APRÈS CELUI D'IDRISSA SECK, LE RETOUR GAGNANT DE KARIM WADE?
EXCLUSIF SENEPLUS - Et si Macky Sall acceptait le défi, pour une titanomachie mémorable contre ses deux frères challengers : Karim Wade sorti du tartare et Idrissa Seck renaissant !
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En ce début d’année 2018, l’agitation pré-électorale entre les héritiers de Wade bat son plein. Aux piques lancés par Idrissa Seck succède un duel à mort imploré par Karim Wade dans son dernier communiqué du 18 mars ! Cette prise de parole officielle du candidat du PDS ne nous surprend guère. Celle-ci avait été prophétisée par son messager Pape Saer Guèye, lors du colloque International Islam et Paix organisé à King Fahd Palace : « Je peux assurer qu’après le 14 mars prochain, il (Karim Wade) posera un acte plus fort ».
Jusqu’alors, Karim Wade privilégiait les déclarations à huis-clos sur WhatsApp en direction de ses partisans. Cette fois-ci, les yeux dans les yeux, il défie sur Facebook le Président de la République sénégalaise. Fort de l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 14 mars 2018, Karim Wade manifeste son intention de laver son honneur avec pour arbitre suprême, le Peuple sénégalais.
Regardons de plus près la photo de propagande qui accompagne le communiqué de Karim Wade. Indubitablement, la mise en scène de celle-ci est soignée pour accentuer le caractère victorieux de la bataille judiciaire de Paris. Remarquez comment le signe V de Karim Wade peut être assimilé au célèbre V de Winston Churchill, il nous renvoie à la résistance obstinée de cette grande personnalité et à sa victoire inespérée sur le régime nazi allemand. Observez aussi l’heure et le jour de son communiqué : un dimanche à 20 h ! C’est généralement le moment où, lors des soirées électorales pour les présidentielles dans les démocraties, apparaît sur nos petits écrans la photo du vainqueur ! Pour Karim Wade, cet arrêt de la Cour d’Appel tombe à point nommé. Cela lui donne l’opportunité de présenter le jugement français comme un trophée politique et d’annoncer une nouvelle étape dans sa vie politique, la légitimation de sa candidature ne faisant plus de doute à ses yeux.
C’est de bonne guerre que Karim Wade claironne son dernier succès judiciaire. Au premier abord, c’en est un ! La demande de confiscation de ses biens introduite par l’Etat sénégalais a été rejetée par la Cour d’Appel de Paris. Mais les juges français ont-ils porté une appréciation sur le fond de l’affaire, par là même assénant un coup d’assommoir à la CREI ? La réponse doit se faire en deux temps. Primo, les juges français ont marqué leur neutralité juridique. Ils n’ont jamais débattu de la culpabilité de Karim Wade décidée souverainement par une juridiction étrangère. A fortiori, leur décision ne révise pas le litige au fond. Ils se sont limités à en contrôler la régularité par rapport à l’ordre public français. Secundo, les juges français ont habilement procédé à une neutralisation politique du litige. Après avoir vérifié l’inexistence dans l’arsenal juridique du délit d’enrichissement illicite et subséquemment vidé le contentieux de sa substance, les juges ont estimé que les prétentions de Karim Wade en lien avec un supposé procès politique étaient superfétatoires.
Cependant une seconde lecture de la Cour d’Appel de Paris, sous un angle plus politico-sociologique, nous apporte d’autres enseignements plus favorables à Karim Wade. La qualification opérée par la Cour d’Appel de Paris relève d’un choix de société : la France est hostile aux présomptions de culpabilité. D’ailleurs, si la Cour d’Appel avait suivi les réquisitions du procureur de la République financière, le Conseil constitutionnel, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité de Karim Wade, et/ou la Chambre criminelle de la Cour de cassation auraient tout simplement rappelé l’état de la jurisprudence sur cette question. L’enrichissement illicite tel qu’il est consacré au Sénégal est contraire aux principes intangibles du système judiciaire français, et en particulier au principe de légalité et à la sacro-sainte présomption d’innocence. C’est ce que la Cour d’Appel de Paris a conclu bien involontairement. Et par ricochet la juridiction française a apporté de l’eau au moulin de Karim Wade.
Le triomphe de la bataille judiciaire de Paris a regonflé le moral de Karim Wade. La photo du communiqué du 18 mars l’intronise dans une forme de zénitude, voire de sénégalitude (paix intérieure). Mais sa condamnation lui reste toujours opposable au Sénégal. A n’en pas douter, chaque partie campera sur ses positions juridiques. Depuis la réactivation de la CREI et la guerre des communiqués entre les avocats de Karim Wade et de l’Etat du Sénégal, l’opinion publique sénégalaise est prise en étau entre l’impossibilité de démêler le vrai du faux et ses préoccupations quotidiennes éloignées des guerres des chefs.
Peut-être la rédemption de Karim Wade se trouve-t-elle là : conquérir le cœur du peuple sénégalais au-delà des controverses juridiques et politiciennes. Avec son dernier communiqué, et ce bien que Me Abdoualye Wade réside toujours à Doha à ses côtés, Karim Wade tente de casser l’image de fils à papa. Il met définitivement un terme aux spéculations autour de négociations secrètes entre l’ancien président Me Abdoulaye Wade et le Président Macky Sall. En défiant Macky Sall comme un lutteur sénégalais, Karim Wade force son destin et se livre à une sorte de « bakku » pour arborer sa sénégalité. Le plus difficile est à venir : sortir des prétoires et rentrer au pays pour quitter son nid douillet qatari peu ou prou conforme avec son nouveau profil d’homme politique proche des préoccupations des Sénégalais.
Et si Macky Sall acceptait le défi, pour une titanomachie mémorable contre ses deux frères challengers : Karim Wade sorti du tartare et Idrissa Seck renaissant !