Répulique tchèque: renaissance du club allemand de Prague, 77 ans après
Fondé à la fin du XIXe siècle par la minorité germanophone de Prague, dont un grand nombre de Juifs, puis disparu avec l'occupation nazie en 1939, l'ancien grand club de football DFC Prag connaît une deuxième naissance.
"Nous ressuscitons une tradition, dans les conditions actuelles. Le club sera bâti sur la même base, celle de l'amitié tchéco-germano-juive", dit le journaliste allemand installé à Prague Lothar Martin, l'un des initiateurs du projet qui a démarré en juillet par la session constituante de la présidence.
"Le club sera naturellement lié à la communauté allemande de Prague, mais dans le même temps il sera ouvert à tout le monde", précise l'historien allemand Thomas Oellermann, également à l'origine du projet.
Le DFC (Deutscher Fussball Club) a été créé en 1896, soit à l'époque où les pays tchèques faisaient partie de l'empire d'Autriche-Hongrie et où Prague était une ville largement multiculturelle, avec une forte minorité juive germanophone.
L'équipe aux couleurs bleu-blanc faisait alors partie de la crème en Europe continentale car l'Angleterre, berceau du football, cultivait encore sa "splendid isolation".
Vainqueur du championnat de Bohême en 1896 et 1917, le DFC a terminé deuxième de la première édition du Championnat d'Allemagne en 1903, après s'être incliné en finale contre le VfB Leipzig (2-7).
- Rivalité sans merci -
"Une rivalité sans merci opposait alors le DFC Prag au meilleur club tchèque de l'époque, le Slavia Prague", raconte un journaliste sportif tchèque, Stanislav Hrabe.
"Les stades des deux clubs, dans le quartier de Letna, étaient très proches l'un de l'autre, les tribunes s'interpénétraient même", ajoute-t-il.
Après la désintégration de l'Autriche-Hongrie et la création de la Tchécoslovaquie en 1918, le club disputait soit le championnat de la Tchécoslovaquie (4e place en 1925) soit le championnat d'Allemagne.
Plusieurs internationaux tchécoslovaques évoluaient dans ses rangs, comme Paul Mahrer, déporté plus tard par les nazis dans le ghetto de Terezin, et Karl Kannhauser.
Le DFC Prag, dont 85% de membres étaient juifs, s'est dissous après l'invasion de la Wehrmacht et l'entrée en vigueur des lois de Nuremberg dans le pays occupé, devenu "Protectorat de Bohême-Moravie".
Le club n'a pas été reconstitué après 1945, en raison de la nouvelle situation politique marquée par l'expulsion des membres de la minorité allemande suivie par la prise de pouvoir par les communistes. Le stade "Belvedere" du DFC a été rasé.
Selon M. Hrabe, la tradition du DFC Prag représente une "grande valeur historique" et sa renaissance va "réparer de vieux torts".
- Potentiel financier -
"Si nous n'étions pas persuadés du succès, nous n'aurions pas lancé cette initiative", assure M. Martin.
Aujourd'hui, "ce n'est pas un secret que la communauté allemande en République tchèque, forte d'environ 30.000 membres, dispose d'un solide potentiel financier. Il y a beaucoup de managers, hommes d'affaires et dirigeants de sociétés", ajoute M. Oellermann, selon qui le club renouvelé va "contribuer au multiculturalisme de Prague".
"Un représentant de la communauté juive de Prague va siéger au conseil de surveillance", précise-t-il.
Le DFC Prag va d'abord mettre sur pied une ou plusieurs équipes de jeunes, sur la base des cercles sportifs qui existent auprès des deux écoles primaires et d'un lycée allemands de la capitale tchèque.
Ces équipes disputeront dans un premier temps des matches amicaux et des tournois, soit en Allemagne, soit dans un stade prêté par un petit club pragois, Meteor.
Plus tard, elles rejoindront les compétitions régulières. "Notre ambition est de créer d'ici 2018 des structures au sein desquelles aura sa place aussi une équipe d'adultes. Les entraîneurs devront parler les deux langues", souligne M. Martin, qui met en garde contre une possible confusion de noms.
"Le club va utiliser la version allemande du nom de la capitale tchèque, le DFC Prag, car un club dénommé +DFC Praha+ (Prague en tchèque) existe aussi et c'est un club de football féminin", sourit-il.