Côte d'Ivoire: accord accepté, retour des soldats mutins en caserne
Les soldats mutins qui ont semé le trouble en Côte d'Ivoire pendant quatre jours pour le paiement de primes ont cessé leur mouvement mardi après la conclusion d'un accord avec le gouvernement permettant un retour à la normale dans les principales villes, Abidjan et Bouaké.
"On a trouvé un terrain d'entente. On va retourner en caserne. C'est terminé", a déclaré à l'AFP le sergent Cissé Fousseni, un des porte-parole des soldats révoltés à Bouaké (centre), coeur du mouvement.
Le ministre de la Défense Alain-Richard Donwahi a confirmé que la situation était en voie de normalisation après ce nouveau soubresaut qui fait suite à de premières mutineries lancées en début d'année pour des revendications salariales.
"La situation est en train de se normaliser dans toutes les régions militaires. Le calme est revenu", a déclaré le ministre à l'issue d'un conseil du gouvernement. "Aujourd'hui les banques ont rouvert, les fonctionnaires peuvent aller au travail, les entreprises privées peuvent fonctionner", a-t-il ajouté.
Le contenu de l'accord n'a été révélé mais, dans l'entourage des mutins, on indiquait qu'ils avaient obtenu pleine satisfaction.
Un premier accord avait permis la fin des mutineries de janvier mais le mouvement avait repris vendredi dernier au lendemain d'une cérémonie télévisée en présence du président Alassane Ouattara. Un représentant de soldats y avait annoncé renoncer, dans un contexte économique difficile, au reliquat non encore versé des primes promises en janvier.
Loin d'apaiser la situation, cette cérémonie avait déclenché un nouveau mouvement d'humeur dans ce pays d'Afrique de l'Ouest durement touché par l'effondrement des cours du cacao, vital pour son économie.
Les mutins provenaient essentiellement des rangs des quelque 8.400 anciens rebelles ayant soutenu M. Ouattara pendant la crise électorale de 2010-2011 et intégrés ensuite à l'armée.
En janvier, ils avaient exigé un total de 12 millions de FCFA (18.000 euros) par tête et en avait perçu 5, le reste devant être payé en mai.
Selon l'entourage des soldats révoltés, le nouvel accord prévoit qu'ils recevront les 7 millions de FCFA encore dûs, 5 millions immédiatement et les deux derniers millions en juin.
Dès lundi soir, le ministre de la Défense Alain-Richard Donwahi avait annoncé "un accord", mais sans en préciser la teneur, conformément à la politique par le gouvernement suivie depuis janvier.
"On est contents, ça fait cinq jours qu'on ne dort pas", a commenté un autre porte-parole des militaires révoltés, le sergent Sidick. "Les mutineries, nous-mêmes on n'en veut plus. Les mutineries, ça s'arrête là. Mais on n'avait pas le choix pour se faire entendre", a-t-il dit.
"On a eu ce qu'on voulait. Point final!", a ajouté un autre mutin.
A Bouaké, les soldats révoltés ont cédé le contrôle de l'entrée sud de la ville aux policiers qu'ils en avaient chassés vendredi.
"Ils nous passent le relais avec bon coeur", a assuré un policier, Eugène Koffi, en maniant la herse d'entrée. "On va tenir le corridor comme avant. La sécurité va revenir comme avant". a-t-il dit.
- 'La population souffre' -
A Abidjan, la capitale économique, la normalisation a été plus longue dans le quartier des affaires du Plateau. Beaucoup de salariés étaient restés à la maison comme le leur avaient conseillé leurs employeurs avant l'annonce de l'accord. Les banques ont toutefois décidé de rouvrir à la mi-journée.
Dans Bouaké, la deuxième ville du pays, la plupart des boutiques étaient ouvertes mardi et les grands axes avaient retrouvé leur fréquentation habituelle, contrastant avec les jours précédents.
"C'est une joie pour les populations", s'est réjoui Billy Kouassi Kouassi, un agriculteur.
Mais, comme d'autres, il se plaint des perturbations entrainées par les mutineries et du traitement de faveur obtenu par les soldats.
"Ca devient une habitude (les mutineries). On ne peut pas rester dans ça éternellement".
"Les mutins ont raison. Il fallait les payer. Il y a une erreur de faite mais il fallait s'asseoir en catimini et faire croire qu'on leur donnait 100.000 (150 euros). Mais, là, 7 millions, au vu du peuple qui est en train de souffrir..."
Cyril Guedé, étudiant, était lui aussi réservé. Les mutins "disent que c'est fini et, après, ils reviennent. Eux, ils sont à l'aise, ils sont en paix, ils mangent, mais la population souffre énormément", proteste-t-il.
"Le décaissement (de l'argent) va engendrer d'autres grèves, dans la fonction publique, le reste de l'armée, les gendarmes...", prévoit-il déjà.