UNE PREMIÈRE SANS BLAISE COMPAORE DEPUIS 30 ANS
PRESIDENTIELLE AU BURKINA
Ouagadougou, 29 nov 2015 (AFP) - Les Burkinabè ont voté dimanche dans le calme pour désigner leur nouveau président, un "scrutin historique" organisé un an après la chute de Blaise Compaoré, arrivé par un coup d'Etat à la tête du Burkina Faso qu'il a dirigé 27 ans.
Quelque 5,5 millions d'électeurs étaient appelés à participer à ce scrutin couplé à des législatives. Il doit tourner la page de la transition mise en place après l'insurrection populaire qui a chassé Blaise Compaoré en octobre 2014, alors qu'il tentait de modifier la Constitution pour pouvoir briguer un nouveau mandat. Selon une source sécuritaire, le scrutin s'est déroulé sans incident majeur.
La plupart des bureaux ont fermé à 18H (locale et GMT) mais certains étaient encore ouverts à 21H en raison de retards à l'ouverture.
Le président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) Barthelemy Kere a reconnu "quelques anomalies" (retards à l'ouverture, absence de matériel) mais qui ont "été progressivement résolues".
Il a fait un "constat globalement satisfaisant" et a rendu hommage à la "patience, la tolérance et la compréhension" des Burkinabè. Initialement prévues le 11 octobre, ces élections ont été reportées en raison d'un putsch le 17 septembre, porté par l'ancien bras-droit de M. Compaoré, le général Gilbert Diendéré.
Le coup d'Etat avait été mis en échec par la mobilisation de la population et de l'armée loyaliste. "Une fois que le grand manitou n'est pas là, c'est plus libre et plus démocratique", se félicitait un électeur, Ousmane François Ouedraogo, 65 ans, en référence au "beau Blaise", exilé en Côte d'Ivoire voisine.
Ce pays pauvre d'Afrique de l'Ouest d'un peu moins de 20 millions d'habitants, veut voir dans ce scrutin le début une longue ère démocratique. Quatorze candidats dont deux femmes sont en lice pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois.
Roch Marc Christian Kaboré et Zéphirin Diabré, deux ex-ministres passés dans l'opposition avant la chute de Compaoré, sont considérés comme les grands favoris. Toute la journée, les Burkinabè ont fait la queue pour voter dans la bonne humeur.
"Je suis content d'avoir pu voter. Je veux que le candidat pour lequel j'ai voté s'occupe de nous, nous trouve du travail", expliquait Omar Tiemtoré, 39 ans. Le taux de participation devrait être supérieur aux scores des élections précédentes (autour de 50%), selon plusieurs observateurs.
Le président de la Céni a noté "une forte affluence dans chacune des 45 provinces" sans donner de chiffre de participation. - Eclipse de 27 ans - Dans de nombreux bureaux, le dépouillement s'effectuait à la lampe tempête ou de poche.
Les résultats provisoires devraient être annoncés dans la "journée de demain" (lundi), selon la Céni. "C'est une victoire (...) pour le peuple burkinabè", selon Michel Kafando, président du régime de transition chargé de l'organisation d'élections démocratiques.
Il a souligné que le scrutin était le premier "pleinement démocratique, transparent, clair" depuis 1978 et "après une éclipse de 27 ans" de pouvoir Compaoré.
Le parti de Compaoré, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) n'a pas présenté de candidat à la présidentielle, une loi controversée interdisant de scrutin les pro-Compaoré ayant soutenu la révision constitutionnelle.
Toutefois, le CDP présente de nombreux candidats aux législatives et pourrait réaliser un bon score lors de ce scrutin à un tour.
Sept des 14 candidats à la présidentielle ont été, à des titres divers, des compagnons et barons du régime déchu. M. Kaboré est resté 26 ans avec M. Compaoré,notamment comme Premier ministre avant de tomber en disgrâce, et de quitter le régime 10 mois avant sa chute.
"C'est un jour historique. Nous avons eu une rupture totale avec l'ancien système", a-t-il estimé promettant "d'apporter un changement réel au pays".
M. Diabré, qui a rompu avec Compaoré en 1997, a noté que "c'est la première fois que nous avons des élections aussi ouvertes", assurant avoir voté avec "un état d'esprit de vainqueur".
Le gouvernement a déployé 25.000 hommes pour sécuriser l'élection dans ce pays à majorité musulmane, touché pour la première fois de son histoire par des attaques jihadistes en 2015, près de la frontière avec le Mali.