HRW CHARGE LES ENSEIGNANTS
L'organisation de défense des droits humains indique dans un rapport que les enseignants sont responsables de 42% des cas de violences sexuelles en milieu scolaire au Sénégal
Human Rights Watch (Hrw) a rendu public, hier, jeudi 18 octobre, son rapport intitulé «ce n’est pas normal : exploitation, harcèlement et abus dans des écoles secondaires au Sénégal». L’organisation non gouvernementale (Ong) indexe les enseignants et dénonce le silence pour la plupart des responsables des établissements. Non sans inviter l’Etat à mettre fin à la culture du silence et à sanctionner les enseignants coupables d’abus.
Exploitation, harcèlement et abus dans les écoles publiques sénégalaises, l’Ong Human Rights Watch (Hrw) a publié un rapport de plus. Sans être exhaustif, le document de l’Ong sur la situation dans le secondaire, prend la logique qui a prévalu depuis quelques années au Sénégal. Il confirme les nombreux cas d’exploitation et de harcèlements sexuels constatés dans les écoles, comme les rapports des ministères de l’Education et de la justice et autres organisations de la société civile l’ont déjà relevé. Rien donc de nouveau sous nos cieux. Pour tirer des conclusions parfois d’ordre général, l’Ong Human s’est fondée sur des entretiens qu’elle a menés auprès de 42 filles et jeunes femmes âgées de 12 à 25 ans et des discussions de groupe auprès de 122 élèves du secondaire, dont la plupart ont fréquenté 14 collèges et 8 lycées dans différentes régions du pays.
Sédhiou, Kolda, Ziguinchor et Dakar, les cibles
Le travail a été plus accentué dans les régions de Sédhiou, Kolda, Ziguinchor et Dakar. « Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de cas de violences sexuelles dans les autres régions. Il fallait commencer par certaines régions. On a décidé de commencer par ces régions », souligne d’emblée Elin Martínez, chercheuse auprès de la division Droits des enfants au sein de Hrw.
Que nous dit le rapport ?
Le rapport a constaté que certains enseignants abusaient de leur position d’autorité en harcelant sexuellement les filles et en entretenant des relations sexuelles avec elles, un grand nombre d’entre elles ayant moins de 18 ans.
Comment font les enseignants dans ces cas de figure ?
Le document fait savoir que «certaines filles ont affirmé à Human que leurs enseignants utilisent un langage ou des gestes inappropriés – par exemple, décrivant le corps ou les vêtements des filles de manière sexuelle – lorsqu’ils s’adressent directement aux élèves ou font référence à d’autres élèves de leur classe».
Autre modus operandi des enseignants relevé dans le rapport, est qu’ils les attirent souvent avec la promesse d’argent, de bonnes notes, de nourriture ou de biens matériels comme des téléphones portables et de nouveaux vêtements.
Pour donner des chiffres, l’Ong se fonde sur les médias qui rapportent depuis 2013, au moins 24 enseignants du primaire et du secondaire ont été poursuivis pour viol ou actes de pédophilie – tous deux constituant des infractions sexuelles en vertu de la législation sénégalaise.
Les principaux de collèges et la société, des complices !
Le rapport «Ce n’est pas normal» indique de «nombreux cas d’exploitation et de harcèlement sexuels commis par des enseignants n’ont pas été signalés et les autorités scolaires n’ont pas fait en sorte que leurs auteurs rendent des comptes pour leurs actes. Bien que certains principaux prennent au sérieux les allégations, ils tentent de mener des enquêtes informelles, de parler discrètement au personnel et de résoudre les problèmes à l’interne.
Cette situation s’explique par le fait que des «cas d’abus sexuels ou de violence à l’école repose en grande partie sur la décision du principal d’agir ou d’ignorer une plainte…». « Tout comme les filles exploitées sexuellement, harcelées ou maltraitées, poursuit le rapport, veulent se manifester, elles hésitent à signaler les cas dans les écoles par crainte d’être stigmatisées puis ridiculisées. Lorsqu’elles se manifestent, les responsables de l’école ne les prennent pas au sérieux et, dans certains cas, on leur dit qu’elles ont provoqué leurs enseignants».
