QUAND LE SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT CRÉE PLUS DE CHÔMEURS
Tous les jeunes aspirent à trouver un emploi décent et adéquat. Les étudiants se trouvent, eux aussi, dans cette même situation. Seulement, toutes les conditions ne sont pas réunies
Tous les jeunes aspirent à trouver un emploi décent et adéquat. Les étudiants se trouvent, eux aussi, dans cette même situation. Seulement, toutes les conditions ne sont pas réunies. Il faut être professionnel ou avoir un métier pour répondre à la demande des entreprises. Au moment où l’etat parle de création d’emplois ou d’insertion professionnelle, l’équation de formations qualifiantes et pratiques se pose davantage.
A la limite entre le campus social et l’espace pédagogique de l’Université Cheikh Anta Diop, des étudiants sont en mouvement dans tous les sens. Seul ou en groupe, les uns regagnent les amphis et les salles de classe pendant que d’autres cherchent de quoi se mettre sous la dent. La réussite est au bout de l’effort, une phrase qui motive plus d’un dans ce temple du savoir. Trouver un emploi ou une activité génératrice de revenus est l’objectif de tous. Seulement, « Il sera difficile pour un étudiant qui n’a pas de formation professionnelle de trouver un emploi », un avis émis par Aïssatou Faty Thiam. Visage d’ange, cette étudiante en deuxième année en Gestion des ressources humaines à L’Esp estime que la plupart des entreprises ont besoin de personnes qualifiées et compétentes. Des qualités recherchées par les organisations mais les formations offertes dans les universités sont plus centrées sur la théorie que sur la pratique. Une situation qui place l’étudiant dans une mauvaise posture dans le milieu professionnel.
Assis à l’entrée de l’amphi Mbaye Guèye de la Faculté des Lettres de l’Ucad, Dame Sarr, la vingtaine, parle avec regret d’un « programme universitaire qui n’offre pas d’opportunités ». Ce passionné de lettres aurait aimé faire parallèlement de l’informatique. Pour lui, la principale issue de sortie reste le concours. Une opinion partagée par Pape Samba Diop, étudiant en Master I en droit à l’université Amadou Hampâté Bâ. Lui qui fréquente également la FSPJ de l’Ucad pense qu'intégrer les grandes écoles serait une solution pour l’insertion et la pratique des étudiants. Dans ce registre, il y a un « mais » qui s’impose. Il s’agit du faible nombre d’admis : « Les concours aussi sont un problème. 20 000 candidats peuvent se présenter à un concours et finalement, il n’y a que 100 qui sont retenus. L’Etat doit mettre des conditions pour que les étudiants puissent entreprendre.»
«IL FAUT PRIVILEGIER LES ISEP…»
Le sieur Diop reconnaît toutefois que l’Etat a fait des efforts pour accompagner les jeunes avec les Isep (Institut Supérieur d'Enseignement Professionnel). A quelques pas du jardin public de la Fac de droit où est assis Pape Samba, Pape Abdoulaye Touré organise les troupes de sa liste pour les élections de l’amicale du même établissement. Rire et échanges de mots, c’est l’enthousiasme avant la « campagne électorale », avec leur candidat qui est bien sur son 31. Bien adulé par ses camarades, le sieur Touré reste une « célébrité », du fait qu’il est activiste et défenseur des droits estudiantins. Il remet cette situation sur le dos des gouvernants, glissant sur une remise en question de l’appareil étatique : « L’Etat n’offre pas d’emploi à un jeune qui n’a pas de diplôme et il n’a pas créé les conditions ».
Pape Abdoulaye Touré pense que la seule solution, c’est de révolutionner tout le système, du préscolaire au supérieur. « Nous qui réussirons à l’université, nous aurons tous les problèmes du monde pour trouver un travail, surtout adéquat. Avant de parler de l’emploi des jeunes, il fallait changer le programme ou le système de l’enseignement supérieur et scolaire. A partir de la classe de troisième, il faut spécialiser les élèves. De ce fait, à partir de la Seconde, ceux qui veulent suivre un enseignement technique pourront le faire et pour le reste, ils peuvent être initiés au droit ou les autres matières professionnelles, accompagnées de stages ou de pratiques », avance-t-il. L’étudiant en droit note que le monde est dans une trajectoire scientifique et technologique. Quand les scientifiques désespèrent le plus C’est ce qui lui fait dire qu’il faut mettre en place une stratégie pour encourager étudiants et élèves à s’orienter vers les matières scientifiques. Une étudiante trouvée à la faculté des sciences dit tout le contraire, sous le sceau de l’anonymat. « Les choses commencent à changer au Sénégal. Avant, on pensait que lorsqu’on est orienté dans certains départements ou facultés, on ne va pas chômer. Ce qui n’est plus le cas. Même ceux qui font médecine et les sciences n’échappent pas à la nouvelle règle », dit-elle. Etant en année de licence en Physique et chimie, cette jeune demoiselle n’est pas certaine de trouver quelque chose. Elle vit le stress de jour en jour à force de penser à ses prédécesseurs à l’université qui ont tous les diplômés et sont sans emploi. Stress et pression sociale au quotidien « Quand on est à l’université, on est tout le temps stressé par le fait de trouver un job.
A la limite, on se pose même la question de savoir si cela vaut la peine de continuer. Rien n’est certain. On apprend juste pour ne pas rester sans rien faire mais le travail n’est jamais garanti. Certains sont plus diplômés que nous, ils sont là a ne rien faire. C’est décourageant. Et c’est l’éducation qui va en faillir», dit-elle. Elle fait savoir que les débouchés sont nombreux. « Avec notre formation, on peut devenir chimiste et travailler dans les laboratoires. En physique aussi, il y a plusieurs branches : électronique, électromécanique, génie électrique, électricité. Je suis en année de Licence et je ne sais même pas comment faire pour trouver un stage. Généralement, ce sont les étudiants de Master 2 qui ont cette possibilité. Depuis trois ans, nous ne faisons que des cours théoriques. On se demande même si on venait à être dans un laboratoire, est-ce qu’on serait en mesure d’appliquer les enseignements reçus. C’est un peu grave», se désole-telle.