PRÉSUMÉ COUPABLE
Blocage du Code de la presse
L’adoption du nouveau Code de la presse ainsi que de la nouvelle Convention collective des journalistes tarde à se faire. Selon le Secrétaire général du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication (Synpics), Ibrahima Khaliloulah Ndiaye, l’Etat doit user de son pouvoir pour débloquer la situation.
Depuis 2010, le projet de nouveau Code de la presse dort dans les tiroirs. Idem pour les négociations sur la nouvelle Convention collective des journalistes qui butent sur des obstacles incessants.
Le Secrétaire général du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication (Synpics) a exprimé hier son exaspération devant ce qu’il qualifie de «dilatoire» de la part des patrons de presse. L’atelier de formation des journalistes en dialogue social et négociation, organisé par le Haut conseil du dialogue social (Hcds), a servi de tribune à Ibrahima Khaliloulah Ndiaye pour interpeller le ministre du Travail et le gouvernement.
«Un an après le lancement des négociations sur la nouvelle Convention collective, les choses n’ont pas bougé», se désole M. Ndiaye. Il pointe ainsi un doigt accusateur sur les patrons de presse qui, à son sens, ont pris prétexte du renouvellement de leurs instances pour différer les discussions. Le Secrétaire général du Synpics demande ainsi à l’Etat «d’user de son pouvoir pour que les deux parties se retrouvent à la même table».
Le directeur de la Communication rassure toutefois. Selon Alioune Dramé, «le département de la Communication a reçu des instructions pour hâter les négociations sur la (nouvelle) Convention collective».
Mieux, promet-il, «le Code de la presse sera déposé, cette année, à l’Assemblée nationale». «Depuis 2010, nous avons eu des problèmes avec la presse en ligne et ensuite c’étaient les députés, qui n’étaient pas d’accord avec la deprisonnalisation. Mais des solutions ont été trouvées et le code est prêt à passer devant les députés», précise M. Dramé.
Tout en s’abstenant de faire valoir la position de son organisation, le représentant du Collectif des éditeurs et diffuseurs de presse (Cdeps), Mamadou Ibra Kane, a souligné la nécessité de «codifier l’exigence d’une formation de base pour exercer à défaut d’adopter le nouveau Code de la presse». Une adresse à laquelle le directeur de la Communication a répondu en précisant que le Sénégal forme des journalistes depuis 50 ans. «C’est l’organisation de la profession qui pose problème», indique M. Dramé.
L’atelier de formation initié par le Hcds va permettre à une quarantaine de journalistes de s’imprégner des enjeux qui touchent à la vie des entreprises, aux relations professionnelles entre employeurs et travailleurs et au quotidien des populations. «Il nous faut nous accorder sur des minima, parvenir à des consensus non point au bénéfice du «Prince» mais de la cité», estime le ministre du Travail Mansour Sy.
Cette formation de trois jours entre dans le cadre des programmes de promotion du dialogue social et de sa vulgarisation. Elle va permettre de passer en revue les questions relatives à la justice sociale et à la promotion du travail décent ainsi que le rôle de la presse, indique la présidente du Hcds Mme Innocence Ntap Ndiaye.
IBRAHIMA KHALILOULA NDIAYE, SG DU SYNPICS, SUR LE BLOCAGE DU CODE DE LA PRESSE
«C’est le secrétaire d’Etat à la Communication qui n’en a pas voulu»
Le processus d’adoption du nouveau Code de la presse est bloqué depuis quelques années. Selon le Secrétaire général du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication (Synpics), Ibrahima Khaliloulah Ndiaye, les responsables sont à chercher dans l’entourage du Président. Il pointe plus précisément un doigt accusateur sur le secrétaire d’Etat à la Communication Yakham Mbaye.
L’adoption du nouveau Code de la presse est bloquée depuis des années. Même chose pour les négociations sur la nouvelle Convention collective. Est-ce que vous avez identifié les facteurs de blocage ?
«Pour ce qui est du Code de la presse, jusqu’à une époque très récente, nous avions pensé que le gouvernement allait faire bouger les choses. Il y a même eu une commission parlementaire avec le président Moustapha Diakhaté et l’imam Mbaye Niang. Nous devions, tous, nous retrouver pour procéder à une relecture, harmoniser des choses et remettre le code au goût du jour en tenant compte des dernières évolutions.
