L’UNION AFRICAINE AU BORD DE L’IMPLOSION
Entre le bloc des pays «militaires» et celui des pouvoirs « civils », rien ne va plus
Officiellement fondée en 2002 sur les cendres de l’Organisation de l’unité africaine (Oua/1963-1999), l’Union africaine (Ua) regroupant 55 pays membres est au bord de l’implosion. La situation au Niger est en passe de fragiliser l’organisation continentale qui est désormais divisée en deux blocs : la République des militaires et le Pouvoir des civils.
Regroupant 55 pays membres, l’Union africaine (Ua) s’inscrit dans la vision d’une Afrique intégrée, prospère et pacifique. Elle ambitionne, d’une manière générale, de réaliser une plus grande unité et solidarité entre les pays africains et entre les peuples d’Afrique. Et surtout une Afrique unie et solidaire ayant entre autres comme objectifs de défendre la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance de ses États membres comme le Niger par exemple.
Se voulant constante dans sa démarche, même si elle se veut fidèle à la Déclaration d’Alger qui demande de suspendre tout pouvoir issu d’un coup d’Etat, l’Ua vient de rejeter toute intervention militaire contre le Niger et, ainsi, de se désolidariser de l’organisation régionale qu’est la Cedeao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). Une décision prise le lundi 14 août dernier à AddisAbeba au cours d’une réunion tendue, houleuse et interminable tenue par les diplomates et membres du Conseil de paix et de sécurité (Cps), l’organe décisionnel permanent de l’Union africaine pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits.
Comme durant la période guerre froide qui vit les blocs de l’Est, conduit par la défunte Urss (Union des républiques socialistes soviétique), et de l’Ouest ayant pour leader les Etats-Unis d’Amérique, deux blocs se dessinent actuellement sur le continent africain : D’abord, la République des juntes ou des militaires composée du Niger, du Mali, du Burkina Faso, de la Guinée et du Tchad (dans ce dernier pays on parle d’un coup d’Etat constitutionnel avec l’arrivée au pouvoir du général Mahamat Idriss Déby Itno qui a succédé à son père tué au combat, un « bon » coup d’Etat béni par la France !). Sans compter le Soudan où une junte putschiste est au pouvoir mais est en train de s’entre-déchirer les armes à la main depuis des mois. Et le bloc des civils regroupant la majorité écrasante des pays de l’Ua même si, dans certains d’entre eux, des chefs d’Etat s’enlisent à la magistrature suprême grâce à des tripatouillages constitutionnels. En plus du Conseil Paix et Sécurité de l’Union africaine, d’autres pays membres dirigés par des civils, membres de l’Ua et frontaliers du Niger à savoir l’Algérie et le Bénin se sont prononcés contre l’usage d’une force armée.
Si de manière générale la plupart des Etats africains se sont accordés à condamner le coup d’Etat et à exiger un retour à l’ordre constitutionnel au Niger, les avis divergent par contre sur le soutien à apporter à l’intervention militaire envisagée par la Cedeao et fortement encouragée par la France dont 1500 hommes stationnent dans le pays après que la force Barkhane a été déclarée non grata au Mali. La France qui exploite l’uranium du Niger pour faire tourner ses centrales nucléaires et qui lorgne aussi les autres fabuleuses richesses minières du pays. A cet effet, de nombreux pays de l’Ua comme l’Algérie, une des plus grandes puissances du continent se sont catégoriquement opposés à une action militaire qui aurait des répercussions négatives dans toute l’Afrique, et particulièrement la sous-région ouest-africaine. Surtout, encore une fois, Alger ne veut pas de guerre à ses frontières surtout menée par procuration par la France !
D’autres pays d’Afrique centrale s’inquiètent également des conséquences d’une telle option pour la sécurité et la stabilité du continent. Et surtout pour l’image du Conseil de paix et sécurité (Cps) de l’UA dont le rôle est de contribuer à « régler les conflits » sur le continent. Vous conviendrez avec nous que cette frilosité du Cps est de mauvais augure pour les chefs d’états-majors des armées de la Cedeao réunis depuis hier et jusqu’à aujourd’hui au Ghana pour discuter d’une éventuelle intervention armée au Niger. Le Sénégal lui-même a fait savoir son intention d’envoyer des troupes dans ce pays. Des troupes qu’il aurait même commencé à regrouper en vue de les projeter au Niger. Gageons qu’il s’agit juste d’une guerre « psychologique » de la Cedeao pour faire pression sur la junte du général Tchiani ! En tout cas, certains pays menacent de quitter la Cedeao en cas d’intervention armée au Niger. Encore faudrait-il que la Cedeao ait les moyens d’aller faire une guerre dans ce pays au vu de l’état d’impréparation de certaines forces armées des pays les composant !