Mourinho à Manchester United: le choc des géants
"Les clubs géants sont pour les meilleurs entraîneurs", a-t-il lancé avec son sens de la provoc' habituel: le Portugais José Mourinho a été officiellement nommé vendredi entraîneur de Manchester United, un mariage d'amour autant que de raison tant chacun a besoin de l'autre pour se reconstruire.
Le charismatique technicien âgé de 53 ans, sans club depuis son éviction de Chelsea en décembre, a signé pour trois saisons avec une quatrième en option. Avant même cette officialisation, son arrivée était tenue pour acquise par toute l'Angleterre depuis le limogeage du Néerlandais Louis van Gaal lundi.
"Je me sens bien. Je pense que c'est le bon moment dans ma carrière. Manchester United est l'un de ces clubs pour lesquels il faut vraiment être prêt", a assuré Mourinho sur la chaîne de télévision du club MUTV.
"On peut regarder notre club de deux façons. L'une, ce sont les trois dernières années et l'autre, c'est son histoire. Je préfère oublier les trois dernières années. Je préfère me concentrer sur ce club géant que j'ai maintenant entre les mains", a-t-il poursuivi.
Une allusion au fait que ni van Gaal, limogé après deux saisons dans la foulée d'une victoire en Coupe d'Angleterre, ni David Moyes avant lui, n'ont réussi à faire oublier les 26 ans de règne de l'iconique entraîneur Sir Alex Ferguson.
Mourinho aurait d'ailleurs déjà pu arriver à Old Trafford en 2013 lors du départ en retraite de Ferguson, qui voyait en lui son successeur rêvé. Mais le "Special One" avait préféré opter pour un retour à Chelsea qui, comme en 2007, s'est brutalement terminé par un licenciement en décembre dernier. Six mois après avoir décroché une troisième Premier League et un huitième sacre national dans quatre pays différents.
- 'Etat de siège' -
"José est tout simplement le meilleur entraîneur aujourd'hui, a assuré le vice-président exécutif mancunien Ed Woodward. Son palmarès personnel est idéal pour faire avancer le club."
C'est un défi immense qui attend Mourinho, dont le salaire est estimé à 13 millions d'euros annuels. Au Real Madrid (2010-2013) puis à Chelsea, sa réputation en a pris un coup et il est désormais attendu au tournant.
Après sa déconvenue à Chelsea et six mois de chômage, "ce gagneur est un animal blessé", a commenté l'ancien défenseur des Red Devils, Rio Ferdinand, selon lequel "l'énorme personnalité" de Mourinho est "faite pour ce fantastique club".
Le Portugais, lui, a multiplié les déclarations d'amour à "ManU", club "entouré d'une mystique et d'un amour avec lesquels aucun autre ne peut rivaliser".
"C'est curieux, j'ai joué tellement de fois contre Manchester United et pourtant il y a toujours eu de la bienveillance", a-t-il juré, assurant avoir "hâte d'être sur le terrain le 7 juillet".
Au-delà des résultats, Mourinho devra éviter de se mettre l'effectif à dos avec son management intransigeant et son goût pour la polémique gratuite.
A Chelsea, sa politique de la terre brûlée, source de tensions internes et externes, avait ainsi créé une "discorde palpable", selon le directeur sportif Michael Emenalo. Et au Real Madrid aussi il s'était mis à dos son vestiaire, Cristiano Ronaldo en tête.
- Pas de Ligue des champions -
"Mourinho adore créer un sentiment d'état de siège, ce que Ferguson a toujours fait, compare l'ex-Red Devil Phil Neville. S'il fait ça, les supporteurs lui ouvriront leur cœur. C'est un champion et les gens veulent une équipe luttant pour le titre. Il est probablement fait pour ce boulot."
"Mais je ne le vois pas rester trop longtemps, peut-être deux ans maximum, car ça semble être sa durée de vie partout. C'est une constante : quand il arrive quelque part il gagne, mais à la fin il y a des embrouilles et l'équipe finit par plonger", poursuit-il.
A cause de la cinquième place des Red Devils en championnat, dernier épisode en date des trois années d'errements post-Ferguson, Mourinho ne pourra pas compter sur les vertus régénérantes de la Ligue des champions, qu'il a gagnée deux fois (2004, 2010) et disputée tous les ans depuis 2003.
La saison prochaine sera donc une saison de transition. Dans sa quête pour retrouver les sommets, l'ex-traducteur de van Gaal au Barça pourra s'appuyer sur les jeunes joueurs lancés par "LVG", comme Anthony Martial ou Marcus Rashford.
L'effectif, qui nécessite un profond lifting, sera peut-être rapidement renforcé par l'ex-Parisien Zlatan Ibrahimovic. Même à 34 ans, le charisme du Suédois, qui a fréquenté Mourinho à l'Inter Milan, peut faire souffler un vent nouveau sur le club.
Cerise sur le gâteau, "Mou" va retrouver ses meilleurs ennemis, Pep Guardiola, nouvel entraîneur de l'autre club de Manchester, City, et l'inamovible Arsène Wenger, sur le banc d'Arsenal. Il ne faut pas qu'il compte sur eux pour lui dérouler le tapis rouge.