On n’était pas parti sur des a priori ou des idées préconçues. On se disait qu’on pouvait se retrouver, discuter ensemble, relire le code et s’accorder sur un minimum, sur une base consensuelle. Malheureusement, ça n’a pas pu se faire parce que de l’autre côté, nous avons identifié qu’il y a eu des gens qui ne voulaient pas de ce code.
Et malgré l’engagement de certains démembrements. C’est ça qui nous pose aussi problème avec les autorités. Non seulement elles ont tardé à réagir, mais il n’y a pas eu de réaction. Nous avons dénoncé une absence de vision et de volonté dans ce projet d’adoption du Code de la presse.
Pour ce qui est de la Convention collective, les négociations ont été lancées depuis belle lurette. Mais le patronat s’est toujours refugié derrière le prétexte de renouveler ses instances.
Aujourd’hui que Madiambal Diagne est parti et que Mamadou Ibra Kane est à la tête du Cdeps, nous ne pensons pas qu’il ait les coudées franches pour procéder à une lecture, puisqu’il n’est là que de façon provisoire. Ça pose problème ! Et pendant ce temps, l’Etat avait la latitude et l’autorité pour réunir les parties autour d’une table et arbitrer. Malheureusement, ça n’a pas été le cas.
Quand vous dites que des gens sont contre l’adoption du code, de qui parlez-vous précisément ?
Aujourd’hui, on dit que dans l’entourage du Président, il y a beaucoup de journalistes. Les députés que j’ai cités et le ministre de la Communication, on avait tenté de débroussailler le chemin pour que cette rencontre se tienne effectivement.
Le Président Macky Sall avait mandaté le député Moustapha Diakhaté pour qu’il travaille à la tenue de cet atelier qu’il allait lui-même financer, afin qu’on se mette d’accord sur un draft. Mais malheureusement, c’est le secrétaire d’Etat à la Communication qui n’en a pas voulu et il a manœuvré pour que ce séminaire ne se tienne pas. C’est pourquoi nous dénonçons l’attitude des autorités, surtout le chef de l’Etat. S’il était mu par la volonté de voir la presse se doter d’un nouveau code, il devrait rester cohérent.
Quand je vois que le Président se défoule sur la presse en disant qu’on donne la parole à n’importe qui dans les medias, il a aussi sa part de responsabilité. Il appartient au président de la République de faire en sorte qu’on ait un cadre minimal.
Mais ils laissent le monde de la presse pourrir et après, ils viennent dire que les journalistes ne sont pas responsables. Nous voulons être responsables, mais nous ne pouvons voter les lois, ni faire aboutir certaines propositions.
Vous identifiez le secrétaire d’Etat à la Communication, Yakham Mbaye, comme facteur de blocage ?
Entre autres, oui. Au-delà de tout, il aurait pu mouiller le maillot puisque c’est sa corporation. Et tous les autres qui sont dans l’entourage du Président aussi. Mais ils ne l’ont pas fait. Pire, quand des initiatives sont prises, elles sont sabordées. Nous ne comprenons pas. Non seulement il n’y a pas de solidarité gouvernementale, mais il n’y a pas une harmonisation des positions.
Et là maintenant, la priorité du Synpics, c’est la convention ou le code ?
Les deux restent valables parce que la précarité existe plus que jamais dans notre milieu. Il y a une violation systématique et flagrante des droits du travail ; des journalistes pas embauchés, qui n’ont pas de contrats de travail, ni de bulletins de paie. Et il y a eu des licenciements tous azimuts.
Pourtant, les actions de protestation prévues par le Synpics ont été annulées. Qu’est-ce qui s’est passé ?
On n’a pas annulé. Il y a eu des ministres de la République et des membres du Parlement qui se sont impliqués pour nous appeler à la table de négociations. C’est ce qui a fait qu’on a renoncé de façon provisoire à cette manifestation qui était prévue. Mais il n’y a pas une seule méthode de lutte, toutes les initiatives restent ouvertes.
Le directeur de la Communication vient de dire que le code allait être voté cette année. Vous y croyez ?
Nous avons entendue cette chanson à maintes reprises. Le code, ce n’est pas le directeur de la Communication qui va le voter. Ce que nous avons toujours dénoncé, c’est que le gouvernement ne se soit pas suffisamment impliqué pour que le projet arrive à l’Assemblée nationale. Il n’y est toujours pas arrivé depuis quatre ans.»