L'ARMÉE SUR PIED DE GUERRE
La grogne des militaires de Bouaké s'étend à Daloa et Korhogo
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Bouaké (Côte d'Ivoire), 6 jan 2017 (AFP) - Un mouvement de protestation de militaires a éclaté vendredi à Bouaké, capitale de l'ex-rébellion armée en Côte d'Ivoire, avant de s'étendre à la mi-journée aux villes de Daloa, dans le centre, et Korhogo dans le nord.
Des tirs à l'arme lourde ont résonné toute la matinée à Bouaké, deuxième ville de Côte d'Ivoire, dont les militaires mutins ont pris le contrôle, après avoir attaqué des commissariats de police, a constaté un correspondant de l'AFP.
"C'est une mutinerie des ex-combattants intégrés dans l'armée qui réclament des primes de 5 millions FCFA (7.600 euros) plus une maison chacun", a expliqué à l'AFP un officier sous couvert d'anonymat. "Nous réclamons non pas 5 millions de FCFA mais plutôt 10 millions chacun plus une villa...
Le cas échéant, nous ne regagnerons pas les casernes", a assuré un soldat à l'AFP. Le gouvernement a réuni un Comité national de crise dans la matinée et devait faire dans l'après-midi un point de la situation, a-t-on appris de source proche du ministère de la Défense.
Les soldats ont "cassé la poudrière du camp du 3e bataillon" le plus important de la ville, "c'est de là qu'ils ont sorti les lances-roquettes et d'autres armes montées sur des pickups", a expliqué un officier à l'AFP.
"C'est vers 3h00 du matin (03H00 GMT) que des militaires sont arrivés au commissariat du 1er arrondissement situé au quartier Sokoura où ils ont désarmé les policiers présents et emporté des kalachnikov", a indiqué à l'AFP un responsable de la police locale sous couvert d'anonymat.
- 'On a peur' -
Les militaires ont ainsi attaqué la préfecture de police et les sept commissariats de Bouaké et dressé des barricades au centre-ville, coupant toute circulation, a constaté le correspondant de l'AFP.
Des soldats ont pris position à divers carrefours stratégiques de la ville et d'autres sillonnaient la ville à moto ou dans des colonnes de véhicules qu'ils ont pris à la police.
Ecoles et commerces étaient tous fermés à Bouaké, ancienne capitale de la rébellion qui contrôlait le nord du pays lorsqu'il était coupé en deux entre 2002 et 2011.
Cette rébellion était favorable à l'actuel président Alassane Ouattara, alors que le sud du pays était tenu par les forces loyales à l'ex-président Laurent Gbagbo. A Daloa, grande ville du centre-ouest, "des militaires à moto sillonnent la ville en tirant en l'air", a raconté un habitant à l'AFP.
"Ça tire, on a peur, on est caché dans la maison", a expliqué d'une voix tremblante un autre habitant joint par téléphone depuis Abidjan. A Korhogo, un militaire joint au téléphone a indiqué que "le mouvement de révolte est observé dans cette ville. Des rues ont été occupées par les soldats".
En novembre 2014, une vague de protestation de soldats était partie de Bouaké pour s'étendre à Abidjan, la capitale économique, et d'autres villes du pays.
Le quartier-maître Siaka Ouattara, porte-parole des militaires, avait alors présenté le non-paiement des "arriérés de soldes de 2009-2011 et de 2011-2014 des ex-combattants intégrés dans l'armée" comme principal motif de leur mécontentement, rejetant toute "politisation" du mouvement.
Le président Alassane Ouattara s'était engagé fin novembre 2014 pour le paiement des arriérés de soldes. "Nous allons commencer à régler ces arriérés de soldes dès la fin du mois de novembre", avait alors affirmé M. Ouattara lors d'une rencontre avec une trentaine de militaires à la présidence à Abidjan.
L'avancement de 8.400 caporaux, autre revendication des protestataires, devait également être assuré dès "le 1er janvier 2015", à travers des promotions.
Selon plusieurs sources sécuritaires, d'anciens éléments rebelles, intégrés en 2009 dans les forces de sécurité nationales à la suite de l'accord de paix de Ouagadougou signé en 2007, étaient à l'origine du mouvement.