DONALD TRUMP A-T-IL TOUJOURS DES CHANCES DE GAGNER ?
Si on s’en tenait uniquement aux résultats des sondages effectués depuis plus de six mois, la question ne se serait pas posée

Si on s’en tenait uniquement aux résultats des sondages effectués depuis plus de six mois, la question ne se serait pas posée. Toutes les conclusions des enquêtes d’opinion donnent quasiment Joe Biden vainqueur, avec des taux variant entre 7 à 10% d’avance sur l’actuel président. Toutefois, vu que le système d’élection du président des Etats-Unis est plutôt censitaire, une avance dans les sondages au plan national ne garantit pas nécessairement une victoire au soir du 3 novembre 2020, jour du scrutin.
Rapporté à la position des candidats Donald Trump et Hillary Clinton, en 2016, à la mi-septembre, Biden est mieux positionné que ne l’était Hillary Clinton qui, en moyenne, devançait le candidat Trump de 4 à 6% sur l’ensemble du pays. Bien qu’elle avait clairement gagné le suffrage universel, elle avait pourtant perdu le scrutin des délégués électoraux. Or, c’est là que se loge la victoire, la mesure qui compte. Le système censitaire donne en effet à chacun des Etats de l’Union un nombre précis de délégués au collège électoral, au prorata de son poids démographique. Tout candidat qui obtient la majorité simple des votants dans un Etat rafle tous les délégués à ce collège. C’est cela qui explique que bien que l’ancienne Première Dame ait été largement en tête des votes nationaux ce soit Donald Trump qui a été élu avec une majorité confortable des délégués électoraux.
C’est la particularité de ce système qui amène les observateurs avertis à s’intéresser plus aux résultats Etat par Etat. Il est crucial au vu des résultats de faire des analyses pointues de ce qui se passe dans ces Etats appelés « Champs de batailles » (Battleground States). On en compte dix : L’Arizona, la Caroline du Nord, la Floride, le Maine, le Michigan, le Minnesota, le Nevada, le New Hampshire, la Pennsylvanie et le Wisconsin. Dans la majorité de ces « champs de batailles », Jo Biden, le candidat démocrate est fortement en pôle-position.
Dans au moins six d’entre-eux, il est en tête, voire largement devant. Dans les quatre autres, le Démocrate est soit en tête ou tout au moins au coude-à-coude avec l’actuel occupant de la Maison blanche, candidat à un deuxième mandat. Dans les autres Etats, en dehors des 10 indiqués plus haut, le vainqueur est connu avant même le début de la campagne. Ce qui explique que cette campagne électorale soit très peu visible dans les zones où les jeux sont déjà faits.
Partant de cette situation, les pronostiqueurs donnent Biden potentiellement élu. Nat Silver, le patron du site Internet www.fivethirtyeight.com, le plus crédible de ces spécialistes des projections électorales pour les trois dernières présidentielles, conclut qu’en l’état actuel de ses simulations, l’ancien vice-président de Barack Obama a 76 chances sur 100 de l’emporter, alors que son adversaire républicain traine derrière avec 24 chances sur 100 de rempiler.
Malgré cette position favorable de leur candidat, les Démocrates restent très concentrés. Ils ont tous en tête le souvenir amer de l’élection de 2016, quand presque tous les observateurs prédisaient, sans réserve, une victoire de Hillary Clinton devant Donald Trump. Grande a été leur surprise au soir du scrutin quand, tard dans la nuit, les télévisions ont annoncé la victoire du candidat républicain. Cependant, au-delà des sondages favorables à Joe Biden, les thèmes qui dominent les débats mettent sérieusement Trump surla défensive. Depuis l’apparition de la pandémie de la Covid 19, une opinion est largement partagée selon laquelle, la gestion de la pandémie par Trump est un échec total, sinon une catastrophe. Les partisans de Biden ont réussi à en faire le sujet principal qui pourrait faire basculer le résultat final de cette compétition.
C’est l’une des raisons majeures pour lesquelles les Républicains ont ardemment cherché à faire revenir les questions raciales et la Loi et L’ordre (Law & Order) que le chef de la Maison blanche utilise (en mots codés) pour mobiliser les membres de l’extrême droite qui lui sont fidèles. Ce discours lui sert également à inquiéter les classes moyennes. Depuis l’Administration Nixon dans les années 70, les Républicains ont toujours utilisé les sujets qui divisent. Manière de dire aux Blancs des zones rurales que « leur Amérique » est menacée par les Démocrates qui sont présentés comme les représentants de l’extrême gauche dangereuse.
Apparemment, le discours ne semble pas prendre, selon les résultats des enquêtes d’opinion. Donald Trump essaie aussi de faire de l’économie son cheval de bataille. Il est vrai que dans ce domaine les Américains avaient fini d’accepter que l’occupant du Bureau ovale était meilleur gestionnaire que le candidat démocrate. Et la pandémie est venue créer une crise économique sans précédent. Depuis le mois de mars, le taux de chômage varie entre 7 à 10% ? Il est à son niveau le plus élevé depuis 2008.
COUR SUPREME
C’est ce tableau qui constituait la trame de cette compétition électorale pour le scrutin du 3 novembre prochain. Il est subitement altéré depuis la mort d’une juge de la Cour Suprême fédérale Ruth Bader Ginsburg, survenue vendredi dernier. Le remplacement de cette juriste, adulée par la grande majorité des femmes américaines, est d’une grande importance pour les deux camps en compétition. Cette cour composée de neuf membres inamovibles et à vie, détermine l’avenir de toutes les questions cruciales de la vie aux Etats-Unis d’Amérique. Une décision de la majorité de ces neuf juges n’est susceptible d’aucun recours. C’est le président américain qui désigne les juges fédéraux et le Sénat valide les nominations.
La bataille est déclenchée avec une intensité presque violente. Si le candidat républicain qui est encore aux affaires arrive à faire passer un nouveau juge, la composition idéologique de cette institution sera profondément modifiée pour les 50 prochaines années. Le Sénat, comme la Maison Blanche, sont aux mains des Républicains. Donc techniquement, le leader des Républicains aura la possibilité de choisir et de faire valider son choix par le Sénat afin d’éviter que Biden soit le vainqueur de l’élection, qui décide du profil idéologique du nouveau juge. D’autant plus que Mitch McConnell, le patron des Républicains à la chambre haute, a déjà déclaré que si le Président lui envoie un candidat il ferrait voter cette chambre pour faire occuper cette position du neuvième juge de la cour. Mais ce qui rend la tâche difficile pour Trump et ses partisans est un précédent très récent.
En 2016, à 10 mois de l’élection qui opposait Donald Trump à Hillary Clinton, Mitch McConnell avait dénié le droit à Barack Obama de nommer un nouveau juge arguant que les Américains étaient sur le point d’élire un nouveau président. Obama devait donc laisser au futur élu la possibilité de nommer un nouveau juge. La position du chef du Sénat est encore plus compliquée par le fait que certains membres de son camp qui sont dans des compétions locales très difficiles déclarent qu’ils ne sont pas prêts à voter pour un nouveau juge, avant l’installation du vainqueur de l’élection à venir.
Ces Sénateurs qui résistent à l’appel de Mc Connell sont au moins au nombre de quatre et la majorité républicaine dans la chambre est simplement de 52 contre 48 Démocrates. Avec une défection de quatre membres de cette majorité, il sera impossible de réaliser les vœux de la droite de créer une majorité idéologiquement de tendance conservatrice.. L’autre étape critique qui pourrait chambouler les prévisions électorales est la série de trois débats qui opposeront Trump à Biden et dont le premierface à face est prévu le 29 septembre prochain.