GOODLUCK JONATHAN, LE "CHANCEUX" MIS À MAL PAR BOKO HARAM
PRÉSIDENTIELLE AU NIGERIA
Lagos, 7 fév 2015 (AFP) - Le président nigérian Goodluck Jonathan, candidat à sa propre succession le 14 février, a un bilan difficile à défendre, entaché par des scandales de corruption et une criante impuissance à contrer l'expansion des insurgés islamistes de Boko Haram.
Le chef de la première puissance économique du continent africain, dont le prénom signifie "bonne chance" en anglais, a bénéficié de nombreux concours de circonstances favorables au fil de son parcours politique.
Elu vice-président en 2007, ce docteur en zoologie de 57 ans a été propulsé à la présidence de la nation la plus peuplée d'Afrique en mai 2010, après le décès par maladie, en plein mandat, de Umaru Yar'Adua. Chrétien du Sud de l'ethnie Ijaw, il est le premier dirigeant issu du delta pétrolier du Niger et le premier aussi à ne pas appartenir à l'une des trois principales ethnies:
Yoruba, Haoussa-Fulani et Igbo. Cet homme de grande taille arbore en permanence un chapeau à large bord et affectionne les tenues traditionnelles de sa région, des chemises amples sans col décorées d'une petite chaîne.
- Au bon endroit, au bon moment -
Après avoir enseigné puis travaillé pour la protection de l'environnement dans une agence gouvernementale, M. Jonathan, issu d'une famille modeste de fabricants de pirogues, se lance en politique en 1998. "Je l'appelle le +président par accident+. C'était de la chance", estime l'écrivain Adewale Maja-Pearce, auteur d'articles sur le Nigeria pour le New York Times.
"Il a été sorti de l'ombre parce qu'il était considéré comme flexible". En 1999, année du retour d'un régime civil, il est élu gouverneur adjoint de Bayelsa, son Etat d'origine. En 2005, quand le gouverneur est destitué après un scandale de blanchiment d'argent, M.Jonathan prend les commandes jusqu'en 2007.
Le Parti démocratique du peuple (PDP), qui domine la scène politique, le choisit alors comme candidat à la vice-présidence, estimant qu'il est "le plus propre" des gouverneurs des Etats du delta, réputés très corrompus.
Avec Yar'Adua, un musulman du Nord, il formait un tandem présidentiel répondant au souci de préserver un fragile équilibre confessionnel et ethnique (les 173 millions de Nigérians se partagent à parts égales entre musulmans et chrétiens).
En avril 2011, Goodluck Jonathan accroît sa légitimité en remportant la présidentielle loin devant son principal adversaire, l'ancien chef de junte militaire Muhammadu Buhari, un musulman du Nord qui sera, de nouveau, son adversaire à la présidentielle du 14 février.
Mais des affrontements post-électoraux font 800 morts: la victoire de Jonathan a provoqué la fureur de musulmans du Nord, qui voulaient que la présidence revienne à l'un des leurs et s'opposaient au maintien d'un chrétien du Sud. L'un de ses amis, Amalate Johnny Turner, raconte à l'AFP que "Goodluck" n'a "jamais même rêvé de devenir ce qu'il est aujourd'hui".
- Expansion de Boko Haram -
Si M. Jonathan est connu pour garder son calme en toutes circonstances, le pays qu'il dirige est confronté à des crises profondes sur plusieurs fronts, au moment où il brigue un nouveau mandat.
L'armée est très critiquée pour son incapacité à contenir l'expansion insurrectionnelle dans le nord-est de Boko Haram qui s'empare de pans entiers de territoires, ce qui a coûté la vie à plus de 13.000 personnes depuis six ans.
Face à cette incurie, les pays voisins (Cameroun, Niger, Tchad), aux frontières menacées, ont lancé une offensive de grande envergure contre le groupe extrémiste.
Au plan économique, M. Jonathan a été félicité, sur la scène internationale, pour s'être entouré de quelques technocrates expérimentés et reconnus, telle que l'ex-vice-présidente de la Banque Mondiale Ngozi Okonjo-Iweala, actuelle ministre des Finances.
Mais de nombreux scandales financiers ont entaché son mandat, notamment les 20 milliards de dollars de fonds publics détournés par la compagnie pétrolière nationale. Le président nigérian n'a aussi et surtout pas amélioré le niveau de vie de la population, malgré la manne pétrolière.
Car dans la première puissance pétrolière d'Afrique, gangrénée par la corruption, l'immense majorité de la population vit toujours avec moins de 1,5 dollar par jour.