APRES LES ÉLECTIONS À LA FSF, QUELQUES MISES EN GARDE SUR LES OBJECTIFS DU MOMENT
La CAN ? Eternelle rengaine et éternelle insatisfaction. Que n’en tire-t-on pas des leçons de nos échecs répétés pour poser des fondements solides en vue de succès ultérieurs durables ? Nous sommes le pays de l’éphémère et, … on semble s’en accommoder.

La CAN ? Eternelle rengaine et éternelle insatisfaction. Que n’en tire-t-on pas des leçons de nos échecs répétés pour poser des fondements solides en vue de succès ultérieurs durables ? Nous sommes le pays de l’éphémère et, … on semble s’en accommoder.
Un parcours spectaculaire ! Et on crie tout de suite, à l’unisson, sur tous les toits, que la prochaine sera la bonne alors qu’on ne s’est même pas donné les moyens de bien préparer cette prochaine. Très souvent, tout l’argumentaire « pro domo », très mince, repose sur l’existence de fleurs (l’effectif avec de supposées « pépites ») dont certaines sont souvent plus proches de se faner que d’éclore ! On sait qu’il n’est pas facile de renouveler un effectif qui a fait des prouesses surtout dans le monde du football international africain où se forment, avec de très solides relais « fabricants d’opinions », des moyens de pression pour la sélection ou la non sélection de tel ou tel sportif. Mais quand même, il ne faut pas nous faire prendre des vessies pour des lanternes !
Pour rappel, après le parcours de 2002, des dirigeants, au plus haut niveau, disaient que le prochain objectif devait être au moins une demi-finale de coupe du monde. On avait déjà posé les bases ou les fondements de « l’art de gagner des trophées alors qu’on n’a même pas encore joué les matchs éliminatoires ». On a vu ce que cet objectif est plus tard devenu, le Togo nous élimine ici même à Dakar.
Cette habitude de « gagner » des matchs qui ne sont pas encore joué est toujours vivace chez nous. Que des supporters se mettent dans cette perspective, me parait tout à fait normal. Mais quand ce sont des « décideurs », il y a de quoi tirer sur la sonnette d’alarme. Il faut vraiment faire attention ! Certaines déceptions sportives peuvent conduire à des conséquences insoupçonnées en Afrique. Alors, sachons raison garder par rapport aux discours et aux fanfaronnades sur la prochaine CAN qui, plus est, se déroule au Cameroun, un pays qui souvent, barre la route au Sénégal dans les grandes compétitions de football.
L’ « arrogance » et la « suffisance » n’ont jamais permis d’être vainqueur dans une compétition sportive. Ce sont ceux qui ne connaissent pas le sport qui peuvent se permettre ce genre d’attitude. Il est dommage que certains analystes et observateurs, pourtant d’excellents éducateurs, de notre pays soient aussi prompts à déclamer que « la victoire finale est à nous », qu’à crier à l’échec si cette victoire ne vient pas.
Pour moi, ce n’est pas aussi simple que cela ! Quand on va dans une compétition, on n’est pas face à une porte béante pour aller chercher le trophée. En effet, on n’est jamais à l’abri d’une contreperformance d’un ou deux joueurs malgré une bonne préparation, d’une contreperformance de l’équipe entière sur un match, d’un adversaire hyper motivé, d’une erreur de casting dans la composition de l’équipe ou d’une erreur d’arbitrage (malgré ou souvent à cause du VAR)…
Ceci dit, il est vrai que nous avons, nous sénégalais, de quoi être optimiste. Oui, sur ce qu’on voit depuis quelques années, par rapport au niveau des autres équipes, le Sénégal possède de réelles chances.
Première nation africaine au classement FIFA depuis quelques années, qualification aux phases finales de la CAN deux journées avant la fin des éliminatoires, une équipe composée, entre autres, d’Alfred Mendy, Kalidou Koulibaly, Abdou Diallo, Gana Gueye et Sadio Mané permet de caresser les fantasmes les plus fous. On peut donc légitimement avoir pour ambition d’aller gagner la prochaine CAN au Cameroun.
Mais de grâce, essayons de ne pas confondre Ambition et Objectif ! Eh oui, il faut vraiment faire attention car, « la principale cause des échecs consiste à vouloir anticiper les succès, les succès arrivent quand ils doivent arriver, pas avant ».
