LES ÉTUDIANTS PARTAGÉS ENTRE JOIE ET INQUIÉTUDE
On se croirait dans une véritable aérogare. Dans le campus social, beaucoup d’étudiants quittent les résidences (pavillons)
Hier, c’était la fermeture effective du campus social de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Les étudiants se sont pliés à la décision de l’autorité, mais n’ont pas manqué de décrier la situation. Certains se réjouissent à l’idée de rentrer à la maison pour retrouver leur famille, tandis que pour d’autres ce sont des vacances «anticipées, forcées», car n’ayant pas encore fini le second semestre.
On se croirait dans une véritable aérogare. Dans le campus social, beaucoup d’étudiants quittent les résidences (pavillons). Ils obtempèrent à l’instruction de l’Assemblée de l’Université Cheikh Anta Diop qui leur avait accordé un délai de 5 jours (depuis le 31 juillet) pour quitter leurs résidences.
A 13 heures déjà, le défilé bat son plein. La cadence est donnée par cet avis du Coud nettement lisible, suffisamment explicite et affiché au seuil de tous les pavillons du campus social : «A l’occasion de la fermeture du campus, le Service de l’hébergement demande aux résidents de ne laisser aucun bagage dans les chambres. Les logements 2019-2020 sont ainsi arrivés à terme et l’accès aux chambres à la réouverture sera soumis à de nouvelles codifications (2020-2021). Aucune réclamation ne sera prise en compte concernant les cas de vol ou de perte de bagages.»
Pour les étudiants, il n’y a plus de temps à perdre pour quitter le temple du savoir. Il y en a qui n’ont pas attendu le jour j pour obtempérer. Déjà depuis l’annonce, plusieurs étudiants ont quitté leur chambre. Matelas, sacs à dos, valises, écrans et autres bagages sont placés en dehors des pavillons. Les étudiants recourent à plusieurs moyens pour faire évacuer leurs affaires. Si certains transportent leurs bagages sur la tête, d’autres par contre font appel aux taxis.
Au niveau du pavillon G (celui des filles), parents, tuteurs ou des proches de la famille, ainsi que des amis viennent aider leurs parentes étudiantes. Sandra Kabou, étudiante à l’Inseps, la vingtaine, teint clair, presse le pas, sac et valise en mains, range ses bagages dans un taxi qui doit la conduire au port pour prendre le bateau et rentrer à Ziguinchor. «C’est vraiment désolant. La décision, pour nous, est un peu brusque. Du coup, on n’a pas eu le temps de se préparer. Mais on est obligé de rentrer, vu que c’est aujourd’hui qu’ils vont fermer le campus», déplore-t-elle.
Une autre étudiante, répondant au nom de Mame Gnima Mendy, nuance un peu la version de son amie. «On doit quitter tout de suite. C’est un peu triste parce que ce sont deux sentiments mélangés. D’une part on a la nostalgie de la famille parce que rester à l’Université ce n’est pas facile, mais d’autre part nos amies vont beaucoup nous manquer. C’est sûr, mais juste leur dire de tenir le coup, 2 mois ce n’est pas beaucoup», confie-t-elle sur un air triste. «On est content d’une part, mécontent aussi d’autre part, mais c’est la vie. Puisque la décision a été prise, on ne peut que se soumettre», déclare Mamadou Dieng, étudiant à la Faculté des sciences et techniques, en se dirigeant vers la grande porte du campus social, valise sur la tête, sac, matelas entre les mains.
Les étudiants dans l’angoisse
Le campus connaît depuis 4 jours déjà un flux d’étudiants en partance pour les vacances ou/et fuir la pandémie de Covid-19 avec des cas suspects recensés. Partout, on voit des étudiants trimbaler leurs affaires. «On a vraiment un sentiment de désolation. Des étudiants s’attendaient à ce que le campus ferme à la fin du mois d’août. A la grande surprise, on nous dit qu’il faut quitter aujourd’hui. Vraiment c’est un sentiment de désolation, de pression voire d’obligation qui est là. Et on est obligé de le faire parce que c’est ce qui est recommandé, ce qui nous est imposé. J’ai tellement de bagages. Je suis obligé de laisser ici certains parce que je viens de Ziguinchor. Donc, je ne peux pas tout emporter», renseigne Félicien Diatta qui attendait son frère. Pour d’autres locataires du campus, ils ne font que subir la rigueur de la décision, mais l’année n’est pas encore finie. «Comme tout étudiant normal on tend vers les vacances, mais l’idéal aurait été qu’elles ne soient pas ainsi. Faire un semestre et vouloir partir en vacances, c’est un peu compliqué. On part en vacances, mais pas avec une tête tranquille», affirme Lamarana Diallo, étudiant en Licence 2 à la Faculté des sciences et techniques. Un peu plus tard, vers 15 heures, le départ se fait toujours dans le calme, contrairement au niveau du pavillon U très réputé en matière d’ambiance. On entend quelques étudiants scander avec un brin d’amusement : «Il faut des dérogations.»
Un message vite perçu par Abdoulaye Faye, chef de la Section hygiène et qualité, qui était juste en bas de ce pavillon. «Les étudiants sont condamnés à partir avant 17 heures, parce qu’ils ont reçu la notification signée par le recteur qui est le président de l’Assemblée de l’Université avec tous les directeurs concernés pour ce 5 août (hier). Il n’y a pas de dérogation. Les restaurants universitaires ont tous fermé aujourd’hui à 14 heures, à l’exception de l’Université Ahmadou Moctar Mbow (Uam) qui est sur la Vdn parce qu’ils doivent faire leurs examens le 14 août. Même les boutiquiers et les multiservices vont fermer à 17 heures. Concernant les autres restaurants, aussi bien le campus social et la périphérie, à savoir la Fastef, l’Esea, Cité Claudel et Esp, ils ont tous fermé depuis 14 heures. Il n’y aura pas de dîner aujourd’hui», a fait savoir M. Faye.
Si les étudiants des instituts privés qui ont des parents à Dakar ont des maisons où loger avant la réouverture du campus social le 4 octobre, ceux qui proviennent des régions affichent leur inquiétude. Certains ne savent pas où aller. «Normalement je suis censé rentrer chez moi, mais je ne peux pas pour le moment, vu que je n’ai pas encore fini mes cours. Donc, je cherche un logement provisoire. Mais ce soir, je suis obligé de partir comme tout le monde», se désole Oulimata Diarra, étudiante à l’Institut supérieur de finance (Isf), mais aussi au Département d’histoire.