LE PARCOURS DU COMBATTANT POUR REJOINDRE DAKAR
Les guinéens parcourent plus de 950 km à partir de Labé pour rejoindre Dakar, la capitale sénégalaise
Les guinéens parcourent plus de 950 km à partir de Labé pour rejoindre Dakar, la capitale sénégalaise. un vrai parcours du combattant.
Même si les conditions de déplacement pour rejoindre le Sénégal se sont bien améliorées par rapport à l’époque où les guinéens marchaient pour s’exiler, il demeure un véritable calvaire. Plusieurs facteurs rendent pénible le voyage de nos voisins guinéens. Les voyageurs sont écrasés par les surcharges et l’état calamiteux d’un tronçon de trente kilomètres. En effet, pour arriver très tôt à la frontière, les véhicules roulent la nuit, de Labé vers la frontière. Les passagers s’entassent dans le véhicule 7 places et un groupe de 3 ou 4 personnes s’installe aisément sur les bagages tandis qu’un passager se loge dans la malle. Boubacar Diallo, chauffeur de son état justifie la surcharge. «il nous faut embarquer le maximum de passagers pour nous en sortir. En plus du carburant, nous souffrons des multiples requêtes des forces de l’ordre. A chaque poste de contrôle, il faut graisser 100 000 F guinéens, soit 6.600 F cfa à l’agent jusqu’à la frontière», se défend M.Diallo. D’ailleurs, pour limiter les «dégâts», il hésitait à aller jusqu’à Diaobé. «Entre Manda douane et Diaobé, je débourse 20 000 F cfa pour les forces de sécurité. Parfois je n’arrive à Diaobé qu’avec 300 000 F guinéens, c’est-à-dire 20 000 F cfa. C’est pénible», se lamente notre interlocuteur. il démarre en trombe pour arriver le premier à Manda Douane ou Diaobé afin de s’inscrire sur le tableau tenu par les «coxeurs» pour le retour. comme ils embarquent en même temps à cause de l’affluence des voyageurs, les chauffeurs se livrent à une véritable course-poursuite parfois sous une pluie battante. c’est parti pour un rallye de 950 km pour arriver à Dakar ou 250 km pour koundara. Nous quittons Labé vers 19 h sous une pluie battante ponctuée de grondements de tonnerre et d’éclairs qui déchirent le ciel et crèvent les tympans. Pour éviter le pire, le chauffeur demande aux passagers d’éteindre les téléphones portables pour éviter que la foudre ne calcine le véhicule. il marque un arrêt afin de permettre aux jeunes guinéens assis sur les bagages de porter leurs imperméables. il reprend la route en appuyant sur l’accélérateur. Les montagnes, le beau paysage etles villages de Powpodara, Horé Bombo et Bourijou défilent sous nos yeux. On observe une escale à Thianguel Bori. Une petite ville dont l’architecture des bâtiments et le beau paysage enchantent le visiteur. Installée au milieu d’une clairière, la ville est ceinturée par de belles montagnes. certaines maisons sont nichées aux cimes des montagnes. il faut se désaltérer et diner avant d’affronter le tronçon qui désagrège les voyageurs. ici le voyageur n’a pas trop le choix. ce sont pratiquement les mêmes mets qui sont servis partout : du riz et de la viande à la sauce tomate, du riz avec des feuilles de manioc ou du bissap accompagné d’huile de palme. ces mets sont servis dans des gargotes dont la salubrité laisse à désirer.il faut fermer les yeux sur la qualité des plats servis et l’état de la gargote, pour se gaver.
