LE PR BABACAR SALL REVISITE LA PENSÉE DE CHEIKH ANTA DIOP, PARRAIN DE L’UCAD
le Pr Théophile Obenga, un des héritiers spirituels de Cheikh Anta Diop, a porté une oreille attentive à la communication du discret Pr Babacar Sall
L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et la Fondation Ucad célèbrent, depuis hier, le trentenaire de la disparition du Pr Cheikh Anta Diop. Les activités commémoratives qui courent jusqu’au 26 mars prochain ont été officiellement lancées à travers une conférence donnée par le Pr Babacar Sall portant sur le thème : « Connaître et développer la pensée de Cheikh Anta Diop ».
Le grand amphithéâtre de l’Ucad a certes déjà accueilli de nombreuses manifestations scientifiques et des cérémonies de tous genres, mais, rarement peut-être, il aura été aussi bondé qu’hier lors de la conférence qui lançait les activités commémoratives du trentenaire de la disparition du Pr Cheikh Anta Diop. Les deux mille places assises de la salle ont été toutes occupées.
Malgré la touffeur ambiante qui régnait dans la salle, l’assistance, composée d’élèves, d’étudiants, d’enseignants et de personnalités de renom comme le Pr Théophile Obenga, un des héritiers spirituels de Cheikh Anta Diop, a porté une oreille attentive à la communication du discret Pr Babacar Sall, Egyptologue émérite à qui est revenue la charge de retracer le cheminement de la pensée de l’illustre savant.
En pédagogue accompli, son discours s’est d’abord adressé aux élèves à qui, à travers des mots simples, il a expliqué que si le Pr Cheikh Anta Diop est si célèbre dans le monde, c’est parce qu’il a montré que l’essentiel de ce que l’Europe a écrit sur l’Afrique et les noirs est faux.
« L’Europe a écrit que les noirs n’ont créé aucune civilisation, qu’ils n’ont créé aucun outil, aucun instrument de transformation (…), que les noirs n’apparaissent dans l’histoire qu’à partir du 13ème siècle avant Jésus-Christ, que la civilisation de l’Egypte des Pharaons a été créée par des Européens venus d’Asie et d’Europe, que les noirs sont intellectuellement inférieurs aux autres races, que partout et en tous temps les noirs apparaissent comme des subordonnés, que c’est par la colonisation que les noirs ont commencé à se civiliser. Cheikh Anta Diop a battu en brèche toutes ces affirmations », a déclaré le Pr Sall.
L’Europe a voulu exclure l’Afrique du devenir de l’humanité
Il a ajouté que l’enfant de Caytu ne s’est pas contenté de l’écrire, « il a démontré sur des bases scientifiques que les noirs ont créé les plus anciennes civilisations historiquement attestées de l’humanité, à savoir Egypte, Koush et Axoum, que la civilisation grecque a emprunté l’essentiel des éléments de sa culture aux noirs et à l’Egypte ». Le Pr Sall a également fait savoir que le parrain de l’Ucad a montré que la régression du continent africain et la situation générale des noirs sont la conséquence des agressions subies par l’Afrique.
« On parle des millions de morts causés par la Traite négrière, mais combien d’éléments culturels, scientifiques, techniques ont disparu dans les villages brûlés d’Afrique ? Cela on ne le saura jamais. L’Europe a voulu exclure l’Afrique du devenir de l’humanité », a martelé le Pr Sall.Soulignant la pugnacité dont a fait preuve l’auteur de « Nations Nègres et Culture » pour rendre aux Africains leur dignité et leur histoire volée, le Pr Sall a rappelé que ce dernier s’est donné les moyens intellectuels de porter ce combat.
C’est ainsi que Cheikh Anta Diop a passé, la même année, un baccalauréat scientifique en juillet et un baccalauréat philosophique en octobre. A l’université, il s’est lancé dans des études de Philosophie, de Physique-chimie puis d’Histoire.
Bref, résume le Pr Sall, en embrassant toutes ces disciplines, « Cheikh Anta Diop est allé aux fondamentaux du discours scientifique et s’est armé de sciences jusqu’aux dents». Le tout a été couronné par son engagement politique afin de créer les conditions politiques de la renaissance africaine.
La deuxième partie du discours du Pr Babacar Sall a été axée sur l’œuvre de Cheikh Anta Diop. Une œuvre qui, selon lui, peut être scindée en deux parties : les écrits de jeunesse qui constituent la phase de questionnement et des hypothèses et les écrits majeurs où Cheikh Anta Diop consigne ses thèses. Sans compter les nombreux articles qu’il a publiés dans des revues scientifiques comme les Bulletins de l’Ifan.