J’AI REÇU 7 BALLES...
Audition de Idriss Abdoulaye, seul rescapé d’une fusillade sur 53 combattants
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Idriss Abdoulaye, ex-combattant des Forces armées populaires (Fap) du Gouvernement d’union nationale de transition de Goukini Weddey est venu livrer sa mésaventure. Il dit avoir reçu sept balles lors de la fusillade de Kalaïte où 53 prisonniers avaient été exécutés.
Après le passage des combattants de la bataille de Faya, la Cour a recueilli hier la déposition de Idriss Abdoulaye. Ce témoin, constitué partie civile dans ce procès, est un ex-combattant des Forces armées populaires (Fap) du Gouvernement d’union nationale de transition (Gunt), dirigé par Goukini Weddey, qui a participé à la bataille de Kalaïte contre les Forces armées du nord (Fan) du régime de Hissein Habré.
Tout était parti en novembre 1982 lorsque le Nigeria, pays où il vivait à l’époque, a décidé d’expulser les étrangers qui vivaient sur son sol. Idriss Abdoulaye décide de rentrer au pays, mais entre-temps, soutient-il, «le régime de Habré se mettait à arrêter tout le monde. Je ne pouvais pas rentrer dans mon propre pays», indique-t-il.
L’option de rejoindre la rébellion s’est alors présentée à lui. Il embarque pour la Libye à bord d’un avion pour combattre le régime de Habré. «Je n’avais plus que cette option pour entrer dans mon pays», comme pour se disculper. En Libye, il subit une formation militaire de 4 mois. Il apprend le maniement des armes et rejoint à Ouadi-Doum les combattants des Fap du Gunt.
Quelques mois après, c’était la bataille de Kalaïte. En ce moment, la ville de Faya était tombée entre les mains des Fan de Habré et elles s’étaient dirigées du côté de Kalaïte où étaient stationnées les Forces armées populaires de Goukini Weddey.
Surprise, la bande à Idriss Abdoulaye s’est fait prisonnière. «Nous étions 53 à nous retrouver emprisonnés», précise le témoin devant la barre. Parqués dans un hôpital abandonné à 17 heures, ils reçoivent la visite de Brahim Itno et de Abdoulaye Bardaï.
Le lendemain au petit matin, ils sont conduits à une dizaine de kilomètres. «Nous étions enchaînés les uns contre les autres jusqu’à ce que nous formions 4 rangées et les militaires des Fan nous avaient arrosés de balles. Je suis sorti de cette tuerie avec 7 balles», révèle le rescapé. «Comment tu as fait pour survivre ?», interroge le Parquet. «J’avais les intestins dehors, j’ai dû les remettre grâce à la technique du feu», répond le témoin serein.
Idriss Abdoulaye, blessé est resté dans cet état pendant 4 jours avant de rencontrer un militaire du régime de Habré du nom de Moussa Djimé. Entre-temps, dit-il, il se nourrissait de fruits sauvages (fruits du savonnier) et se désaltérait à partir d’un point d’eau situé juste à l’endroit où il aurait été fusillé.
Il est conduit à Biltine, puis à Ndjamena à bord d’un avion pour être enfermé à la Maison d’arrêt de Ndjamena avec d’autres prisonniers de guerre. «Il n’y avait pas de nourriture. Heureusement pour moi, je n’étais pas enfermé et c’est un garde qui, la nuit, me jetait quelques nourritures», soutient-il en répondant à une question des parties civiles.
Quant aux soins, révèle-t-il, «je n’ai jamais été soigné correctement à part l’intervention d’un médecin qui a pu sortir des asticots de mes blessures. Je n’en recevais pas du tout jusqu’à l’arrivée de la Croix-rouge».
Il évoque également la mort de beaucoup de détenus dans la Maison d’arrêt de Ndjamena. «Le matin, des gens venaient d’ailleurs pour récupérer les corps dans les différentes cellules», note-t-il.
Il est sorti de prison grâce aux accords signés entre Hissein Habré et Ackeikh Ibn Omar en 1988.