AFFAIRE SWEET BEAUTY : LA MISÈRE À LA BARRE
Mais comment ne pas être pessimiste lorsqu’un pays dont la jeunesse constitue le principal atout peut se trouver d’autres priorités que la formation et l’employabilité de cette dernière ?
L’affaire « Sweet Beauty » qui passionne, depuis plus de deux semaines, l’opinion sénégalaise et fait les choux gras de toute la presse, est révélatrice d’un phénomène qui va au-delà du sombre scandale polico-sexuel. S’il est, à ce stade, aventureux de se prononcer sur le fond du dossier, nous devons, sans préjuger du résultat des investigations en cours, nous interroger sur cette misère sociale dont la jeune Adji Sarr est le nom.
Même si le discours opportuniste d’une certaine opposition, conjugué aux velléités jusqu'au-boutistes des « faucons » du pouvoir, pourrait altérer notre démocratie déjà chancelante et faire basculer notre pays dans la violence. Il nous faut nous arrêter un instant, prendre de la hauteur et nous poser les bonnes questions : qui sont ces jeunes filles de détente, exploitées dans la pénombre et le silence des centaines de salons de massage qui pullulent dans tout Dakar ? Qui sont ces milliers de jeunes Adji, Marème ou Fatou, livrées, pour moins de 50 mille francs CFA par mois, au bon plaisir des « clients » ?
Osons le dire : elles sont la manifestation vivante et dérangeante de l’échec d’un système politique incapable d’offrir à sa jeunesse d’autres perspectives que l’immigration clandestine, le système-D ou la servitude.
Elles sont la parfaite illustration du désarroi d’une jeunesse sénégalaise précarisée qui avait pourtant placé tant d’espoir, en 2012, dans l’élection de Macky Sall.
Un jeune « président né après les indépendances » disait-on. Un président dont l’histoire personnelle (issu de milieu très modeste, ancien locataire d’un quartier populaire) et le parcours éducatif (un pur produit de l’école et de l’université sénégalaises) devaient rendre particulièrement sensible aux questions de pauvreté et à la situation de désœuvrement d’une grande partie de notre jeunesse.
Que reste-t-il encore de cet espoir, un temps nourri par la promesse présidentielle de faire de l’emploi et de la jeunesse les priorités de sa politique dite d’émergence ?
Le constat, hélas, est sans appel : De la ‘‘cadence accélérée’’ au ‘‘fast-track’’, Macky nous a mené dans une impasse.
Malheureusement nous avons la mémoire courte car bien avant cette affaire Adji Sarr-Ousmane Sonko, l’histoire de la jeune diplômée, Ngoné Mbaye, vendeuse ambulante de cordes avait mis en lumière l’ampleur de la détresse de notre jeunesse. La dignité et les larmes de Ngoné avaient ému tout le pays et jeté un épais voile d’inquiétude sur notre avenir.
Mais comment ne pas être pessimiste lorsqu’un pays dont la jeunesse constitue le principal atout (selon la dernière enquête de l’ANDS la moyenne d'âge de notre population est de 19 ans) peut se trouver d’autres priorités que la formation et l’employabilité de cette dernière ?
Ngoné Mbaye et Adji Sarr symbolisent les deux faces de la honteuse médaille de l’échec qu’il nous faut décerner à Macky Sall et à son régime.
Bara Seck
Responsable Etudes financières – Crédit Agricole
Membres des cadres de la République des Valeurs (Reewum Ngor)