LES PETITES PHRASES DE KEBA MBAYE ET CHEIKH TIDIANE DIAKHATE
Les «Sages» et leurs discours lors des prestations de serment
Pape Oumar Sakho installe le Président Macky Sall aujourd’hui à Diamniadio. Va-t-il prendre la défense du Conseil constitutionnel critiqué de toutes parts, comme l’avait fait feu Cheikh Tidiane Diakhaté en 2012 ? Ou lâchera-t-il la petite phrase comme celle de Kéba Mbaye avec son «Les Sénégalais sont fatigués».
KEBA MBAYE : «LES SÉNÉGALAIS SONT FATIGUÉS»
Les cérémonies d’installation des Présidents sont parfois matinées de quelques petites phrases de juges. «Les Sénégalais sont fatigués» de Kéba Mbaye, en 1981, face à Abdou Diouf, est jusqu’ici la plus célèbre. Le Premier président de la Cour suprême d’alors lui-même rappelait dans son historique leçon inaugurale à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, le 14 décembre 2005, que «beaucoup de Sénégalais n’ont retenu que cette formule lapidaire». Elle était d’autant plus importante qu’elle venait d’un magistrat qui, semble-t-il, avait brisé les codes. «En installant le Président Abdou Diouf, en ma qualité de Premier président de la Cour Suprême, j’avais, comme me l’avait reproché un ami qui nous a quittés, parlé comme un homme d’Etat, alors que je n’étais qu’un simple juge», expliquait-il. Et, on peut en déduire que c’est ce ton jurisprudentiel de Kéba Mbaye qui semble inspiré les «sages».
CHEIKH TIDIANE DIAKHATE : «MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, IL Y A TANT DE FRUSTRATIONS…»
En 2012, la campagne électorale, émaillée de violences à cause du troisième mandat de Abdoulaye Wade, avait poussé le président du Conseil constitutionnel à sortir de ses gonds. Parce que les «5 sages» à l’époque avaient essuyé de vives critiques en validant la candidature de Me Wade. Le 2 avril de cette année, alors qu’il installait Macky Sall au King Fahd Palace, feu Cheikh Tidiane Diakhaté n’avait pu se retenir. «(…) Monsieur le président de la République, c’est en nous la victoire de la démocratie sénégalaise qui a su résister aux turbulences annoncées et amplifiées que seule la maturité du Peuple a su écarter. Les pesanteurs et les contingences de tous ordres ont pu être dépassées sans remettre en cause le socle de la Nation. (…) Pour sa part, le Conseil constitutionnel, seul organe habilité en l’occurrence à dire le droit, estime avoir joué sa partition avec responsabilité, sérénité et impartialité, malgré les contre vérités, agressions, insultes, menaces et invectives», avait fulminé le président du Conseil constitutionnel. Avant d’ajouter une citation de l’écrivain Jérome Kardos : «’’Demain, dans le tir groupé des francs-tireurs embusqués, décochant depuis leur sombre repaire, des flèches assassines contre votre personne, retenez que c’est l’ambigu destin de ceux qui se lèvent au-dessus du lot commun. C’est dire que, où que vous tournez, vous n’avez ni faveur ici ni grâce là. Soyez et restez votre propre arbitre, c’est à-dire celui qui sait s’occuper lui même pour n’entendre que la voix de la conscience.’’»
Voilà une réponse à tous ceux qui l’accusaient, lui et ses collègues, d’être du côté du Président sortant. Mais, dans un registre proche de celui de Kéba Mbaye, Cheikh Tidiane Diakhaté avait souligné à l’endroit de Macky Sall : «Monsieur le président de la République, il y a tant de frustrations et parfois aussi tant de désespoirs dans nos sociétés que l’urgence s’est pratiquement installée partout : l’emploi surtout des jeunes, l’énergie, le coût de la vie, la vitalité de nos entreprises, la prise en charge des personnes vulnérables sans occulter la dynamique de nos institutions. Il y a là tellement d’impératifs que l’on peut croire que tout reste à faire. (…) C’est à vous que cette lourde mission échoit. C’est à votre honneur, c’est aussi dans vos responsabilités. Vous avez avec vous la symbolique de l’espoir et la volonté de ne pas décevoir.»
QUE DIRA PAPE OUMAR SAKHO ?
Alors, ce 2 avril 2019, au Centre des expositions de Diamniadio, que nous réservera le président du Conseil constitutionnel ? Va-t-il répondre à ceux qui accusent les «7 sages» d’avoir «éliminé» des candidats au cause du dispositif de contrôle du parrainage ou des autres pièces du dossier de candidature ? Le discours de Pape Oumar Sakho est aussi attendu.