VIDEOQUAND JAMMEH ENERVE ELLEN JOHNSON SIRLEAF
LA VIDÉO DE LA CONVERSATION PRIVÉE ENTRE LES DEUX CHEFS D'ÉTAT - Echec de la médiation en Gambie
En jouant au plus malin avec la Présidente du Liberia Ellen Johnson Sirleaf, Yahya Jammeh s’est tiré une balle dans le pied au risque de perdre définitivement toute crédibilité devant cette dame qui se démène comme pas possible pour lui éviter la fureur d’une intervention militaire. Qualifiée d’acte "irresponsable" par la Présidente du Liberia, la conversation téléphonique privée que Yahya Jammeh a fait diffuser sur la télévision nationale gambienne a mis Ellen Johnson Sirleaf dans tous ses états.
Il se trouve en effet qu'en visionnant la vidéo de la conversation entre les chefs d'Etat libérien et gambien, il devient évident que Jammeh tente de faire croire à ses supporters que la CEDEAO va examiner sa demande de lui donner des juges pour siéger à la Cour suprême de Gambie afin de statuer sur sa demande d'annulation des résultats de la présidentielle.
Le but étant d'empêcher la prestation de serment d’Adama Barrow, le 19 janvier. Cette mise en scène de Yahya Jammeh n’est pas du goût de la Présidente du Liberia qui s’est sentie abusée et trahie, même si dans sa réaction à la BBC, ce lundi, Ellen Johnson Sirleaf ne semblait pas surprise. "Malheureusement, étant celui qu'il est, le Président Jammeh a enregistré et diffusé notre conversation, sans me faire part de ses intentions."
Celle qui dirige la conférence des chefs d’Etat de la CEDEAO s’est voulue claire sur les propos qu’elle a tenus, lors de la fameuse conversation téléphonique avec Yahya Jammeh. "Mon devoir était de prendre son appel et de le transmettre à l'équipe chargée de la médiation".
Sans aller jusqu’à dire que Yahya Jammeh vient de griller l’une des dernières cartes dans son mano-à-mano avec la CEDEAO, Ellen Johnson Sirleaf regrette tout de même que le dictateur gambien reste encore déconnecté des véritables enjeux de la crise politique postélectorale qu’il a provoquée.
"Au moment où il m'a appelé, je pensais qu'il allait m'annoncer une nouvelle proposition de sortie de crise et qu'il voulait renouer avec la médiation. Mais, il est clair que son appel téléphonique n'en était rien du tout. C'était juste une ruse de sa part."
‘’La CEDEAO n'a pas changé de position par rapport à la situation en Gambie’’
Très remontée contre Yahya Jammeh, la présidente en exercice de la CEDEAO n'a pas de doute que l'intention de Jammeh semble être de créer un début de confusion faisant croire que l'organe sous régional hésite à prendre une décision sur son sort. L’option militaire pour le dégager du pouvoir étant celle que Yahya Jammeh veut réduire à néant auprès de ses soutiens dans l’armée et de son parti, la vidéo a été savamment montée par la télévision d’Etat pour donner l'impression aux Gambiens que la CEDEAO ne fera pas usage des armes contre lui.
C’est pourquoi Ellen Johnson Sirleaf a insisté pour dire à la BBC: "Je veux être très clair. La CEDEAO n'a pas changé de position par rapport à la situation en Gambie. La constitution de la Gambie doit être respectée."
Il faut dire qu’en fin manœuvrier, Yahya Jammeh a utilisé sa conversation téléphonique avec la patronne de la CEDEAO pour galvaniser sa majorité mécanique à l’Assemblée nationale gambienne. Dès dimanche soir, après la mise en scène du show avec Mme Sirleaf, Yahya Jammeh a annoncé une convocation en session extraordinaire des députés, avec autorisation au public d’être présent au parlement de Gambie, pour débattre de questions d’intérêt national, entre le 16 et le 18 janvier.
Ce lundi, le premier débat a permis aux députés gambiens de valider la communication de Yahya Jammeh par l’adoption d’une résolution remerciant les Etats membres de la CEDEAO dans leurs efforts pour résoudre pacifiquement l'impasse qu'il a provoquée. Mais la résolution affirme clairement que le parlement gambien demande à la CEDEAO de laisser la place à une solution entre Gambiens.
A Banjul, le bruit court qu’en dernier ressort, Jammeh pourrait utiliser sa majorité mécanique pour prolonger son mandat et décréter un état d’urgence, même si cela violerait la Constitution gambienne.
En attendant, l’Assemblée nationale gambienne poursuit sa session et va adopter ce mardi une motion très hostile au Sénégal et à l’Union africaine. Les députés gambiens vont condamner le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine et le gouvernement du Sénégal qui seront accusés de s'ingérer dans les affaires intérieures de la Gambie.
Déjà ce lundi, certains supporters du parti de Yahya Jammeh n’ont pas fait que suivre le début de la session extraordinaire au parlement. Certains d’entre eux arboraient des pancartes où on pouvait lire : "Macky Sall, vous êtes notre ennemi numéro 1" ou encore "Macky Sall, occupez-vous de vos problèmes".