LA FORET DE KOUNSITEL OU LE CALVAIRE DES VOYAGEURS
Le chauffeur reprend le volant sous une fine pluie et met encore le pied sur l’accélérateur. Au fur et à mesure qu’on s’approche de la forêt, la pluie devient plus forte. c’est ainsi qu’on s’engouffre dans la forêt de kounsitel. c’est là aussi que s’arrête la route bitumée. Commence alors le parcours du combat. Les chauffeurs rament et manœuvrent dans tous les sens pour éviter de s’embourber. La route serpente les plus hautes collines du Fouta Djallon. L’eau continue de tomber et envahit cette route latéritique parfois traversée par des ravins. c’est ainsi qu’on tombe sur un ravin plein d’eau vers 21h. Aucun chauffeur n’a osé s’engager pour la traversée. Les passagers sont sommés de descendre et des voitures arrivent des deux sens. il faut alors organiser la traversée des véhicules. Solidarité oblige. Une vingtaine de véhicules s’est garée. Alors que les passagers relèvent leurs pantalons, les dames s’exécutent jusqu’aux cuisses ; tous se déchaussent et traversent pieds nus. Deux bonnes heures sont perdues juste pour dépasser ce ravin sous la pluie. Le chemin se poursuit difficilement jusqu’au village de komba où commence la route bitumée. c’est la délivrance. Tout le monde soupire. c’est pratiquement la fin d’un calvaire de quatre heures sur un tronçon de 30 km. Désormais la route est bonne mais elle reste sinueuse et dangereuse. il faut mettre la pédale douce parce qu’il y a une alternance de pluies intermittentes et de brouillard en pleine nuit. La visibilité est réduite surtout lorsque le véhicule arrive au sommet des montagnes. Les phares du véhicule tentent en vain de percer les masses de brouillard qui s’échappent des montagnes. Et cela jusqu’à guawal où la route de conakry croise celle de Labé. Nous entrons à koundara. c’est le calme. il faut faire un détour à la Douane pour la vérification des marchandises. Ensuite, direction Sambaïlo, le dernier village guinéen. c’est là que le périple s’arrête en attendant l’ouverture de la frontière à 7 h matin.
LE PETIT BUSINESS NOCTURNE A SAMBAÏLO
c’est une cinquantaine de voitures qui forme une longue file devant le barrage. il faut patienter pendant 2 h voire 3 h pour certains chauffeurs. Le petit business marche bien pendant cette pause. Des jeunes du village louent des matelas aux voyageurs qui veulent se coucher à 30 000 F guinéens, l’équivalent de 2.000 F cfa. Bien des passagers doutant de l’hygiène des matelas sont réticents à les utiliser. D’autres jeunes font leur business avec de l’eau. comme toutes les boutiques sont fermées, ils vendent des pots d’eau. Avec 5.000 F guinéens (environ 335 F cfa) on a droit à un pot de tomate grand modèle plein d’eau ainsi que l’accès aux toilettes. A 7h du matin, on lève la barrière et les passagers passent devant les postes de contrôle des forces de sécurité. ceux qui n’ont pas de pièces d’identification et de carnet de vaccination paient 20 000 F guinéens(1.335 F cfa). Les Sénégalais qui présentent des cartes d’identité paient également 10 000 F guinéens aussi bien à la gendarmerie, à la police qu’à la douane. Pourtant, selon un officier de police de guinée que nous avons trouvé dans son bureau, le Sénégal ne doit pas payer 10 000 F guinéens à la police. c’est de l’arnaque. A la gendarmerie, le contrôle est sévère. c’est une fouille corporelle. cette brigade traque les trafiquants de drogue. Au revoir la guinée et bonjour le pays de la Téranga. A kalifourou, tous les passagers sont identifiés par la police. il arrive que les policiers refusent parfois l’entrée dans le territoire sénégalais de guinéens sans document d’identification. Avant d’accéder au poste de police, les passagers passent par le Service d’hygiène. On exige à tout le monde de se laver les mains à l’eau javellisée. L’épidémie du virus à fièvre Ebola est passée par là. La colonne de véhicules prend la direction de Manda Douane qui est le point d’arrivée de la majorité des véhicules hormis ceux qui vont à Diaobé. c’est le lieu de séparation des guinéens qui entament un autre parcours. A partir de Manda Douane, chacun prend sa direction. certains prennent la direction de Vélingara-Tambacounda ; d’autres, celle de kaolack-Dakar. Dès leur arrivée à destination, ils sont accueillis par des parents. Pratiquement, aucun guinéen ne débarque au Sénégal sans avoir un parent ou tuteur qui lui mette le pied à l’étrier.