MANIPULATION AMÉRICAINE
Il y a dans les révélations des "Panama papers", une volonté pernicieuse des Etats-Unis de salir Poutine au moment où la Russie reprend la main en politique internationale surtout avec le dossier syrien
Depuis la semaine dernière, les médias officiels sont dans une effervescence programmée. C’est le journal français Le Monde avec la Süddeutsche Zeitung, journal allemand de centre-gauche, en partenariat avec 107 médias étrangers et le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), qui a donné le coup d’envoi avec la fausse bombe des « Panama Papers », enquête préparée de longue haleine et dans un secret absolu, nous explique-t-on, afin de nous allécher sur ce qui seraient des révélations explosives. La presse se régale des noms des uns et des autres sans avoir beaucoup d’informations sur ce qu’ils ont fait puisque avoir un compte au Panama au premier abord n’est pas un crime. C’est comme si les transferts financiers via des sociétés off-shore situées dans des paradis fiscaux étaient une nouveauté. Contrairement à ce qui s’est dit au début de l’affaire, le « Panama Papers » n’est pas parti d’un lanceur d’alertes anonyme mais d’une attaque informatique du serveur mail de Mossack Fonseca. En effet, 11 millions et demi de fichiers informatiques ont été volés par des hackers extrêmement spécialisés au Mossack Fonseca, 4e cabinet d’avocats dans le monde chargé d’organiser des montages financiers.
Les Ricains : les grands absents de l’enquête
Selon les médias occidentaux, ce cabinet aurait créé en 38 ans (entre 1977 et 2015) plus de 214.000 entités offshores permettant d’assurer la confidentialité de l’identité des dépositaires de comptes off-shore dans 21 paradis fiscaux différents. Au total, les noms de 140 responsables politiques, dont 12 chefs d’Etat et de gouvernement en activité ou en retraite, sont mentionnés dans les documents du cabinet Mossack Fonseca. De fait, le choix des délinquants financiers désignés nous éclaire tout de suite sur la provenance de l’attaque et le dessein inavoués des commanditaires de ce scandale préfabriqué. Etonnamment, aucun responsable américain ne figure parmi les personnes citées dans l’enquête, ce qui semble bizarre compte tenu de l’ampleur des révélations qui concernent, selon certaines informations, des individus provenant de deux centaines de pays du monde. Le journal Le Monde qui admet cependant une faible représentativité des Américains (non encore publiée) dans les révélations scandaleuses, explique cette sous-représentativité dans les fichiers de Mossack Fonseca par « le respect de la vie privée et la nécessité d’enquêter au cas par cas ». En sus, cette quasi-absence américaine s’explique, selon le journal fondé par Hubert Beuve-Méry, par :
- le durcissement, depuis quelques années, des autorités américaines notamment avec le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA), règlement du code fiscal des Etats-Unis qui oblige les banques des pays ayant accepté un accord avec le gouvernement des Etats-Unis à signer avec le Département des Etats-Unis un accord dans lequel elles s'engagent à lui communiquer tous les comptes détenus par des citoyens américains en 2010, vis-à-vis de l’évasion fiscale.
- La société Mossack Fonseca en elle-même était déjà « dans le viseur du département du Trésor américain », selon les dires de Pascal Saint-Amans, directeur du centre de politique et d’administration fiscale de l’OCDE.
- Enfin, des ressortissants américains ont très bien pu se tourner vers d’autres paradis fiscaux ou d’autres types de structures, comme les single member LLC (Limited Liability Company), qui sont des « entités ignorées » à des fins fiscales ou bénéficiant de souplesse fiscale.
Des révélations ciblées
Le seul Anglais qui figure sur la liste est le défunt prospère banquier, Ian Cameron, le père de David Cameron, l’actuel Premier ministre britannique, dont le pays menace l’Union européenne de Brexit lors du référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE fixé au 23 juin. En France, on nous balance les Michel Platini, Jérôme Cahuzac, Dominique Strauss-Kahn dont les noms ont été récemment cités dans des scandales financiers ou dans des affaires de mœurs. Platini et d’autres membres de la Fifa payent cher l’organisation de la coupe du monde de 2018 et de 2022 attribuée à la Russie et au Qatar au détriment des Etats-Unis. Mais dans l’entourage ou parmi les proches ou d’enfance de François Hollande, il n’y a personne qui y soit mêlé.
