« APOLOGIE DU TERRORISME », UNE INFRACTION QUI CACHE DES ABUS
Le sieur Saer KEBE ne pourra prétendre à une indemnisation parce qu’il n’a pas été acquitté, mais reconnu coupable par la juridiction de jugement qui l’a condamné à une peine de 3 mois assortie de sursis après quasiment 4 ans de détention provisoire
I - L’infraction “d’Apologie du Terrorisme” mérite-t-elle d’être criminalisée ?
En France, l'apologie du terrorisme est un délit depuis la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; il était réprimé par l'article 24 alinéa 6. Aujourd'hui, il est réprimé par l'article 421-2-5 du Code pénal depuis la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme ;
Le Sénégal, pour des raisons de politique criminelle, a institué la Loi n° 2016-29 du 08 novembre 2016 modifiant les articles 279-1 à 279-5 de la Loi n° 65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal en son TITRE II relatif “AUX ACTES DE TERRORISME ET DES ACTES ASSIMILES” ;
Cependant, force est de constater que le Code Pénal du Sénégal ne l’a pas défini, mais s’est contenté tout simplement de l’énumèrer ;
“Est puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 500.000 francs à 2.000.000 de francs celui qui, par les moyens énoncés à l’article 248 du présent code, fait l’apologie des actes visés à l’alinéa précédent” ;
Par omission de donner un contenu à l’infraction, la question de droit est de savoir : l’Apologie du Terrorisme serait-elle le fait de donner un avis contraire, pour des raisons politiques, religieuses ou simplement anticonformistes ?
Le législateur, en voulant élargir le champ d’application de l’incrimination du TERRORISME a posé une fausse solution à un vrai problème juridique qui menace la liberté d’expression des citoyens et de la presse ; Sous ce rapport, j’interpelle nos vaillants juges à remédier aux errements du législateur en donnant une définition claire et précise de “l’Apologie du Terrorisme” dans leurs décisions ultérieures ;
Dans la rigueur des principes, “l’Apologie du Terrorisme” ne nécessite pas de saisine d’un Cabinet d’Instruction à plus forte raison être jugée devant les Chambres Criminelles pour des raisons ci-dessous :
1 - L’infraction d’Apologie de Terrorisme n’est pas une infraction connexe si on s’en tient à la définition du Terrorisme ;
2 - Au regard du contexte et du prétexte de la Loi, l’infraction de Terrorisme suppose des actes matériels ou préparatoires alors que dans l’Apologie du Terrorisme, il n’y a aucun acte matériel concevable et susceptible d’engager des poursuites criminelles ;
En outre, en matière pénal, l’interprétation par analogie est interdite lorsqu’elle est défavorable à la personne poursuivie, elle obéit au principe selon lequel, l’interprétation stricte pose le principe de l’interdiction de l’interprétation analogique ;
A notre avis, l’infraction “d’Apologie du Terrorisme” est une infraction de flagrance ou délictuelle et son auteur doit être traduit devant les juridictions de droit commun statuant en matière Correctionnelle ;
II - Comment indemniser des personnes victimes de longues détentions provisoires préjudiciables ?
Il convient de préciser les conditions que pose la Loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la Loi organique n° 2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour suprême à son article 107 à 113 qui dispose que : “Peuvent introduire un recours devant la commission d’indemnisation, les personnes ayant fait l’objet d’une décision de détention provisoire suivie d’une décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement” ;
Au regard de cette disposition, le sieur Saer KEBE ne pourra prétendre à une indemnisation parce qu’il n’a pas été acquitté, mais reconnu coupable par la juridiction de jugement qui l’a condamné à une peine de 3 mois assortie de sursis après quasiment 4 ans de détention provisoire ; DURA LEX, SED LEX ; “NUL N’EST CENSÉ IGNORER LA LOI”