UN EX-PUTSCHISTE AU POUVOIR
En Sierra Léone, La victoire de Julius Maada Bio signe le retour d’un militaire qui a marqué l’histoire du pays dans les années 1990
Avec 51,81 % des voix, contre 48,19 % pour le candidat du parti au pouvoir, Samura Kamara, Julius Maada Bio est donc le nouveau président de la Sierra Léone. À peine sa victoire proclamée par la Commission électorale nationale (CEN), mercredi 4 avril au soir, il s’est rendu dans un grand hôtel de Freetown où il a prêté serment devant ses proches, les cadres de son parti, le Parti du peuple de Sierra Léone (PPSL), les représentants de l’État, les responsables religieux et les envoyés de la communauté internationale.
Selon la constitution, tout nouvel élu doit prêter serment immédiatement après l’annonce de la CEN. L’occasion pour Julius Maada Bio d’affirmer qu’il sera le «président pour tous les Sierra-Léonais», ajoutant qu’«une nouvelle ère s’ouvrait pour le pays». Ce qui est certain, c’est que ce résultat ne consacre pas un homme nouveau à la tête de la Sierra Léone.
Un homme politique connu
Bien qu’il ne soit âgé que de 53 ans, Julius Maada Bio est en effet loin d’incarner le renouveau de la classe politique du pays. Militaire de formation, il s’est fait connaître en 1992 pour avoir participé au coup d’État conduit par le capitaine Valentine Strasser contre le général Saidu Momoh. Son nom est associé à l’exécution d’une vingtaine de soldats opposés à ce coup de force. Nommé vice-président par Valentine Strasser, il finit par le renverser, à son tour, en janvier 1996.
Trois mois plus tard, Julius Maada Bio rétablit le multipartisme et quitte le pouvoir pour gagner les États-Unis, où il y poursuit ses études. Son départ profite à Ahmad Tejan Kabbah, le leader du PPSL, élu président une première fois en 1996. Renversé en 1997, ce dernier est réélu successivement en 1998 et 2002. Le PPSL perd l’élection présidentielle en 2007 au profit d’Ernest Bai Koroma, du Congrès de tout le peuple (APC).
Profitant de la maladie d’Ahmad Tejan Kabbah, Julius Maada Bio revient au pays pour prendre la tête du PPSL. Avec comme seul objectif, devenir président de la République. Il échoue une première fois en 2012. La mort d’Ahmad Tejan Kabbah en 2014, le rend encore plus indispensable aux yeux de l’opposition. C’est donc chose faite, en 2018.
Son programme
Pendant sa campagne, il a fortement critiqué la présence chinoise dans l’économie du pays, il a promis de réviser les concessions minières et les avantages fiscaux accordés aux compagnies étrangères. Julius Maada Bio s’est également engagé à rendre l’éducation primaire et secondaire gratuite pour tous les enfants. Et enfin, il s’est présenté comme le pourfendeur de la corruption qui gangrène l’État et le pays. Sauf qu’il est lui-même soupçonné d’avoir détourné 18 millions de dollars (14,4 millions d’euros) en 1996.