LA MORT DE SANKARA RESTE MYSTÉRIEUSE, L'ÉTAU SE RESSERRE AUTOUR DE COMPAORÉ
AFP - Des analyses n'ont pas permis de détecter d'ADN sur les restes supposés de l'ex-chef de l'Etat burkinabè Thomas Sankara, alimentant le mystère de sa mort dans une enquête qui se concentre sur son successeur, le président déchu Blaise Compaoré, visé par un mandat d'arrêt international.
Thomas Sankara et douze de ses compagnons ont été tués le 15 octobre 1987 lors d'un coup d'Etat qui porta l'ex-chef de l'Etat Blaise Compaoré au pouvoir. Les corps ont été exhumés fin mai afin de lever le voile sur les circonstances de sa mort.
Une enquête a été ouverte fin mars 2015, après la chute de M. Compaoré en octobre 2014, chassé par la rue après 27 ans au pouvoir. Le sujet était tabou pendant l'ère Compaoré, ancien frère d'arme de Sankara parfois soupçonné d?avoir commandité son assassinat.
Les résultats d'une autopsie livrés mi-octobre 2015 indiquent que la dépouille présumée du président Sankara était "criblée de balles". Des tests ADN devaient permettre d'identifier formellement les restes.
"On peut simplement dire qu'au regard de ces résultats, l'état des restes ne permettaient pas au laboratoire de certifier l'existence d'ADN" sur les corps exhumés fin mai, a déclaré lundi l'avocat de la famille Sankara, Me Bénéwendé Stanislas Sankara.
"Les premier et deuxième niveaux (des test ADN) certifient des résultats qui confortent ceux de l'autopsie mais au troisième niveau, l'expertise scientifique conclut qu'il n'y a pas d'ADN détectable conformément à l'état actuel de la science", a-t-il expliqué à la presse après avoir pris connaissance avec ses clients des analyses.
Celles-ci ont été réalisées par "le laboratoire de police de Marseille (sud de la France), un laboratoire de référence en la matière" qui "a travaillé conformément aux normes internationales", a dit Me Sankara.
Les analyses ADN étaient une requête de la famille, a précisé Me Sankara, ajoutant que ses clients avaient quinze jours pour décider de demander une contre-expertise ou des analyses complémentaires.
- Beaucoup d'inculpations -
Malgré tout, "la procédure suit son cours, il y a déjà beaucoup d'inculpations dans le dossier", a-t-il souligné.
Au moins une demi-douzaine de personnes majoritairement des anciens soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l'ancienne garde prétorienne de M. Compaoré, ont été inculpées pour "assassinat", "attentat" et "recel de cadavres" dans cette affaire.
Le directeur de la santé militaire à l?époque des faits, Fidèle Guébré, a été inculpé pour faux en écriture publique pour avoir signé un certificat de décès stipulant que le président Sankara était décédé de mort naturelle.
Après le général Gilbert Diendéré, chef du RSP, bras droit de M. Compaoré et auteur du putsch manqué de septembre 2015, la justice militaire vise maintenant directement le président déchu.
"Il y a un mandat d'arrêt international contre Blaise Compaoré", exilé en Côte d'Ivoire voisine depuis sa chute, a indiqué à l'AFP une source judiciaire sous couvert d'anonymat.
D'autres sources proches du dossier interrogées par l'AFP a confirmé l'existence de ce mandat d'arrêt, émis le 4 décembre et transmis aux autorités ivoiriennes. M Compaoré est également inculpé d'"assassinat", d'"attentat" et de "recel de cadavre", selon ces sources.
Les autorités ivoiriennes n'étaient pas joignables dans l'immédiat pour une réaction.
Ce mandat d'arrêt devrait compliquer les relations entre le Burkina et la Côte d'Ivoire. Au début des années 2000, l'ancien homme fort burkinabè avait été le principal soutient des rebelles pro-Ouattara qui avaient tenté de renverser le président de l'époque Laurent Gbagbo, s'emparant de la moitié nord du pays.
Le dirigeant politique de cette rébellion, Guillaume Soro, est aujourd'hui président de l'Assemblée nationale ivoirienne. Il a récemment été soupçonné d'avoir cherché à soutenir le putsch manqué de septembre au Burkina, suite à la publication sur internet d'enregistrements présentés comme des conversations avec un ancien ministre très proche de l'ex-président burkinabè.
M. Soro dénonce ces enregistrements comme des faux, se disant victime d'une "campagne de dénigrement et de calomnie".