ADIEU, ARISTOCRATE !
Qu’on me permette à mon tour, au risque de paraître enfoncer des portes ouvertes, de répéter ce que tout le monde sait déjà, de joindre ma voix — ou, plutôt, ma plume — aux multiples hommages rendus à Ameth Amar
Ce sera sans doute du déjà-entendu. Un disque rayé. Une litanie. Certes. Mais qu’on me permette à mon tour, au risque de paraître enfoncer des portes ouvertes, de répéter ce que tout le monde sait déjà, c’est-à-dire les témoignages ressassés jusqu’à l’overdose, de joindre ma voix — ou, plutôt, ma plume — aux multiples hommages rendus à Ameth Amar, le défunt Pdg de Nma-Sanders, depuis l’annonce de son décès lundi dernier. C’est mon confrère et ami Thierno Talla, directeur de « l’As », qui m’a joint pour m’apprendre la terrible nouvelle. D’abord incrédule, il m’a rappelé quelques minutes plus tard pour me confirmer la mort de celui qui était un pote à nous deux.
Pas seulement pour nous deux mais pour presque tout le monde, surtout dans la famille de la presse. Certes, il avait des rapports presque consanguins avec notre confrère Cheikh Mbacké Guissé de « l’As » qui était son petit frère, son ami, son confident et son complice mais, en réalité, bien rares sans doute sont les patrons de presse — pour ne parler que de notre monde à nous — qui n’aient pas bénéficié du soutien de l’homme qui sera porté sous terre aujourd’hui à Darou Salam. Ameth, c’était la générosité même, un Seigneur, un homme au comportement chevaleresque. il donnait sans compter, sans rien attendre en retour, rien que pour le plaisir de donner et de rendre service à son prochain. a chaque fois que c’était dur, qu’on traversait une mauvaise passe, il suffisait d’appeler Ameth, de lui demander de la publicité pour que la réponse, sous forme de bouée de sauvetage, tombe : « ok, tu veux que je prenne combien de pages ? Envoie-moi la facture et viens chercher le chèque demain ! »
Ainsi, réagissait-il à chaque fois qu’on le sollicitait. Cette pub qu’on lui proposait, il n’en avait pas besoin la plupart du temps et la souscrivait juste pour aider. il ne m’a jamais dit non et a toujours décroché à chaque fois que je l’ai appelé. Une attitude bien rare chez les milliardaires ! la dernière fois que je l’ai sollicité, c’était à la veille de la Coupe du Monde jouée en Russie. Pour couvrir les frais occasionnés par le déplacement de mon envoyé spécial, j’avais sollicité deux personnes : lui et Mamadou Racine Sy du groupe Sénégal Hôtels. Je savais pouvoir compter sur eux et tous deux ont effectivement répondu présents. lorsque je l’avais appelé, la réponse d’Ameth avait été : « tu vends la page à combien et dis-moi le nombre de pages que tu souhaites que je te prenne ! »
Bien évidemment, quand on a la chance d’avoir un homme aussi disponible à son endroit, un homme aussi généreux et désintéressé, on évite d’abuser de sa bonté ! C’est pourquoi, lors de la dernière Coupe d’Afrique des nations, j’avais décidé, quitte à n’envoyer personne sur les bords du Nil, de ne pas solliciter le patron de Nma Sanders et repreneur des Moulins Sentenac. Je ne voulais surtout pas abuser de sa bonté ! En m’annonçant son décès, thierno talla aussi m’a dit que, comme moi, il n’avait pas « tapé » sur notre ami Ameth pour la Can parce que, justement, lui aussi avait bénéficié de son précieux soutien lors de la Coupe du Monde ! Pour dire vrai, je ne me rappelle pas une seule fois où Ahmet Amar m’a dit non. C’est d’ailleurs pourquoi il m’arrivait de rester des mois sans l’appeler, sans essayer de prendre de ses nouvelles car il se croyait toujours obligé de faire un geste.
Thierno Talla l’a rappelé, la dernière fois où nous l’avons vu, c’était durant le Ramadan 2018, lorsqu’il nous avait invités, dans sa superbe demeure de Fann, à un « ndogou » gargantuesque préparé par sa gentille épouse Amina. Un « ndogou » qui nous rappelait un autre, durant l’année 2012, chez l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye que Ameth Amar avait tenu à nous présenter afin que nous fassions mieux connaissance. En fait, je ne peux pas compter le nombre de dîners auxquels il nous a invités, Thierno Talla ou laye Bamba Diallo et moi. Que ce soit à Dakar, à Paris ou à Londrès. J’ai aussi eu l’honneur de participer à la célébration d’un de ses anniversaires, dans sa maison de Fann Mermoz cette fois. une soirée animée par Thione Seck et son orchestre. Thione Seck dont Ahmet Amar a été, justement, un des premiers et plus généreux mécènes en plus d’être un ami. Ce qui me plaisait aussi par-dessus tout chez le Darmanko que tout le Sénégal pleure depuis sa disparition, c’était sa joie de vivre légendaire.
Ameth positivait toujours et voyait la vie en rose. Il était heureux, le montrait, croquait la vie à belles dents et ne cachait pas sa réussite. il était du genre à vous dire : « j’ai passé des vacances merveilleuses dans tel coin paradisiaque » ; « j’ai acheté telle marque de voiture » ; « j’ai envie de me faire plaisir en allant voir tel match de la champion’s league. » Il parlait aussi de ses projets avec un enthousiasme émouvant. On l’a dit et écrit : c’était l’un des rares capitaines d’industries du Sénégal. Alors que les hommes d’affaires nationaux se complaisent dans l’immobilier et le négoce, secteurs où le retour sur investissement est plus rapide et les risques moindres, lui il avait franchi le Rubicon pour se lancer dans l’industrie avec ses contraintes, ses aléas, ses retours sur investissements hasardeux, ses perspectives de long terme, ses énormes besoins en capitaux. Après avoir fait de la Nma Sanders une réussite, il avait fait sensation en rachetant les moulins Sentenac, l’une des plus vieilles industries du Sénégal. Une minoterie qu’il avait modernisée en la dotant des dernières technologies en la matière. Puis il avait entrepris de remonter la chaîne de production en s’associant au groupe français avril pour la production de maïs à grande échelle dans le Sud de notre pays. il était aussi actionnaire de total Sénégal et de la banque Bnde. Et avait contribué à mettre sur pied le club des industriels du Sénégal. Justement, la diffusion des communiqués de ce club était toujours pour amet un prétexte pour offrir de la publicité à ses amis de la presse. Arrêtons nous là car que pouvons-nous écrire ou dire, en réalité, sur la bonté, la générosité et l’humilité de Ameth Amar qui n’ait déjà été dit ou écrit ? Contentons-nous donc de prier Dieu de le recevoir dans Son paradis. et présentons nos condoléances attristées à toute sa famille, à ses collaborateurs, ses amis… Que la terre de Darou Salam où il reposera désormais lui soit légère.