Fifa: Mondial-2022 au Qatar, poison toujours violent
Lorsque le 2 décembre 2010, les membres du comité exécutif de la Fifa, soit le gouvernement du football mondial, désignent le Qatar pour organiser la Coupe du monde 2022, ils ne se doutent pas qu'ils allument un incendie, toujours pas éteint cinq ans après entre polémiques et enquêtes judiciaires.
Ce n'est qu'au 4e tour de scrutin que le Qatar l'emporte ce jour-là par 14 voix contre 8 aux Etats-Unis. Tour à tour, l'Australie, le Japon puis la Corée du Sud sont éliminés jusqu'à ce que ce riche émirat gazier, sans tradition footballistique, soit désigné.
Le même jour, la Russie est choisie pour organiser le Mondial-2018. Sepp Blatter, président de la Fifa, est satisfait: la Coupe du monde "explorera de nouvelles terres". Ce n'est pas l'avis du président américain, Barack Obama, qui réagit immédiatement vis-à-vis du Qatar: "c'est une mauvaise décision".
Polémiques, critiques et soupçons de corruption s'abattent très vite sur la désignation du Qatar, petit Etat du Golfe où les températures caniculaires en été rendent la pratique du football difficile voire impossible.
La Fifa, en interne, tente de colmater les voies d'eau en confiant aux 209 fédérations réunies en Congrès la désignation des futurs pays hôtes, au dépens du comité exécutif et sa vingtaine de membres, ce qui constitue un retour au système en place jusqu'en 1996.
- Garcia claque la porte -
Le ménage au sein de l'instance suprême du football connaît un gros couac quand l'ancien procureur américain Michael Garcia, chargé d'enquêter sur le sujet, finit par démissionner devant le peu d'empressement de la Fifa à publier ses conclusions.
En externe, la Fifa porte plainte le 18 novembre 2014 et le 10 mars 2015, le parquet suisse ouvre une procédure pénale contre X pour soupçon "de blanchiment d'argent et gestion déloyale" entourant les attributions des Coupes du monde de football de 2018 et 2022, avant de saisir des documents électroniques au siège de l'instance le 27 mai.
En octobre, Sepp Blatter ajoute encore à la polémique en assurant qu'il y avait "un arrangement diplomatique" pour que les Mondiaux 2018 et 2022 aient lieu initialement en Russie pour le premier et aux Etats-Unis pour le second.
Si le plan pour 2022 a échoué, c'est, selon Blatter, uniquement à cause de "l'interférence gouvernementale de M. Sarkozy", alors président de la République française qui entraîne, toujours selon le Suisse, une volte-face de Michel Platini, président de l'UEFA.
"Voilà encore un autre qui me prête beaucoup de pouvoir, a ironisé M. Sarkozy. C'était sans doute une allusion qui fait écho à sa très grande amitié pour Michel Platini".
- Conditions de travail critiquées -
Le Qatar pose aussi des problèmes pratiques dans un pays où les températures en été peuvent atteindre jusqu'à 50°. Il est alors décidé par la Fifa, et c'est une révolution, de faire disputer le tournoi mondial en hiver, au lieu des traditionnelles dates estivales de juin et juillet.
Mais pour que ce Mondial puisse se disputer du 21 novembre au dimanche 18 décembre 2022, jour de la finale et de la fête nationale dans l'Émirat, il faut entièrement réaménager le calendrier international.
En mars 2015, la Fifa cède aux demandes, notamment de l'Association des clubs européens (ECA): 209 M USD (195 M EUR) seront versés en compensation aux clubs pour le Mondial-2018 en Russie comme pour celui de 2022, contre 70 M USD versés à 400 clubs lors du Mondial-2014 au Brésil. "Il s'agit de reconnaître que les joueurs viennent des clubs et que ce sont les clubs qui les paient", souligne alors Jérôme Valcke, secrétaire général de la Fifa.
Autre source d'inquiétude: les conditions de vie et de travail des ouvriers, essentiellement étrangers, sur les chantiers.
En dépit des pressions, le Qatar n'a "presque rien" fait pour mettre un terme aux abus liés aux conditions de travail de milliers de migrants cinq ans après s'être vu confier l'organisation de la Coupe du monde en 2022, s'est encore alarmé mardi Amnesty International.
L'absence de véritables réformes "déshonore" le Qatar et la Fifa, a ajouté Amnesty dans une déclaration publiée pour coïncider avec le cinquième anniversaire de cette attribution du Mondial.