissary Dioub, il existe un collège depuis six ans à 80% abris provisoires ; et pourtant, l’établissement réalise de grosses performances scolaires malgré son enclavement et la pauvreté accentuée par l’insécurité consécutive au conflit en Casamance. A l’occasion, samedi dernier, des journées culturelles du gouvernement scolaire de Bissary Dioub, l’administration du CEM a invité les communautés à relever les défis, notamment de lutte contre les violences faites aux enfants. Maïssa Niang Thiam, le porte-parole de l’école affirme que « ces journées sont une occasion de plaider pour la gestion non violente des conflits car l’école et le milieu sont indissociables. Ici comme ailleurs, les formes de violence au rang desquelles on peut citer les grossesses et mariages précoces, les mutilations, le harcèlement, des abandons scolaires. Les élèves étaient très réceptifs aux thèmes durant les conférences. Le principal Mame Yathma Kholle s’est investi pour le succès de ces journées » note-t-il.
A l’école élémentaire, tout comme au collège de Bissary Dioub, la volonté d’aller à l’école est manifeste à la fois chez les garçons que les jeunes filles, d’où l’urgence de leur apporter le soutien nécessaire à l’amélioration des enseignements/apprentissages.