L'AFRIQUE, TERRAIN DE JEU DE LA TURQUIE
Les pays africains pâtissent de la guerre entre le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et son ennemi juré Fethullah Gülen. Le Sénégal n'est pas épargné, avec la fermeture des écoles Yavuz Selim
Depuis quelques mois, une vague de fermetures déferle sur les écoles Gülen du continent. Après la Somalie et le Maroc, c'est au Sénégal que des élèves du réseau ont trouvé portes closes ce 2 octobre 2017. Tous ces établissements ont un point commun : ils sont liés au prédicateur Fethullah Gülen, accusé par Ankara d'être à l'origine d'un coup d'Etat manqué à l'été 2016. Alors pourquoi les pays africains cèdent-ils à la pression de la Turquie ?
C'est l'histoire d'un revirement. Au début des années 2000, pour installer son influence sur le continent africain, entre autres, la Turquie utilise notamment le réseau des écoles Gülen, du nom de ce riche intellectuel turc, Fethullah Gülen. Les établissements accueillent les enfants des élites locales, car l'enseignement y est réputé de bonne qualité.
Pour Guillaume Perrier, journaliste et spécialiste de la Turquie, ces écoles sont le "fer de lance de l'offensive d'Ankara sur le continent africain". En 2016, les écoles Gülen représentent une centaine d'établissements dans 35 pays africains.
Démantèlement
Le revirement remonte au début des années 2010, et atteint un point de non retour à l'été 2016. Dans la nuit du 15 au 16 juillet, tentative de coup d'état en Turquie. Pour le pouvoir, l'instigateur du putsch (finalement manqué) n'est autre que Fethullah Gülen, installé aux États-Unis. Depuis, tout ce qui est lié à Gülen est pris pour cible par Ankara.
C'est donc un bras de fer turco-turc qui se joue en Afrique à travers la fermeture des écoles Gülen. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan s'est même rendu en personne au Kenya et en Ethiopie pour réclamer la clôture de ces établissements.
Mais pourquoi les pays africains cèdent-ils aux pressions turques, au risque de mettre en difficulté leur propre système éducatif ? Guillaume Perrier l'explique : "Il y a des raisons économiques, bien sûr, mais pas seulement. La Turquie dispose aussi d'un poids diplomatique en se faisant porte-parole de pays que l'on n'entend pas forcément sur la scène internationale. Et puis des raisons militaires. Ainsi en Somalie (où les écoles Gülen ont rapidement fermé), la Turquie vient d'ouvrir sa première base militaire en Afrique. Elle y assure notamment la formation de policiers et de militaires".
D'autres pays, toutefois, résistent encore aux pressions d'Ankara. Comme le Kenya, la Tanzanie, le Nigeria ou le Mozambique. Pour Guillaume Perrier, ces Etats ont une assise économique qui les autorise à ne pas céder.