C’est la leçon de l’entraîneur d’athlétisme, José Luis Martínez, peut-être l’un des hommes les plus savants du sport européen qui, parlant des débuts difficiles de Guardiola à Manchester City avait dit ceci : « Le succès pour Guardiola consiste à mener à bien un projet complexe de refondation footballistique qui dote l’équipe d’une indiscutable identité de jeu, la réussite pour City va beaucoup plus loin que battre Arsenal ou ne pas laisser Chelsea s’échapper ».
Mon avis est que l’objectif des dirigeants du football sénégalais pour les 4 ans de mandat qui viennent de démarrer, devrait être de continuer à mettre en place une organisation et une stratégie juridique et institutionnelle qui seront les gages de nombreux succès durables pour notre football. Une organisation qui permettrait à notre football et à nos compétitions sur le territoire, d’être un lieu de spectacle de haut niveau et, un creuset de production de talents. Bref, une organisation qui permettrait la mise en place d’un cadre pour faire émerger progressivement des footballeurs de très haut niveau comme ceux que la France nous « fournit » régulièrement pour les compétitions de notre équipe nationale A.
D’ailleurs, pour rester avec la France, les observateurs avertis savent que l’organisation de base qui a permis les succès français en football date de 1966 (Réforme Georges Boulogne) et que, plus récemment, il a été mis dans ce pays une structure spéciale avec un volet sportif dirigé par des sportifs de très haut niveau (agence du sport) qui a peut-être eu une influence positive sur les résultats des dernières olympiades pour les sports collectifs français.
Maintenant, pour le court terme, comme nous avons aussi pour ambition de gagner la CAN, il faut donc mettre tous les atouts de notre côté. Cela suppose aussi pour notre équipe nationale, jouer la compétition en vue de la gagner et non pas pour faire valoir un quelconque talent individuel. C’est vrai que briller individuellement dans une CAN super médiatisée peut permettre d’augmenter une valeur marchande sur le marché mondial du football. Mais, l’équipe la plus collective gagne souvent en dernière instance. Aujourd’hui, il est de plus en plus démontré que, si des joueurs sont capables de gagner un ou des matchs, une compétition est gagnée par une EQUIPE.
L’Algérie l’a largement démontrée à la dernière CAN et, l’Italie en a fait de même lors du dernier Euro de football. D’ailleurs, de plus en plus de techniciens fustigent l’individualisme grandissant dans le football moderne avec la folle course aux statistiques individuelles. « Jusqu’à preuve du contraire, le football ne se joue pas à un contre un. C’est onze joueurs dans une équipe. Un entraineur ne doit pas se reposer sur un seul et même joueur. Neuf fois sur dix, c’est l’équipe la plus collective qui gagne dans ce sport… On a beau être le meilleur joueur du monde, on ne pourra jamais rendre une équipe meilleure, si elle n’est pas à la hauteur collectivement… Le ‘je’ ne doit pas prendre le dessus sur le ‘jeu’… ». (Raynald Denouaix, entraineur de football).
Pour cette raison, je me pose beaucoup de questions quand je vois le nombre grandissant de récompenses individuelles. Un signal négatif car, on est en train de reproduire un système qui est aux antipodes des exigences d’un sport collectif et qui est en mesure de déstructurer une équipe nationale. Ah il est vrai que dans la logique de gestion du football mondial, les équipes nationales sont reléguées au second plan au profit des clubs avec une forte tendance vers des super ligues à haute intensité capitalistique avec des « super star » véritable produit de marketing à aux seuls!
Ceci dit si, dans la réalisation de l’objectif de restructuration de la gestion du football, il se greffe une victoire à la CAN, on achète de suite car cela peut servir d’accélérateur pour l’atteinte de l’objectif.
Le danger, c’est de vouloir faire de la CAN l’objectif de toute une fédération et de la politique sportive de tout un pays. Ce serait une grosse erreur, pas seulement sportive, mais également et, surtout sociale.
* DIRECTEUR DE L’INSTITUT EDGE. * FONDATEUR DU MASTER DROIT ET ECONOMIE DU SPORT.