POUR LA PREMIÈRE FOIS, LE RN EST RÉELLEMENT AUX PORTES DU POUVOIR FRANÇAIS
Francis Laloupo, journaliste et enseignant en géopolitique à l'Institut pratique du journalisme Dauphine parle des enseignements du premier tour de la présidentielle en France et se projette pour le duel Macron-Le Pen annoncé
A l’issue du premier tour de la présidentielle française dimanche dernier, le président sortant Emmanuel Macron et la candidate d’extrême droite Marine Le Pen se sont qualifiés pour le deuxième tour prévu le 24 avril prochain. Quelles leçons tirer du premier tour ? Francis Laloupo, journaliste et enseignant en géopolitique à l'Institut pratique du journalisme Dauphine est interrogé par Lilianne Nyatcha .
« Blues démocratique » est votre dernier livre et vous y expliquez pourquoi même les démocraties occidentales apparemment solides sont en crise. Emmanuel Macron, Marine le Pen, c’est l’affiche du second tour de la présidentielle en France et c’était la même il y a cinq ans. ….
Le premier constat qu’on peut faire c’est qu’il y a désormais deux confirmations. La première, c'est que le paysage politique français est fortement dominé par l'extrême-droite. Et on constatait cela depuis déjà plusieurs années. Depuis 2002, l’extrême droite n’a pas cessé de progresser. Trois candidats dominent le paysage politique français : Marine Le Pen, Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan. La deuxième confirmation c’est la ruine des partis traditionnels de gouvernement, le parti socialiste et les Républicains dont les deux candidats (Anne Hidalgo et Valérie Pécresse) ont fait des scores absolument désastreux.
Ces scores confirment un peu plus encore le déclin commencé depuis plusieurs années des partis traditionnels de gouvernement. On aboutit à une fin de cycle. La question est de savoir si le paysage français sera capable de se transformer et de se réinventer au bout de cette transition qui a commencé en 2017 avec Emmanuel Macron. A quel prix ? Et quel sera le visage de ce paysage au bout de ce processus ?
Vous parlez de paysage politique dominé par l'Extrême droite. Le taux d'abstention de 26% observé lors de ce premier tour ne vient-il pas relativiser votre analyse voire vos craintes ?
L’abstention est l’un des symptômes de la crise du système démocratique en France depuis plusieurs années. L’abstention avait été l’un des facteurs qui ont provoqué le séisme en 2002. Ce séisme traumatisant où on a vu Jean-Marie le Pen présent au second tour de la présidentielle en 2002 face à Jacques-Chirac. Ce désenchantement démocratique s’est conforté au fil de toutes ces années. Et on obtient à la fois un mélange de désenchantement démocratique et de morosité démocratique. Tout cela est alimenté par des colères coagulées depuis plusieurs années et auxquelles les partis traditionnels de gouvernement n'ont pas su apporter des réponses suffisantes.
Il semble qu’au bout de ce quinquennat, Emmanuel Macron est lui aussi la cible de toutes ces colères. On se souvient de la crise des gilets jaunes. Aujourd’hui, la question est de savoir à quoi peut servir cet agrégat de colère parce que le second tour de cette élection n’est pas encore joué.