SFR s'empare de la Ligue des champions pour 2018-2021
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Nouvelle révolution dans la bataille pour la diffusion du foot en France: SFR s'empare des droits pour la Ligue des champions de 2018 à 2021, mettant en difficulté Canal+ et BeIN Sports, contrôlé par le Qatar.
Altice, groupe propriété de l'homme d'affaires Patrick Drahi qui contrôle l'opérateur de télécoms SFR, fait coup double en acquérant auprès de l'UEFA les droits exclusifs pour la diffusion de la Ligue des Champions et de l'Europa League en France, de 2018 à 2021.
"Altice et SFR accueilleront la Ligue des champions de l'UEFA et la Ligue Europa en couvrant les deux compétitions dans leur intégralité et en diffusant 343 matches", depuis les matches préliminaires jusqu'aux finales, détaille le groupe dans un communiqué publié jeudi.
Avec cette opération, "Altice change de division", et sa chaîne SFR Sports 1 devient "numéro un sur le foot", a souligné Michel Combes, le directeur général d'Altice, au cours d'une conférence téléphonique.
240 matches seront diffusés en intégralité sur les quatre chaînes du groupe et la totalité sera disponible sur la plateforme numérique pour laquelle SFR va se montrer très offensif.
L'opérateur n'a pas dévoilé combien il va payer, mais l'Equipe, qui a révélé l'information, assure que SFR a cassé sa tirelire, déboursant 370 millions d'euros par saison pour les droits de ces deux épreuves.
- La réalité du marché -
Une source proche du dossier a confirmé que l'opérateur avait offert près d'1,2 milliard d'euros au total, soit plus du double du coût actuel de ces compétitions clefs.
"Ce sont des montants élevés mais qui correspondent à la réalité du marché" et "sont réalistes pour un opérateur télécom" comme Altice qui table sur un "retour sur investissement très positif", selon Michel Combes.
Altice s'octroie non seulement la diffusion exclusive de ces compétitions pour la TV gratuite et payante en France mais aussi sur internet et sur mobile et en radio, ainsi que les droits non exclusifs pour le Luxembourg, la Suisse et Monaco.
Le groupe de Patrick Drahi inflige ainsi un nouveau revers à Canal+ (groupe Vivendi) et aux qataris de BeIN Sports qui diffusaient jusque-là la prestigieuse C1, la Ligue des Champions.
La Ligue Europa est pour le moment diffusée par BeIN Sports et M6/W9.
La direction de BeIN Sports a réagi en disant "regretter vivement cette décision" et s'est déclarée "surprise des conditions dans lesquelles ces droits ont été concédés", dans un communiqué, tandis que Canal+ n'a pas souhaité faire de commentaire.
- Canal+ n'aura plus que la Ligue 1 -
"C'est un coup dur pour Vivendi, surtout après la perte de la Premier League" (le très prestigieux championnat de football anglais), mais aussi pour BeIN Sports et Orange, qui se battent pour décrocher les droits de ces compétitions sportives, souligne pour l'AFP Jean-Baptiste Sergeant, analyste pour Mainfirst.
"Le sport est la principale motivation des abonnements à Canal+, or il ne leur restera plus que la Ligue 1. Et l'agressivité de SFR laisse présager le pire pour le renouvellement des droits de la Ligue 1" après 2020, prévient-il.
"La Ligue 1 va redevenir un enjeu crucial", renchérit Philippe Bailly du cabinet NPA Conseil. "On n'imagine pas Canal sans foot, et pour rassurer ses abonnés, Canal+ n'a pas intérêt à trop attendre pour discuter des droits de la L1", qui devraient être remis en vente fin 2018/début 2019.
Orange pourrait venir à la rescousse de Canal+ pour qu'il conserve son portefeuille de droits sportifs alors que les deux groupes négocient une coopération.
En novembre 2015, SFR avait déjà soufflé pour 300 millions d'euros à Canal+ les droits de diffusion en France des saisons 2016-2019 de la Premier League, le championnat plus suivi du monde.
Mais le modèle économique et la viabilité de BeIN Sport, qui perd quelque 300 millions d'euros par an, est aussi gravement menacé.
SFR a fait montre ces derniers mois d'une boulimie de droits sportifs: outre le championnat anglais de football, l'athlétisme français ou les matchs de l'équipe d'Angleterre de rugby, il s'est aussi récemment emparé de droits dans la boxe.
Chez Vivendi, alors que Vincent Bolloré cherche à réinvestir dans le sport pour juguler la fuite des abonnés en France de la filiale Canal+, l'attractivité du pack Essentiel sport que Canal propose à 50 euros associé à BeIN Sport risque d'être mise à mal.
Et le redressement financier de la filiale, promis pour le deuxième semestre 2017, pourrait se compliquer.
Tout cela illustre la compétition acharnée que se livrent les grands groupes de médias et télécoms français.
Pour Patrick Drahi, "le modèle à suivre est clairement l'opérateur anglais BT", qui avait réussi à muscler sa base d'abonnés en déboursant quelque 700 millions de livres en 2013 pour les droits du football anglais, rappelle Jean-Baptiste Sergeant.
Mais pour Altice, dont la dette globale dépasse les 50 milliards d'euros, cette acquisition au prix fort ne fera sens que si elle se traduit par un bond des abonnés de SFR.
Ce n'est pas la première fois que des challengers s'emparent de droits sportifs mais beaucoup, comme TPS, Orange et BeIN Sports, s'y sont cassé les dents.