Si le Sénégal ne dispose pas d’un code de conduite national contraignant décrivant les obligations des enseignants, des responsables scolaires et des acteurs de l’éducation vis-à-vis des élèves, il est indiqué que « le harcèlement et la coercition à des fins sexuelles et l’abus de pouvoir et d’autorité sur un enfant de moins de 18 ans par un enseignant est passible d’une peine maximale de 10 ans».
Bien qu’il soit important que ces poursuites aient eu lieu, Hrw préconise que « les poursuites, la sanction professionnelle par les supérieurs ou la réparation d’autres formes de violence sexuelle, en particulier l’exploitation sexuelle, ont été limitées ».
Inclure les contenus sur la sexualité dans les programmes d’enseignement
Le Hrw regrette que «le gouvernement soit réticent à inclure les contenus sur la sexualité dans les programmes d’enseignement en raison des préoccupations selon lesquelles l’enseignement de la sexualité contredirait les valeurs culturelles et morales du Sénégal, ainsi que du fait des pressions exercées par les groupes religieux». Car, signale Hrw, la plupart des écoles secondaires publiques dans les régions où Hrw a mené des recherches ne fournissent pas de contenu adéquat, complet et scientifiquement précis sur la sexualité ou la reproduction. Dans la plupart des écoles, l’abstinence reste le message principal».
Dans cette situation, le gouvernement devrait s’efforcer de mettre fin à la culture du silence autour de l’exploitation sexuelle, du harcèlement et des abus liés à l’école, notamment en rendant les processus de signalement plus clairs, confidentiels et accessibles aux élèves, propose l’Ong.
Sérigne Mbaye Thiam déchire le rapport de HRW
L’étude de l’ONG Human Rights Watch publiée, hier, jeudi 18 octobre, «ne repose pas sur des bases scientifiques rigoureuses». C’est la réponse fournie par les services compétents du Ministère de l’Education nationale du Sénégal dans un communiqué parvenu à la Rédaction de Sud Quotidien.
D’emblée font-ils remarquer, l’intitulé de l’étude indique qu’elle porte sur les «écoles secondaires au Sénégal», alors que les entretiens n’ont été menés que dans 14 collèges et 08 lycées implantés dans trois (3) régions sur les quatorze (14) que compte le Sénégal, en plus d’entretiens à Dakar et dans ses environs ; de plus, il convient de noter que l’étude est basée sur des entretiens avec un échantillon de 164 filles (cf. rapport) sur les 544 775 inscrites au Moyen et au Secondaire, soit un pourcentage de 0,029%.
Le Ministère de l’Education du Sénégal réfute formellement les conclusions auxquelles cette étude a abouti, tendant à faire croire que l’exploitation sexuelle, le harcèlement et les abus constituent une pratique généralisée et, plus grave, rarement sanctionnée.
Si le Ministère de l’Education nationale s’est dit «ouvert à toute initiative visant à améliorer les actions gouvernementales en matière de protection des filles en milieu scolaire». Toutefois, «il ne saurait accepter des allégations visant à diffuser des informations erronées et surtout à stigmatiser les enseignants», lit-on dans l’édit.
Dans les faits, toute exploitation sexuelle, tout harcèlement et tout abus à l’encontre d’une fille, dès lors qu’ils sont portés à la connaissance de la Justice, font l’objet d’une condamnation, voire d’une radiation immédiate du coupable, s’il est agent de l’Etat.
Le département de Sérigne Mbaye Thiam rappelle d’ailleurs la création «des bureaux genre dans toutes les 16 inspections d’Académie du Sénégal». Et d’ajouter, «l’une des principales missions de ces bureaux est de mener des actions de sensibilisation sur les différentes formes de violence envers les filles».
«In fine, l’étude de Human Rights Watch a pour finalité d’amener le Sénégal à introduire l’éducation à la sexualité dans ses curricula», soutient le Ministère de l’Education nationale qui a tenu à souligner «qu’il appartient au Sénégal de définir, souverainement, le contenu des enseignements dispensés à ses apprenants, conformément à ses orientations en matière d’Education et de Formation».