DIAGNOSTIC DU MAL
Après plusieurs semaines de négociations ponctuées par des échecs entre gouvernement et syndicats d’enseignants, l’école publique sénégalaise s’enlise dans une impasse totale
Après plusieurs semaines de négociations ponctuées par des échecs entre gouvernement et syndicats d’enseignants, l’école publique sénégalaise s’enlise dans une impasse totale. Les acteurs craignent que la situation atteint un point de non-retour. Le montant sur l’indemnité de logement est-il la cause de l’achoppement des négociations ? Deux anciens secrétaires généraux de syndicats donnent leur lecture de la situation. Mamadou Diouf, ancien de la Confédération des syndicats autonomes (Csa) estime qu’il ne faut pas que les «dirigeants syndicaux soient otage de leur base», tout en indiquant que le «gouvernement doit faire profil bas pour ne pas se lancer dans une dynamique autoritaire». Pour Mamadou Lamine Dianté, ancien du syndicat autonome des enseignants du moyen et secondaire du Sénégal (Saemss), «on va surement et lentement vers une année blanche. Donc, le gouvernement doit faire des propositions acceptables».
MAMADOU DIOUF, ANCIEN SECRETAIRE GENERAL DE LA CONFEDERATION DES SYNDICATS AUTONOMES : «Il ne faut pas que les dirigeants syndicaux soient otage de leur base»
«Cette situation était perceptible depuis le mois de décembre. C’est pour cette raison que j’ai cherché à mettre ensemble les syndicats pour éviter qu’un environnement de surenchère empêche d’avoir une lecture correcte de la situation. Qu’on le veuille ou non, les différents syndicats qui existent, sont en train de s’épiler. Chacun sait la bonne décision à prendre, mais est en train de se demander ce que l’autre va en penser. Il faut arriver à un moment de trouver des solutions de dépassement. Objectivement, la situation est difficile à gérer parce que chacun est en train de faire de la surenchère pour ne pas donner que c’est lui qui a capitulé. Ce qui complique la situation du mouvement syndical. Il est important que les acteurs s’asseyent et s’entendent sur des solutions de sortie de crise. C’est ensemble, solidairement, qu’ils vont trouver de solutions. Aussi, il faut relever qu’un dirigeant syndical est responsable. Il ne faut pas que les dirigeants syndicaux soient otages de leur base. Ils ont des informations que la base n’a pas. Si, par conséquent, les bases prennent leurs dirigeants en otage, au point que ces derniers ne puissent pas prendre les responsabilités au moment crucial, cela devient de l’ultra-démocratisme. Ce qui n’est pas bon pour la crédibilité et l’avenir du mouvement syndical.
Le gouvernement doit faire profil bas pour ne pas se lancer dans une dynamique autoritaire
«Sous un autre registre, le gouvernement doit faire preuve d’une ouverture. Il a l’entière responsabilité de cette question. Nous n’en serions pas là si un planning de mise en œuvre avait été fait pour le respect des accords depuis sa signature. L’option autoritaire n’a jamais réglé le problème, surtout dans ce domaine. Beaucoup de polémiques sont installées pour finalement aboutir à une crise de confiance. Au-delà de la question indemnitaire, nous avons noté beaucoup de manquements sur la gestion des carrières des enseignants. Le gouvernement doit assumer sa responsabilité. Dans le cas d’espèce, il doit faire profil bas pour ne pas se lancer dans une dynamique autoritaire.
L’école publique est perturbée contrairement au privé qui a fonctionné correctement. En ce moment, les acteurs doivent prendre leurs responsabilités pour trouver rapidement des mesures correctives pour avoir une année scolaire. Si on franchit la ligne rouge, nous risquons de bricoler l’année académique. Ce qui est anormal. On risque d’avoir une année à deux vitesses, car les élèves du Sud du Sénégal seront dans une situation de défavorisés avec l’approche de l’hivernage. Sans oublier le ramadan, la coupe du monde qui vont intervenir dans la perturbation de l’école».
MAMADOU LAMINE DIANTE, ANCIEN SECRETAIRE GENERAL DU SAEMSS : «On va surement et lentement vers une année blanche»
«Nous pouvons considérer que les syndicats sont dans une posture de radicalisation. La réalité voudrait qu’on l’admette que le gouvernement est mis devant ses responsabilités. On ne peut pas comprendre qu’en 2016, le gouvernement, après la signature du protocole d’accords de 17 février 2014, n’a pas apporté des réponses concrètes aux préoccupations des enseignants. Pourtant ce même Etat avait estimé que les accords signés étaient réalistes et réalisables. Les réponses insatisfaisantes du gouvernement poussent les enseignants à reprendre le cheval de bataille, au point que les compositions ne soient pas tenues. Avec le 7ème plan d’actions des syndicats dits représentatifs à la fin de ce mois d’avril, on va surement et lentement vers une année blanche. Ce ne serait que de la responsabilité du gouvernement. Il suffit un peu de bonnes volontés pour régler cette situation. Les enseignants attendent des propositions acceptables. Sur la question du régime indemnitaire, le gouvernement peut faire une planification acceptée par les enseignants sur un certain nombre d’années budgétaires.