De ce barnum médiatique, l’homme le plus ciblé est l’intrépide président Vladimir Poutine dont le nom est cité maintes fois par l’implication de ses amis d’enfance ou d’un proche. Il s’agit des frères Arkady et Boris Rotenberg, et du violoncelliste Serguey Rodulgin. Rien que pour cela, le président constitue la personne dont le nom est le plus cité et mouillée par les médias occidentaux. En cela, ils inspirent leurs homologues sénégalais qui mouillent à nouveau Karim Wade dans l’histoire de la traque des biens supposés mal acquis à travers Pape Mamadou Pouye dont le nom est cité parmi les propriétaires de comptes off-shore. A voir le portrait du président russe qui trône à la une des journaux occidentaux depuis le début des révélations, on a l’impression que c’est lui qui cache des comptes dans les paradis fiscaux.
Il y a dans ces révélations ciblées, une volonté pernicieuse des Etats-Unis de salir Poutine au moment où la Russie reprend la main en politique internationale surtout avec le dossier syrien. Grâce à lui, l’armée de Bachar el-Assad a pu reprendre Palmyre des griffes de Daech. Il faut souligner que le président syrien est mêlé dans le scandale par l’évocation itérative de son cousin Rami Mahklouf, financier du régime syrien.
Mais qui a financé cette opération maléfique appelée « Panama Papers » ? C’est l’OCCRP (Projet de Dénonciation du Crime Organisé et de la Corruption) qui finance l’ICIJ, lequel fédère tous ces journalistes à travers le monde. Et l’OCCRP est financée par l’Open Society Foundation appartenant au prospère américain d’origine hongroise Georges Soros qui pèse 25 milliards de dollars. Le deuxième contributeur de cet organisme est l’USAID, l’Agence des États-Unis pour le développement international. Rappelons que L’OCCRP est un consortium de journalistes internationaux, partenaire de l’ICIJ, qui publie des enquêtes sur la corruption, principalement dans les pays de l’Est mais aussi en Amérique latine.
La colère de Wikileaks et du Réseau Voltaire
D’ailleurs, Wikileaks, le site de Julian Assange, a dénoncé avec véhémence que « l’attaque contre Poutine a été écrite par l’OCCRP (Projet de Dénonciation du Crime Organisé et de la Corruption), un organisme qui cible la Russie et les anciennes Républiques soviétiques et qui est financé par l’USAID et George Soros ». Cette position recoupe celle de l’écrivain français et fondateur du Réseau Voltaire, Thierry Meyssan, lequel n’a pas hésité à faire le lien avec la politique de déstabilisation de la Maison blanche sous l’ère Obama. En effet, il déclare : « En 2008, le président Obama, après son installation à la maison blanche, a mis en place une Council of Economic Advisers dirigé par Christina Duckworth Romer, professeure d'histoire de l’économie à l’Université de Berkeley dont la mission est de d'élaborer le plan de reprise économique dans l'équipe. Mais cela devait passer la perturbation voire la déstabiliser politique de l’UE de manière à pousser les capitaux européens à aller s’investir aux Etats-Unis.» Et Meyssan de préciser que « les troubles en Grèce suivis de la crise de l’Euro ne sont pas étrangères à cette politique américaine. Mais la fuite des capitaux ne se fait pas n’importe comment. Ils ont commencé à mener une lutte aux paradis fiscaux non anglo-saxons. Avec le G-8, G-20 et l’OCDE, des règles de normalisation des paradis fiscaux ont été établies. Mais elles ne s’appliquent pas aux paradis fiscaux du Royaume-Uni, des Etats-Unis et des Pays-Bas ».
Il ajoute que « chaque paradis fiscal a un statut juridique saugrenu tout à fait particulier qui permet d’échapper au droit commun. Par exemple la City de Londres » qui concentre les sièges sociaux de nombreuses banques, compagnies d'assurance et grandes entreprises multinationales. «Il est le premier paradis fiscal au monde est un Etat indépendant au point de vue juridique rattaché à la couronne d’Angleterre. Ainsi il a ses propres règles de fonctionnement indépendamment de ce qui existe au Royaume-Uni. L’Etat de Delaware aux Etats-Unis est un paradis fiscal. Les îles de Jersey et Guernesey qui sont des îles Anglo-Normandes donc qui dépendent non pas du Royaume-Uni mais de la Duchesse de Normandie c’est-à-dire de la Reine d’Angleterre…» Et le patron du Réseau Voltaire de dénoncer que toute cette agitation médiatique n’est «qu’une manipulation médiatique de la part des Etats-Unis contre ceux qui osent les défier».
Aussi ce qui était parti pour être un coup de tonnerre médiatique ne sera-t-elle qu’une tempête dans un verre d’où il ne ressortira rien, si ce n’est qu’une indignation sélective pro-atlantiste contre des havres fiscaux qui tiennent la dragée haute à leurs concurrents américains ou anglo-saxons ?