LES VENDEURS DE JOURNAUX NE FONT PLUS RECETTES
Depuis plusieurs mois, les journaux internationaux sont presque introuvables sur le territoire sénégalais
Depuis plusieurs mois, les journaux internationaux sont presque introuvables sur le territoire sénégalais. Une situation bien ennuyeuse pour les revendeurs des kiosques et les librairies, constamment harcelés par la clientèle locale et européenne vivant à Dakar.
En début d’après-midi du lundi 5 mars, un des employés de la librairie Aux Quatre vents du centre commercial Sea Plaza, a indiqué que la boutique ne se faisait plus livrer les journaux internationaux depuis fin décembre. L’employé, qui a tenu à rester anonyme, a premièrement lié la suspension de la distribution des journaux internationaux par l’Adp, au transfert de l’aéroport international, le 7 décembre 2017. Puis, regardant furtivement les alentours, il déclare ‘‘je ne pense pas qu’il s’agisse des véritables raisons. L’Adp a des problèmes de créance’’. L’Agence de distribution de presse (Adp) est le distributeur exclusif de la presse française au Sénégal.
Mamadou Sy, un kiosquier du centre-ville de Dakar, a indiqué que selon un employé de l’Adp chargé de livrer ses commandes, le fournisseur de la presse française, Presstalis, n’aurait plus de hangar à l’aéroport. Mamadou qui vendait entre autres, Le Point, Le Monde, Le Figaro, L’Express, selon la demande des clients, a attesté que le directeur de l’Adp, M. Ibrahima Touré, lui aurait affirmé il y a trois semaines, que les journaux lui seraient à nouveau bientôt livrés. Or jusqu’ici, rien ne lui est parvenu. Selon M. Sy, le problème viendrait d’un différend entre l’ancien directeur de l’Adp et Presstalis, principal fournisseur de la presse française au Sénégal.
Selon Mouhamed Ndour, comptable et gérant de presse de la librairie Mon Ami, située au centre-ville, l’Adp subirait les conséquences d’un endettement qui daterait de plusieurs années. L’Adp leur aurait affirmé que c’est un problème de tarification entre le distributeur local et le fournisseur français sur les journaux revendus au Sénégal. Ndour affirme que «la Cote d’Ivoire, qui aurait également le même fournisseur français, est confronté au même malaise depuis près d’un an».
Grégoire Cusin-cherche, directeur marketing de Jeune Afrique media group, a indiqué par correspondance électronique que Presstalis en France, est actuellement dans une situation financièrement délicate. Pour cette raison, le distributeur français a cessé toute livraison à l’Adp qui a manqué au paiement de sommes onéreuses dues. M. Touré, pour sa part, a refusé d’évoquer le sujet avec Le Quotidien.
Toutefois, contrairement aux autres journaux internationaux, Jeune Afrique n’est nullement affecté par la situation. Mamadou Sy pense que la raison viendrait du fait que Jeune Afrique soit un journal panafricain et que les autres soient occidentaux. Selon M. Cusin-cherche, Jeune Afrique représente entre 60 et 70% du chiffre d’affaires de la presse magazine au Sénégal tous titres confondus. Par conséquent, l’alternative d’une distribution directe par l’Adp a été trouvée entre le magazine et le distributeur local, afin d’avoir des garanties de paiement que Presstalis n’a pu obtenir.
La situation de la presse internationale dans la capitale sénégalaise affecte également de manière considérable le chiffre d’affaires des commerciaux et revendeurs. Tel est le cas pour l’hypermarché Casino où le revenu hebdomadaire en presse a chuté de près de 1 500 000 Fcfa à moins de 100 000 Fcfa. D’un air abattu, un employé de l’hypermarché, sous couvert de l’anonymat, affirme que «le coût de la presse locale est si faible qu’il est devenu difficile pour nous d’atteindre 100 000 par semaine». De même, Mouhamed Ndour indique que les factures en presse de la librairie Mon Ami sont passées de 200 000 F Cfa à 60 000 Fcfa. «Un énorme manque à gagner», se désole-t-il.
Selon les clauses du contrat avec l’Adp, aucun revendeur ne doit collaborer avec un autre fournisseur. De ce fait, certains kiosquiers, pour pallier les manques dans leurs commerces et faire face aux besoins de leurs ménages, passent par les compagnies aériennes Corsair et Air France, mais aussi par des fournisseurs dont ils ne veulent dévoiler l’identité.
Abdoul Sy, kiosquier de la rue Hassan II, épuisé dans l’attente de la clientèle et inquiet de la situation, estime d’un air contrit : «L’Etat devrait subventionner l’Adp afin que l’agence puisse éponger ses dettes. Tout comme le gouvernement finance l’éducation, le sport, la santé, il devrait également agir de même pour l’Adp, car il y a près de 700 vendeurs dont le gagne-pain en dépend.» De plus, comme Mamadou Sy, plusieurs ont peur que les clients se rabattent sur internet. Cela constituerait pour eux une catastrophe.