AU NOM DE LA DÉMOCRATIE
La plus grande gangrène du Peuple sénégalais semble être sa classe politique. Une classe politique, adepte de l’apocalypse, qui tient en otage, au quotidien, une nation pacifique, une jeunesse naïve sans boussole
La plus grande gangrène du Peuple sénégalais semble être sa classe politique. Une classe politique, adepte de l’apocalypse, qui tient en otage, au quotidien, une nation pacifique, une jeunesse naïve sans boussole.
Les courtiers de l’enfer nous promettent un tremblement de terre s’ils ne participent pas aux élections législatives. Je me pose vraiment la question de savoir si notre population mérite ces hommes politiques. Ce brave Peuple abandonné à son sort mérite-t-il cette race de politiciens, qui est prête à tout pour accéder au pouvoir ?
Rares sont ceux qui peuvent représenter un exemple ou un modèle pour une jeunesse en quête de repères. Entre un présumé violeur, des condamnés pour meurtre et pour détournement de deniers publics, il urge de s’interroger sur les valeurs de l’Homo Sénégalensis.
Au Sénégal du 21e siècle, aussi paradoxal que cela puisse paraître, le milieu économique (chefs d’entreprises, travailleurs), les entrepreneurs et intellectuels qui excellent partout dans le monde ne participent au débat public qu’accessoirement. Et pourtant, déserter le débat public est un crime, une trahison pour ce pays qui nous a tout donné, ce pays qui est un héritage que nous devons transmettre, intact, à nos enfants.
Devons-nous croiser les bras et laisser à cette classe politique la liberté de détruire et saborder ce beau pays ? L’histoire de la fourmi qui ne semblait pas se préoccuper de l’affrontement des gladiateurs résume bien la situation actuelle du pays. En se considérant comme un spectateur d’un conflit dont elle se croyait étrangère, la fourmi se garda d’intervenir. Les conséquences du combat furent désastreuses, les flammes emportèrent le cheptel, toutes les habitations et la fourmi elle-même. Pour dire que le silence est coupable.
Il est temps que les démocrates et patriotes de ce pays se lèvent pour arrêter la spirale dont l’ultime finalité est d’accéder au pouvoir par tous les moyens et déconstruire l’héritage légué par les pères fondateurs. Le Sénégal est une escroquerie démocratique, une démocratie d’une minorité politique qui impose une dictature électoraliste.
En effet, le débat public est organisé autour des questions purement politiques, reléguant au second plan les débats de fond sur l’économie, la culture, l’éducation, la sécurité et la santé. L’ambition des politiques semble être la confiscation de l’espace public et la promotion des valeurs en dehors de la République. Le manque de respect à nos institutions, le discrédit jeté au quotidien sur notre Administration publique est une œuvre de déconstruction de ce qui fait le fondement de notre Etat.
Ce dernier est le socle sur lequel l’égalité des citoyens devant la loi et le service public se construit et se consolide au gré des régimes. Cet idéal de la République où les institutions ont permis à des milliers de Sénégalais de se construire un avenir meilleur et de donner la chance à tous les enfants de la République de recevoir une instruction. Aucune République n’est parfaite et ces imperfections doivent être le combat au quotidien de tous ses fils.
Des milliers de Sénégalais ont pu, par la magie d’une transmission des valeurs de la République, être inspirés par le parcours académique et administratif de grands commis de l’Etat, de grands chefs d’entreprise et de grands opérateurs économiques. Cette modélisation de notre jeunesse par l’exemple ne doit pas cesser, elle doit être le symbole d’une République qui transforme le fils du Sénégalais lambda des villes et des campagnes en un grand commis de l’Etat, en un chef d’entreprise, elle doit être la source d’inspiration de tous les enfants, mais elle doit être aussi la promesse d’espérance d’une vie améliorée pour tous ceux et celles qui croient à une République fondée sur les valeurs et le mérite. Mais seulement, si ceux qui aspirent à nous gouverner ne croient pas en nos institutions, à nos Forces de défense et de sécurité, à notre Administration, la démocratie devient une utopie.
Cette propension au dénigrement de l’Etat et de ses institutions est aux antipodes de sa conception. Comme le dit Durkheim : «Plus l’Etat devient fort, actif, plus l’individu devient libre. C’est l’Etat qui le libère. Rien donc n’est plus funeste que d’éveiller chez l’enfant et d’entretenir chez l’homme ces sentiments de défiance et de jalousie à l’endroit de l’Etat comme s’il était l’œuvre de l’individu alors qu’il en est le protecteur naturel et le seul protecteur possible.»
La démocratie est une promesse du respect du vivre-ensemble, un engagement de la construction d’une stabilité sociale fondée sur le respect des institutions, une obligation d’une répartition des ressources juste et équitable. Cet idéal d’une démocratie de justice sociale doit être le leitmotiv de tous les démocrates et patriotes. L’acceptation de la démocratie, basée sur la délégation de l’exercice régalien du pouvoir à une minorité, est l’expression d’un pacte de confiance entre cette minorité et les détenteurs légitimes du pouvoir. Ce pacte fondé sur l’expression d’un suffrage libre est le seul gage d’une démocratie dont le but ultime doit être de conquérir le pouvoir en respectant les règles du jeu pour exploiter le potentiel de développement qui est en chaque citoyen.
La démocratie n’est ni la dictature d’une minorité ni celle d’une majorité, elle n’est pas l’endoctrinement d’une quelconque idéologie populiste, ni l’endormissement des masses ignorantes, elle doit être la quête d’une liberté de choix, l’ambition d’une offre programmatique progressiste pour répondre aux aspirations légitimes de la société. La consécration d’une victoire électorale par la violence, la peur, l’intimidation et le mensonge est une négation de notre culture démocratique et de l’essence même de notre tradition républicaine.
La conquête du pouvoir doit être une compétition saine fondée sur des valeurs de la République et un dialogue fécond sur des questions d’intérêt majeur. En ce sens, la préservation de l’Administration et de la Justice est une œuvre de grandeur dans la mesure où elle constitue les piliers de la République. Une Administration et une Justice au service du citoyen, tel doit être le discours de tous les hommes politiques, pour en faire le ciment de notre République.
Préserver la paix et la stabilité c’est se donner la chance de construire le rêve d’un Sénégal de progrès et de poursuivre la quête d’une société inclusive et solidaire. Le désir et la volonté de construire s’opposent à la boulimie du pouvoir et à la promotion de la violence et des antivaleurs. On ne construit un pays que dans le respect des lois et règlements, par la participation à la consolidation d’une conscience citoyenne saine, abreuvée aux valeurs de paix et de tolérance. Le rôle de la classe politique ne doit pas être d’opposer des Sénégalais contre leurs frères, quels que soient les enjeux du moment. L’adversité ne doit pas et ne peut se transformer en une haine basée sur des contrevérités et la manipulation pour accéder au pouvoir.
En tenant un discours de vérité aux jeunes sur les vertus du travail, le sens de l’honneur, le respect des institutions et le respect de nos guides religieux et coutumiers, nos hommes politiques feront œuvre de salubrité publique et contribueront à bâtir un citoyen sur lequel ils pourront compter pour développer le pays. C’est à ce prix que tous les démocrates, cette masse silencieuse, doit se mobiliser pour préserver ce qui fait notre fierté, au nom de la démocratie.