ALPHA A CONNU SON OMEGA : QUEL NOUVEAU VARIANT POUR LA GUINEE ?
La liesse dans les rues de Conakry hier, n’avait rien à envier à ce qu’avaient vécu les Burkinabè en 2015, au moment de la fuite de Compaoré, par exemple
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Un autre coup d’Etat militaire en Afrique, hier. Une fois de plus, un soldat est passé à la télévision nationale, a lu une déclaration annonçant la dissolution des institutions du pays, et annoncé une transition qui devrait permettre d’engager les réformes qui mettront enfin le pays sur les rails du développement.
Le petit peuple lui, n’aura retenu qu’une chose : l’ancien dirigeant qui voulait s’accrocher au pouvoir, a enfin été déboulonné. La liesse dans les rues de Conakry hier, n’avait rien à envier à ce qu’avaient vécu les Burkinabè en 2015, au mo - ment de la fuite de Compaoré, par exemple. C’est vrai que Alpha Condé a bien cherché ce qui lui est arrivé. Et ce n’est certainement pas du côté de Dakar qu’il sera regretté, lui qui avait tout fait pour faire oublier qu’il devait même la vie au Peuple sénégalais et à ses dirigeants, qui l’avaient sauvé des griffes de Lansana Conté quand il était opposant. Arrivé au pouvoir à la suite d’une élection improbable, dont le second tour était intervenu après plus de 3 mois, il l’a quitté hier au moment où il pensait avoir mis au pas toute son opposition, en ayant tripatouillé la Cons - titution pour s’offrir un autre mandat présidentiel. Condé a hier réussi une autre performance. Si on écarte le coup de Toumba Diakité contre Dadis, qui était plus un règlement de comptes entre anciens complices paniqués par l’épouvantail de la Cpi, c’est la première fois que des militaires guinéens renversent un chef d’Etat encore en vie.
Avec Sékou Touré comme avec Lansana Conté, c’est après l’enterrement des dirigeants que les soldats sont sortis des casernes. C’est dire que Alpha avait fini d’exaspérer même ses plus fervents soutiens dans l’Armée. D’ailleurs, il se dit que c’est parce qu’il se sentait menacé de limogeage que le colonel Mamady Doumbouya a voulu prendre les devants. Alpha Condé se voulait le Mâle Alpha de la Guinée, il n’aura été, en ces temps de Covid-19, qu’un variant, devant céder la place au… Delta Doumbouya ! Ce qui pose alors la question du devenir de la Guinée. En plus de la pandémie du Covid, le pays doit faire face à de nouvelles calamités sanitaires, comme Ebola et la fièvre de Marburg. Le putsch va entraîner des sanctions de la part de la Cedeao et, certainement, de l’Union africaine. Même s’il n’était pas vraiment aimé de ses voisins ou de ses pairs, aucun dirigeant africain ne va publiquement soutenir son renversement par la force. C’est dire que si les militaires guinéens ne négocient pas finement, le pays va connaître des moments difficiles. On peut même parier que, échaudés par les exemples du Tchad et du Mali, où elles ont été accusées de complaisance, sinon de faiblesse par rapport aux putschistes, les institutions internationales se montrent particulièrement dures envers les nouveaux hommes forts de Conakry. On devrait donc voir très bientôt, dans les capitales de la sous-région, des délégations des militaires guinéens venir tenter de justifier leur coup, pour éviter d’être asphyxiés. Mais, en vérité, on se demande bien ce que ce coup d’Etat pourrait apporter de positif au pays, en dehors d’une certaine décrispation provisoire sur le plan politique. Les militaires guinéens, depuis Lansana Conté, en passant par Moussa Dadis Camara et autres, ne se sont jamais distingués par leur culture démocratique. Comprendront-ils enfin qu’ils ne peuvent pas accaparer le pouvoir au profit de leurs seuls intérêts et de ceux d’une certaine catégorie des citoyens ? Alpha Condé leur avait assuré une certaine impunité suite aux massacres du 28 septembre 2009, et ils ne l’ont jamais inquiété pendant plus de 10 ans. Doumbouya est venu rompre cette alliance. Les jours à venir nous édifieront si ce dernier coup est fait pour ou sur le dos du Peuple guinéen.