QUAND UN POETE DU BALLON ROND QUITTE LA SCENE
CHRISTOPHE SAGNA
«Tel que Delphe l’a vu, il volait à la clameur de la foule ». Ainsi s’exprimait José Maria De Heredia, dans son fameux poème « l’Athlète ». Christophe Sagna était une muse éclatante qui façonnait le ciel en berne de toutes les surfaces de réparation. Le peuple sénégalais, les sportifs africains avaient découvert très tôt dans les années 70 – 80, un attaquant, doublé d’homme du milieu, réunissant à la fois les qualités d’un organisateur, mais aussi d’un finisseur mythique.
J’avais toujours regretté d’avoir joué avant lui sous les couleurs de la Jeanne d’Arc de Dakar, précisément n 1969 avec cette attaque flamboyante composée de : Alpha Touré, Mamadou Diop Boy Dakar, François Gomis dit Fara Ndjago, Alioune Ndiaye cheval fou. La Jeanne d’Arc de Dakar et le Sénégal ont connu de petites pépites dorées telles que Mamadou Diop, Grand Mbodji, Bamba Diarra, Doudou Diongue, Mbaye Fall, mais très certainement Christophe était le plus doué et le plus complet, car doté d’un démarrage foudroyant complété par une vitesse impressionnante et un sens de drible virevoltant.
Dans son style, il rappelait le brésilien des années 1970 Tostao de Belo Horizonte la bombe carioca. Christophe dans l’imaginaire était un alliage d’or et d’argent, mais surtout un diamant noir défiant le panache des surfaces de vérité. Le Sénégal retenait de Christophe Sagna deux faits gravés dans les limbes de l’histoire du Football sénégalais :
- Au Zaïre avec la fameuse série de tirs au but : Christophe tire et marque ;
- le 2ème fait teinté d’un parapluie du patriotisme au Caire 1986, quand l’Enfant de la Jeanne d’Arc, presque en fin de carrière défia les dirigeants de Quimper pour être présent avec l’équipe nationale de football.
Ces deux faits immortalisés dans la conscience du football sénégalais démontrent les qualités techniques et patriotiques d’un être majeur, conscient de sa mission salvatrice à cadences bibliques. A l’occasion de la levée du corps ce samedi à l’hôpital principal de Dakar, « L’homme synthèse » a su regrouper autour de sa dépouille la diversité sportive de tout le Sénégal des élans féconds : Bécaye Mbaye le journaliste sportif, mais aussi supporter incontesté de la Jeanne d’Arc de Dakar a dans son oraison funèbre tracé les autres qualités morales du disparu. Que dire de cet homme orchestre maniant le ballon tel un pinceau façonnant les méandres d’un tableau lyrique ? Christophe étant un don de Dieu, dont les jambes prédestinées offraient : vie, courtoisie et bonheur de tous les puristes sénégalais.
Les derniers mots du Président de la Fédération du Football, Maître Senghor, devaient comme un Sorong résonner dans les tempes de tous ceux qui ont contribué à la chute de la Jeanne d’Arc et dont l’histoire retiendra les puériles utopies. Le message outre - tombe de Christophe Sagna devrait servir de torche d’espoir pour illuminer les nouveaux cieux escarpés d’une équipe jadis portée au sommet de la gloire et aujourd’hui engloutie dans les eaux troubles de la sous représentation. L’Etat sénégalais, représenté par le Directeur de Cabinet du Ministre des Sports saura très certainement garder dans ses plaquettes d’or les prouesses d’un génie du ballon rond qui aura tout donné à son pays.
Salut l’artiste et que la terre du Sénégal que tu as toujours aimée t’accueille dans ses temples de vérité et de sublimation.
Alioune Badara BEYE est écrivain et ancien avant-centre de la J.A (1969)