CES SOUFFRANCES DE LA FILLE
Excision, mariages et grossesses précoces
Le 11 octobre est consacré Journée internationale de la fille. Il ne suffira certainement pas pour trouver une solution aux problèmes des filles du département de Vélingara (Sud du Sénégal). L’excision, les mariages et grossesses précoces constituent les plaies ouvertes qui freinent le développement holistique de la jeune fille du Fouladou.
Les mots de André Sambou, coordonnateur du Centre conseil pour adolescent (Cca) de Vélingara, dévoilent les maux de cette ville : «A Vélingara, il n’y a pas de jeune fille, même si la situation est en train d’évoluer petit à petit, dans le bons sens. Ici, la fille passe de la période de l’enfance pour se retrouver mère. Quand on donne une fille en mariage à l’âge de 13 ans, 14 ou 15 ans, elle ne connaît pas l’adolescence. C’est malheureusement le sort de la plupart des filles de cette localité, surtout dans la zone rurale.»
Il ajoute : «Dès que le mariage est consommé, la jeune mariée fait des travaux de femmes et agit comme une femme. Le danger, c’est qu’à cet âge-là, une grossesse est toujours à risques. Sans compter l’abandon scolaire qui est garanti.»
De même est garantie la grossesse précoce. Mais le plus malheureux dans cette localité, ce sont les grossesses indésirables précoces, dont les auteurs ne sont pas identifiés le plus souvent, ou refusent d’en reconnaître la paternité. Le Centre conseil ado reçoit des cas de filles enceintes à très bas âge.
André Sambou explique : «Au cours de cette année 2015, nous avons reçu 2 filles en état de grossesse, l’une est âgée de 13 ans et l’autre de 12 ans. Ce qui est fantastique pour leur cas, elles ont toutes accouché sans difficultés manifestes. Mais elles sont à surveiller, car une 2ème grossesse rapprochée peut être fatale.»
Des dizaines d’autres filles de la même tranche d’âge sont victimes de grossesses dans le secret familial. Si pour les mariages précoces le patron du Cca impute la responsabilité entièrement aux parents, la responsabilité des grossesses précoces, en grande partie, incombe à la fille.
Il explique : «Les parents ne savent même pas ce qu’ils doivent dire aux filles en matière de sexualité. La sexualité n’est pas une décision, c’est un besoin de corps et les esprits sont préparés à l’acte sexuel par les films pornographiques, la télévision et le téléphone. C’est difficile pour les parents de gérer cette situation.»
L’autre grand problème auquel est confrontée la fille de Vélingara, c’est l’excision. Dans les régions sud du pays, 47% des filles sont passées au couteau de l’excision, contre une moyenne nationale de 17,5%, selon des chiffres fournis par le responsable régional d’Enda-Santé de Kolda, Mme Marie Tall Diop.
Toutes les ethnies qui habitent majoritairement à Vélingara pratiquent l’excision. Et les déclarations d’abandon de cette pratique millénaire ont contribué à la «porter dans a clandestinité. Ceux qui ont participé à la déclaration continuent à croire aux vertus de l’excision et n’ont finalement comme choix que de se cacher», reconnaît André Sambou.
Il poursuit : «Les filles sont excisées au berceau ou exportées vers la Gambie, la Guinée Bissau ou la Guinée Conakry.» André Sambou a listé par ordre décroissant l’importance de ces plaies ouvertes du Fouladou en matière de développement holistique de la fille. Il a dit : «Le premier grand problème de la fille de Vélingara est les mariages précoces, le second est l’excision, et puis vient les grossesses précoce.» Pour trouver un remède à ces problèmes, plusieurs solutions sont proposées par différentes structures étatiques et non étatiques.
La solution par le Centre Ado
Pour le centre de conseil pour adolescent, la solution à tous ces maux viendra par les causeries, les sensibilisations et les plaidoyers. André Sambou renseigne : «Nous avons formé plusieurs pairs éducateurs sur différents aspects de la vie sexuelle. Ils ont pour mission de discuter avec leurs pairs (filles et garçons de même âge) autour du thé, au stade et dans le quartier, sur leurs préoccupations de l’heure, les aider à trouver des réponses scientifiques à leurs questionnements et tentations en matière de sexualité et de santé reproductive.»
Des citoyens de différents âges sont conviés à des séances de causeries, de plaidoyers et d’ateliers de renforcement de capacités. Pour ce qui concerne l’excision, il faut «préparer la jeune fille d’aujourd’hui à refuser d’exciser sa future fille, en toute connaissance de cause. Pour les personnes âgées, la pratique est ancrée dans les habitudes et n’est pas considérée comme un problème de santé publique, bien au contraire. La législation n’y pourra rien.»
Grand mother project
La méthodologie adoptée par Grand mother project (Gmp) pour lutter contre ces fléaux qui empoisonnent la vie de la fille du Fouladou, dans le cadre du projet «développement holistique des filles», inclut une approche holistique aux besoins globaux des filles, la valorisation des traditions et rôles culturels positifs, l’implication active des aînés et spécifiquement des grands-mères et le renforcement de la communication entre les générations.
Selon Mamadou Coulibaly, chargé de programme à Gmp, «l’essence de cette stratégie est le processus de dialogue communautaire entre les différents acteurs basé sur les rôles et valeurs culturels. Il s’agit de catalyser la discussion sur les thèmes en rapport avec le bienêtre des filles et des enfants de façon générale avec la participation des hommes et femmes, plus âgés et moins âgés, pour aboutir à un consensus communautaire en rapport à des décisions à prendre pour assurer un meilleur développement de la jeune fille».
Falilou Cissé, chargé des activités de terrain à Gmp, ajoute : «Et comme les grossesses, mariages précoces et l’excision sont des pièges à éviter par la fille pour son développement normal, Gmp suscite le débat sur ces questions, en identifiant les causes dans des rencontres communautaires et puis des actions concrètes sont proposées pour une solution. Dans ce processus, les grands-mères en particulier, et les personnes âgées en général, occupent une place centrale à cause de leurs savoirs et leur influence sur la famille et la communauté. Aucune solution n’est imposée aux communautés.»